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« Les zones d'implantation des parcs éoliens marins sont d'abord choisies par les industriels »

Alors que se tient le débat public sur le parc éolien offshore d'Oléron, Dominique Chevillon, vice-président de la Ligue de protection des oiseaux, constate que les concertations mettent les acteurs locaux devant le fait accompli.

Interview  |  Energie  |    |  A. Sinaï
   
« Les zones d'implantation des parcs éoliens marins sont d'abord choisies par les industriels »
Dominique Chevillon
Vice-président de la Ligue de protection des oiseaux et vice-président du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis
   

Actu-Environnement : Quelles sont les particularités écologiques de la zone où va s'implanter le parc éolien d'Oléron ?

Dominique Chevillon : La LPO n'a rien contre les énergies renouvelables. Mais cette zone se trouve sur un tracé migratoire tout à fait important à l'échelle mondiale, celui de la migration de printemps et de la migration d'automne pour les oiseaux venant d'Afrique et qui vont vers le continent nord-américain et le continent nord-européen. À la complexité des tracés migratoires Nord-Sud et Sud-Nord se rajoutent énormément d'échanges transversaux Est-Ouest et Ouest-Est entre les oiseaux qui vont au large et se réfugient derrière les îles et dans les réserves nationales. On y trouve les oiseaux de la famille des Alcidés : macareux moines, guillemots, puffins des Baléares, en danger critique d'extinction. Il y a aussi énormément d'oiseaux terrestres, comme les passereaux, dont le tracé migratoire va du pélagique (40 miles en mer), aux îles et sur une bande littorale de 20 km entre le trait de côte et l'intérieur des terres.

AE : Quel est l'historique du parc d'Oléron ?

DC : En 2016-2017, il a été question d'un parc éolien d'environ 60 km2. Il a été abandonné, car la zone était non propice pour des raisons environnementales admises par l'État. Mais, le 14 décembre 2020, on apprend que ce parc est décidé. Le Premier ministre Jean Castex déclare qu'il va y avoir là le plus grand parc éolien marin d'Europe. Cette macro-zone est annonciatrice de toute une grappe de parcs éoliens industriels marins, qui s'étaleraient du sud-ouest de l'île d'Oléron jusqu'à l'ouest des Sables-d'Olonne, c'est-à-dire sur plusieurs milliers de kilomètres carrés. Les mâts des parcs éoliens offshore, que nous appelons des parcs éoliens industriels marins en raison de leur gigantisme, prévus à Oléron, mesurent au moins 260 mètres de haut. Ils seront confrontés à des houles de 6 à 8 mètres dans le golfe de Gascogne, des vents à 200 km/h, la corrosion par le sel et une hygrométrie très forte. Le niveau des contraintes physiques auxquels sont soumises ces installations est colossal, au point qu'il faudra les changer tous les quinze à vingt ans.

AE : En quoi la LPO est-elle impliquée ?

DC : Depuis 1976, la LPO y gère sept réserves nationales, dont la réserve nationale de la baie de l'Aiguillon, avec l'Office français de la biodiversité. En 2009, se sont ajoutés les zonages Natura 2000, qui sont absolument considérables au large de la Charente-Maritime et sur la mer des Pertuis, entre les îles et le continent, et qui comptent parmi les plus grandes zones Natura 2000 d'Europe. Pourquoi ? Notamment par rapport aux tracés migratoires ! On a créé, en 2015, après dix ans de travaux auxquels nous avons ardemment contribué, le parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis charentais. La quasi-totalité de ce parc (99 %) se trouve en zone Natura 2000.

AE : Comment se déroulent les débuts de cette concertation ?

DC : La Commission du débat public devait commencer le 1er juin. Elle a été repoussée au 1er juillet, puis au 1er septembre, puis au 30 septembre. Donc, nous étions prêts. Nous avons ensuite participé aux réunions générales, qui sont des réunions de présentation du projet et de réponses aux questions, en présence de l'État et de RTE (Réseau de transport d'électricité), comaître d'ouvrage, puis à des réunions d'ateliers. Mais ce qu'on peut dire, c'est que, malgré la Commission particulière du débat public, dont la composition et les membres sont des facilitateurs de discussion entre les comaîtres d'ouvrage et la population, malgré le travail de cette commission pour laquelle nous avons le plus grand respect, l'État ne souscrit pas à ses obligations d'information, qui consistent à fournir les caractéristiques des parcs éoliens industriels marins avec possibilités de pêche et de non-pêche, les conditions de navigation, etc. C'est-à-dire, tout ce qui fait les caractéristiques de ce type de champ industriel en milieu marin. En fait, l'État répond peu ou pas aux questions et renvoie souvent à d'éventuelles réponses sur internet.

