L'usine de traitement des eaux usées d'Achères (Yvelines) figurait sur la première liste des sites sous vigilance renforcée rendue publique en juillet 2021 par la ministre de la Transition écologique. Un dispositif mis en place dans le cadre du plan post-Lubrizol et ciblant les installations classées (ICPE) faisant l'objet d'incidents réguliers ou de non-conformités récurrentes.
Dans ce cadre, l'exploitant de l'usine, le Service public de l'assainissement francilien (Siapp), devait remettre aux services de l'État un plan de mise en conformité portant sur le risque incendie, la sécurité du personnel et la sécurité générale du site. Un incendie, survenu le 3 juillet 2019, avait en effet détruit l'unité de clarifloculation. Ce qui avait occasionné une pollution de la Seine, avait entraîné une forte mortalité piscicole et avait « affecté durablement les capacités de traitement du site », rappelle l'inspection des ICPE.
Fuite de biogaz
Une fuite de biogaz au niveau d'un digesteur primaire est en effet survenue le 10 octobre 2022. Compte tenu de la quantité de gaz émise dans l'atmosphère (4,21 tonnes, selon l'exploitant), cet accident est classé comme « majeur » au titre de la directive Seveso. Une inspection, menée le 21 octobre 2022, a révélé une série de manquements parmi lesquels l'absence d'identification du phénomène en jeu dans des délais satisfaisants par le personnel, l'absence de détecteur de gaz à proximité des digesteurs, ou encore le non-déclenchement du plan d'opération interne (POI). À la suite de ces constats, le préfet des Yvelines a pris un arrêté de mise en demeure le 12 décembre 2022 ordonnant au Siapp de se mettre en conformité, dans des délais d'un à six mois selon les dispositions, avec son arrêté préfectoral d'autorisation.
Une visite renforcée de l'inspection, réalisée les 13 et 14 février 2023, a de nouveau donné lieu à des constats de non-conformités. « Certaines de ces non-conformités traduisent des insuffisances relatives à la robustesse des installations et à la culture du site en matière de risques industriels », rapporte l'inspection. Des non-conformités qui sont venues s'ajouter à celles déjà constatées et dont certaines avaient fait l'objet de mises en demeure.
Départ de feu dans une centrifugeuse
Mais la liste des incidents et non-conformités constatées sur ce site ne s'arrête pas là. Le 25 mars 2023, un départ de feu dans une centrifugeuse mobile l'a rendue indisponible et a réduit la capacité de traitement des boues d'environ 39 %. Soit une capacité de traitement réduite à 47 % de la capacité initiale de l'installation, déjà atteinte par… un autre incendie datant du 4 février 2018.
Pour donner suite à ce nouvel incident, le préfet a pris un arrêté prescrivant des mesures d'urgence avant le 24 avril 2023 en vue de retrouver une capacité de traitement des boues suffisante par rapport aux besoins de l'établissement. À défaut, le risque était de déverser des eaux usées non traitées ou partiellement traitées dans la Seine. Ce qui a déjà été le cas les 7 et 8 mars derniers en raison « d'événements pluviaux concomitants à des travaux limitant la capacité de l'usine », à l'origine de « creux d'oxygène » qui ont pu impacter la faune piscicole.
Les sujets de préoccupations de l'établissement en matière de risques accidentels et chroniques ne manquent donc pas. Le nouveau plan de mise en conformité au titre du dispositif de vigilance renforcée, que l'exploitant doit respecter pour le second semestre 2023 ou le second semestre 2024 selon les dispositions concernées, comprend douze sujets portant sur les mesures de maîtrise des risques (MRR), la gestion des alarmes dans le cadre du système de gestion de la sécurité (SGS), la maintenance ou encore la résilience des capacités de traitement.
Il n'est pas certain que l'inflexion dans le bon sens dans la culture du risque et la transparence, constatée par l'inspection des ICPE en 2022, suffise à l'exploitant pour sortir rapidement du dispositif de vigilance renforcée.