A l'occasion d'une conférence de presse organisée lundi 9 janvier 2012 à Brest, l'association Robin des Bois a annoncé porter plainte contre X pour pollution aux hydrocarbures et mise en danger de la vie d'autrui, rapporte l'AFP.
Le parquet de Brest a ouvert fin décembre une information judiciaire pour pollution par hydrocarbures consécutive à une faute caractérisée de navigation ayant conduit à l'échouement du navire.
Le capitaine n'est pas le seul maître à bord
L'objectif de Robin des Bois est d'"aiguiller la justice vers l'ensemble des acteurs" ayant joué un rôle dans ce naufrage, a expliqué Charlotte Nithart, la porte-parole de l'association.
Selon l'ONG, la liste des "personnes morales ou privées susceptibles d'entrer dans le périmètre de cette plainte" est longue : il s'agit du port de Lorient "qui n'a pas appliqué l'article R. 304-11 du Code des ports maritimes selon lequel l'autorité portuaire peut au cas par cas interdire le départ d'un navire", du service de pilotage du port de Lorient "qui n'a pas alerté les autorités compétentes (…) des anomalies manifestes relevables au moment du départ [du navire]", du consignataire du TK Bremen "qui a la responsabilité de fournir au navire et au propriétaire du navire tous les documents et toutes les informations relatives à sa bonne conduite pendant l'escale et au moment du départ", du commandant du bateau "qui n'a pas tenu compte des avis d'alerte aux professionnels sur l'arrivée imminente de la tempête", de l'armateur "qui n'a pas en temps réel et dès le début des difficultés du TK Bremen donné (…) les conseils et les consignes décisifs visant à enrayer la situation" et du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Etel "qui n'a pas donné l'alerte alors que les évènements se déroulaient et s'aggravaient sous ses yeux".
"Affirmer que le commandant est le seul maître à bord après Dieu, c'est se référer à la marine à vapeur", estime ainsi Jacky Bonnemains, le président de l'association qui juge que ce sont "le cumul et la synergie de ces négligences, omissions ou fautes, [qui] ont abouti à cette situation".
Urgence ou pression des élus locaux ?
Par ailleurs, l'association dénonce le démantèlement du navire qui se fait selon une "procédure expéditive qui est une invitation à ouvrir des chantiers sur les plages". Cette démolition constitue un précédent qui "va inciter à faire n'importe quoi" et notamment le traitement sur place d'un déchet dangereux.
La préfecture du Morbihan a pris le 26 décembre 2011 un arrêté préfectoral de mesures conservatoires d'urgence concernant le chantier de déconstruction du cargo TK Bremen. Cependant, Robin des Bois "estime que les conditions d'urgence invoquées par la préfecture (…), à savoir la fragilité de la coque, ne sont pas réunies". L'ONG rapporte que "depuis des décennies, des navires de la taille du TK Bremen sont échoués sur le littoral de Mauritanie par exemple et résistent".
Pour l'association, "s'il y a urgence, c'est à effacer le plus vite possible les stigmates" du navire échoué. "Le ministère de l'Ecologie avait bien l'intention dans les jours qui ont suivi l'échouement de respecter la réglementation qui s'impose", avance l'ONG, ajoutant que "les coups de boutoir des élus voulant se débarrasser dans les meilleurs délais de ce problème encombrant et les échéances électorales ont [cependant] été déterminants".
Cartographie des déchets dangereux
Pour l'association, cette procédure d'urgence s'apparente à une "démolition go fast" qui ne répond pas à la législation en vigueur : absence d'autorisation temporaire d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), conformément aux dispositions de la réglementation française et européenne, et non-respect des lignes directrices de la Convention de Bâle et de la convention de l'Organisation maritime internationale (OMI) sur le démantèlement des navires.
Avant d'entreprendre la démolition du navire, "Robin des Bois demande que le préfet du Morbihan, la préfecture maritime et l'inspection du travail publient la cartographie des déchets dangereux présents sur le TK Bremen, si elle existe". L'association rappelle que la rubrique 2712 de la nomenclature des ICPE prévoit une cartographie préalable des matières polluantes intégrées à la coque au moment de sa construction et des matières polluantes provenant de l'exploitation du navire pendant 30 ans.
En effet, le bateau, est un "déchet industriel de plus de 2.000 tonnes contenant de l'amiante sous diverses formes, des PCB, des tartres d'hydrocarbures, des déchets de peinture au plomb, au mercure et à l'étain", déplore l'association. Ces polluants se trouveraient notamment dans les lieux de navigation et d'habitation qui ont conservé des cloisons, revêtements de sol, joints, colle, sanitaires, câblages et autres équipements électriques. De même, le navire, utilisé pour le transport de vrac agroalimentaire, "a subi de multiples fumigations visant à protéger et à conserver les produits agricoles et il est probable que des résidus de pesticides se soient concentrés sur les parois et dans les fonds des cales". Enfin, la présence potentielle des peintures à l'amiante, au tributylétain et autres métaux toxiques est confirmée par l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2011.
Faute de traitement spécifique de ces polluants, et "à l'exception des moyens mécaniques et de la protection du personnel, les conditions du découpage de la coque sur la plage sont identiques à celles rencontrées en Inde ou au Bangladesh", a déploré Jacky Bonnemains.