AE : Quelles sont les principales lacunes que vous constatez dans ce processus ?

DC : Ce que le gouvernement veut faire, c'est demander l'avis des organisations socioprofessionnelles sans avoir préalablement porté à leur connaissance les conséquences environnementales, mais également les conséquences socioéconomiques de l'implantation de ces champs industriels marins. Il revient pourtant à l'État d'expliquer leurs répercussions et de les quantifier… Il y a un vrai souci de calendrier, car nous ne pouvons pas répondre aux questions posées sans avoir une vue d'ensemble sur les conséquences.

En outre, la manière de traiter ces dossiers ne respecte pas la Convention d'Aarhus, dont la France est signataire, qui demande de mettre à disposition des citoyens une information claire et transparente. Et lorsque les projets sont d'importance, les populations et les citoyens doivent participer véritablement à la décision, en amont du projet lui-même. Or, les deux ministres chargées de ce dossier se sont déplacées deux fois en Charente-Maritime, alors que la CNDP n'avait pas ouvert le débat public, pour annoncer des décisions surprises comme : « Vous aurez ces parcs éoliens industriels marins, mais nous allons vous consulter sur la localisation. » Donc, nous avons vu arriver une carte couvrant 300 km2, à l'intérieur de laquelle il faudrait positionner la première phase du parc éolien. La situation s'est aggravée, la semaine dernière, la zone ayant été agrandie à 743 km2. Mais il s'agit d'une fausse consultation. Nous participons à un collectif, NEMO (Non à l'éolien marin d'Oléron), dont les réunions ont compté plus de personnes que les commissions du Débat public. Les gens avaient beaucoup de questions.

AE : Quelles seraient alors les conditions d'acceptabilité d'un parc éolien offshore ? Comment aurait-il fallu procéder ?

DC : L'État n'a pas accepté de zoner les lieux les plus susceptibles d'accepter ces installations. Alors que la directive européenne sur la planification de l'espace maritime l'impose en matière d'éolien marin. Aucune collectivité territoriale, aucune organisation socioéconomique n'ont été consultées. Les collectivités sont court-circuitées. Les maires du littoral ne sont même pas entendus. Certes, la loi Essoc (loi pour un État au service d'une société de confiance, adoptée en 2018) constitue une avancée significative, car elle place le débat public en amont de la décision. Mais, dans le cas du parc d'Oléron, le débat public ne repose que sur deux questions : où voulez-vous localiser le parc de 1 GW et le second de la même puissance sur une carte de 300 km2 ? La question posée n'est pas : « on le fait ou on ne le fait pas ? », mais « est-ce que vous voulez le mettre ici ou là ? » Depuis quatre à cinq ans, on observe que l'État tente de coloniser les zones Natura 2000 parce qu'il y resterait de l'espace. C'est un véritable changement de doctrine, qui balaye cinquante ans de travail pour préserver ces zones.

AE : Existe-t-il un espace soutenable pour recevoir un parc éolien industriel ?

DC : Ces espaces existent, oui, probablement, mais à plus de 70 miles, au large. Là, vous aurez moins d'enjeux environnementaux et moins d'enjeux socioéconomiques. Mais cela coûte plus cher. L'État a choisi les lieux en écoutant les industriels. Les zones d'implantation sont celles qui conviennent aux industriels et à un opérateur de l'État, qui s'appelle Réseau de transport d'électricité (RTE). La LPO n'a ni la légitimité ni les compétences pour proposer des zones acceptables, c'est une responsabilité de l'État d'y veiller. Ce qu'il n'a pas fait. Oléron, c'est le dernier lieu de l'Atlantique où il faut faire un parc éolien.

Réactions1 réaction à cet article

La LPO ne fait que souligner les passe-droit dont bénéficient les industriels de l'éolien pour la simple "évidence" qu'ils sauvent la planète...
La vertu climatique ne fait décidément pas une politique énergétique digne de ce nom pour notre pays.
Par ailleurs, pourquoi trois champs éoliens en Normandie, région abondamment productrice d'électricité ? Il est vrai que les "éolocrates" y ont très peu de résidences secondaires...

Albatros | 17 décembre 2021 à 16h05 Signaler un contenu inapproprié

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