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Mise en conformité des digues : « Les ressources manquent pour tout mener de front »

Lancée en 2014, la nouvelle réglementation s'appliquant aux systèmes d'endiguement est bientôt en place. Les dernières échéances contraignent les collectivités, déjà en manque de moyens. Détails de Perrine Broust, directrice de France Digues.

Interview  |  Eau  |    |  D. Laperche
Actu-Environnement le Mensuel N°437
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°437
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Mise en conformité des digues : « Les ressources manquent pour tout mener de front »
Perrine Broust
Directrice de l’association des gestionnaires de digues, France Digues
   

Actu-Environnement : La loi Maptam a transféré aux intercommunalités (EPCI-Fp) la gestion des digues, et implique la mise à jour des autorisations Digues vers des autorisations Systèmes d'endiguement.  Les échéances pour la mise en place du nouveau cadre arrivent à leur terme. Quelle est la situation sur le terrain ?

Perrine Broust : Nous sommes face à la dernière échéance pour les systèmes d'endiguement de classe C, qui protègent moins de 3 000 personnes : le dépôt de la demande d'autorisation simplifiée doit se faire avant le 30 juin 2023.

Ces systèmes de classe C sont plus petits, moins connus et plus nombreux que les classes A et B (1) . Pour ces plus grands systèmes, la mise en conformité est théoriquement terminée. Pour les systèmes de classe C, les gestionnaires se heurtent à plusieurs couches de difficultés.

Tout d'abord, l'étude de danger, qui est une pièce maîtresse de la demande d'autorisation, est plus complexe car il y a davantage de données à récupérer et à construire que pour les plus grands systèmes, plus connus. Les systèmes de classe C peuvent également entraîner plus de questions, d'abord pour les identifier de manière exhaustive, puis sur l'intérêt de les conserver ou pas et donc de choix politiques à assumer. Ce qui n'est pas simple quand cela renvoie à la protection des personnes ou à la survie d'activités économiques.

Dans ce contexte, la question du dépôt de l'autorisation dans les temps se pose. Et, avec elle, deux enjeux : tout d'abord, pouvoir bénéficier de la procédure simplifiée, dans un contexte de surcharge de travail  (2) des gestionnaires de digues, des bureaux d'études et même des services de l'État.  Car les gestionnaires qui déposent une demande d'autorisation d'un système d'endiguement reposant sur au moins une digue existante et autorisée au préalable peuvent bénéficier de cette procédure simplifiée. Celle-ci ne comporte pas par exemple d'enquête publique, car le dossier se base sur des ouvrages déjà connus. La plupart des gestionnaires souhaitent profiter de cette facilité. Ils doivent déposer leur dossier avant le 30 juin 2023 pour en bénéficier. Passé cette date, une procédure dite « complète », plus lourde, sera à engager pour pouvoir continuer à gérer des ouvrages de protection contre les inondations.

Le second enjeu fort est qu'au 1er juillet 2024, les ouvrages auparavant autorisés en tant que digues et qui ne seront pas inclus dans un système d'endiguement en classe C perdront leur autorisation et devront être neutralisés.

AE : Quelles sont les options pour neutraliser un ouvrage ?

PB : L'objectif de la neutralisation est de sortir l'ouvrage de son rôle de protection contre les inondations (étape administrative), puis de supprimer ses éventuels impacts sur le milieu. Tout d'abord, de manière administrative, en désaffectant l'ouvrage : il est retiré du champ de la compétence Gemapi [gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations] et n'est plus un ouvrage de protection contre les inondations. Puis, si on souhaite conserver tout ou partie de l'ouvrage, il faut démontrer qu'il n'a pas d'impact hydraulique. C'est-à-dire évaluer si la zone est inondable de la même manière avec ou sans ouvrage. L'objectif est d'éviter, en particulier en cas de rupture de l'ouvrage, qu'il modifie le risque et crée un « sur-aléas », auquel cas il faudra le neutraliser physiquement. Cela implique soit d'enlever l'ouvrage en totalité (arasement), soit de créer des zones de transparence (ponts-cadres, brèches ou autres passages) pour permettre à l'eau de circuler en périodes de crue. C'est souvent nécessaire pour des ouvrages qui ont d'autres rôles que celui de digue, par exemple une voie cyclable ou une route départementale. La neutralisation implique une étude hydraulique qui peut se révéler onéreuse. Dans de nombreux secteurs, les ressources manquent pour tout mener de front. La principale difficulté aujourd'hui des gestionnaires est un manque de temps et d'argent.

