"La maîtrise grandissante du stockage de l'énergie sera de nature à transformer notre façon de produire, consommer, transporter de l'électricité" a assuré, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, lors de l'ouverture du colloque organisé par le Club Stockage d'énergies de l'ATEE, mardi 5 novembre. La question du stockage de l'énergie semble stratégique pour le gouvernement. Le rapport d'Anne Lauvergeon la place ainsi comme l'une des sept ambitions pour l'innovation. "Une course de vitesse est engagée : il faut bâtir une offre pour prendre des parts dans les marchés naissants dans le monde, a développé Arnaud Montebourg, c'est le sens des 34 plans industriels".
S'il semble prometteur, qu'en est-il réellement du potentiel de la filière du stockage d'énergie ? Une étude dévoilée lors du colloque de l'ATEE (1) s'est précisément intéressée à une partie de cette question. Elle s'est penchée sur le bénéfice de l'ajout de capacités de stockage d'énergie pour les collectivités à l'horizon 2030 (contexte hors tarif d'achat). Elle s'est basée pour cela sur les deux scénarios prospectifs de mix national de production électrique de RTE et un troisième, de l'Ademe. Selon les travaux étudiés, la part des énergies renouvelables intermittentes pourrait atteindre à l'horizon 2030 entre 36 et 56% de la puissance installée et entre 20 à 40% de la production annuelle d'électricité.
Cette projection est toutefois à mettre en perspective avec la situation actuelle. Fin 2012, le mix énergétique français comptait 13,7% d'énergies renouvelables et pourrait selon le Syndicat des énergies renouvelables (Ser) se limiter à 17% en 2020.
Un pilotage dynamique de la demande électrique à privilégier
"Nous recommandons à court terme, non pas la mise en place massive de stockage électrique, mais de favoriser des projets de R&D amont ou de démonstration visant à développer les solutions de stockage stationnaire d'électricité susceptibles de permettre, après 2030, l'augmentation de la part des EnR dans le mix de façon compétitive", pointe le rapport.
Pour ce faire, le ministre a notamment annoncé le lancement un appel à manifestation d'intérêt (AMI) qui devrait se clôturer au premier trimestre 2014.
Selon le document, le système électrique français disposerait d'une résilience à l'introduction d'énergies renouvelables jusqu'à 46 GW d'éolien et 33 GW de solaire.
En France métropolitaine, seules les stations de transfert d'énergie par pompage seraient rentables à l'horizon 2030, pour un gisement potentiel évalué entre 1 et 1,5 GW, selon les auteurs du rapport. "En dehors de contextes locaux particuliers (2) (…), le stockage d'électricité décentralisé ou diffus s'avère la plupart du temps moins intéressant économiquement que des solutions de renforcement réseau ou d'écrêtement de la production intermittente excédentaire", développe le document.
Selon ce dernier, la majorité des besoins de flexibilité électrique pourraient être satisfaits par un pilotage dynamique de la demande électrique. Ainsi, le déploiement de compteurs intelligents ou l'utilisation plus dynamique des signaux tarifaires (heures pleines / heures creuses) dans le cas de la recharge du parc existant de ballons d'eau chaude sanitaire chez les particuliers autoriseraient une économie de 40 à 85 M€/an.
"Nous pourrions imaginer par exemple un couplage entre Linky et des systèmes de stockage et imaginer une offre pour que les opérateurs puissent écrêter les pointes", a confirmé Arnaud Montebourg.
Miser sur les volants d'inertie et les batteries
L'étude montre également qu'un stockage d'électricité très réactif en métropole, dédié à la fourniture de réserve primaire (grâce à des modifications réglementaires), permettrait une économie pour la collectivité de 250 à 450 k€/MW/an installé. "Pour cela, les volants d'inertie et les batteries semblent une solution prometteuse : la projection du coût d'investissement à horizon 2030, pour 1⁄2 heure de stockage, est estimée à 180 k€/MW/an pour des volants d'inertie (avec une hypothèse d'amortissement de 20 ans) et à 80 k€/MW/an pour une batterie Li-Ion (avec une hypothèse d'amortissement de 10 ans)", estime t-elle.
La flexibilité complémentaire sur l'équilibre offre-demande apportée par le stockage d'énergie thermique de chaleur permettrait également de réduire les coûts d'investissement des chaufferies (centrales biomasse et capacités de pointe), selon le rapport. Il représenterait un potentiel total de l'ordre de 5 à 10 GWhth à horizon 2030, en France. La condition ? Qualifier de renouvelable le statut de l'énergie thermique stockée d'origine renouvelable.
"Le couplage stockage de chaleur et centrales de cogénération est particulièrement intéressant, car il permet de piloter la cogénération en fonction des prix de l'électricité, indépendamment de la demande de chaleur, souligne le rapport.
En effet, selon le document, lorsque les débouchés thermiques ne sont pas suffisants, la chaleur générée est stockée pour une utilisation ultérieure, dans de meilleures conditions de valorisation.
Parmi les freins identifiés par le rapport, les coûts d'investissement et les aspects réglementaires seraient les plus importants.
"Nous allons mener une feuille de route pour un modèle pour le stockage de l'énergie avec l'ensemble des technologies et ensuite apporter un arbitrage politique pour les aspects réglementaires", a assuré Arnaud Montebourg.
Selon le rapport, la contribution au service public de l'électricité (CSPE) devait évoluer pour n'être facturée que sur l'énergie effectivement consommée (du fait des pertes) par les dispositifs de stockage.