AE : Quels sont les leviers à la disposition des gestionnaires pour déposer leur demande d'autorisation dans les temps ?

PB : Les gestionnaires se mobilisent pour déposer les dossiers dans les temps, si malgré tout ils sont en difficulté, un ultime recours existe. Lorsque nous étions confrontés aux échéances pour les systèmes de classe A et B, une lettre de la ministre nous a rappelé un pouvoir dérogatoire du préfet, ouvert par le décret du 8 avril 2020. Ce droit lui permet de retarder des échéances de dépôt du dossier de demande d'autorisation et la caducité des autorisations.

La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) nous a toutefois précisé que le délai devra être le plus court possible : au-delà d'un an, il y aura des prescriptions complémentaires pour gérer ces ouvrages non réautorisés dans la nouvelle réglementation.

Nous avons toutefois eu un certain nombre de retours de gestionnaires qui nous ont signalé un refus des préfets : ils considéraient qu'il y n'avait pas forcément motif à utiliser ce droit de dérogation pour les classes C. À notre demande, la DGPR a rappelé, lors de notre dernier webinaire, que cette possibilité était mobilisable.

AE : Entretemps, l'arrêté du 8 août 2022 concernant les visites techniques approfondies des ouvrages hydrauliques est paru. Comment a-t-il été perçu sur le terrain ?

PB : L'arrêté du 8 août 2022 était applicable dès sa parution, le 13 août au Journal officiel, pour toute nouvelle demande d'autorisation. Certains points ne font que mettre sur le papier des consignes orales et de bon sens. Mais il y a également des éléments nouveaux, plus lourds, comme l'obligation d'une capacité de surveillance en toutes circonstances des ouvrages, inscrite dans le document d'organisation. Ce n'est pas neutre : il faut organiser une équipe, éventuellement autour d'un système d'astreintes ou au moins de surveillance continue, par exemple via la mise en place des conventions de mise à disposition de personnel avec les communes, pour qu'elles puissent aller voir sur le terrain en périodes de crue.

Un autre point important de cet arrêté est lié aux visites techniques approfondies (VTA), qui doivent être rapportées dans des rapports de surveillance. La nouveauté est que le système d'endiguement intègre des ouvrages dits « contributifs », c'est-à-dire des ouvrages qui peuvent remplir plusieurs rôles en plus de la protection contre les inondations, comme une voie ferrée et une digue ou une route et une digue, qui deviennent alors un ouvrage du système d'endiguement. Les gestionnaires du système d'endiguement sont également chargés de vérifier que ces ouvrages résistent bien aux crues, et doivent réaliser les mêmes visites de surveillance. Il n'est par contre pas évident de réaliser une VTA sur une autoroute !

Ce qui a été convenu, c'est que le gestionnaire du système d'endiguement définit les compétences à avoir pour réaliser une VTA. Et si le gestionnaire de l'infrastructure, par exemple autoroutier, y répond, il pourra faire lui-même les observations et les transmettre.

AE : Qu'en est-il du transfert à venir des digues domaniales ?

PB : Ces digues pour la protection des biens et des personnes appartiennent et sont gérées par l'État. Lors de la création de la compétence Gemapi, en 2014, il a été dit que l'État continuerait à les gérer pour le compte de l'autorité gemapienne durant dix ans, soit jusqu'au 28 janvier 2024. Certains ont pu anticiper, d'autres pas. Une possibilité était ouverte de passer une convention de gestion avec l'État afin de discuter de ce que les gestionnaires récupéreront et dans quel état… Quitte à ce que des travaux soient réalisés. Peu de conventions ont pu être signées : de nombreux gestionnaires ont eu du mal à identifier les ouvrages qui allaient leur être transférés (étape essentielle pour engager la suite).

Désormais, les gestionnaires doivent travailler sur les conventions de transfert pour la mise à disposition des ouvrages en janvier 2024. Ce document est important. Car, après le 28 janvier 2024, l'État ne pourra plus ni gérer ni engager de dépenses dans le cadre de son ancienne maîtrise d'ouvrage et le gemapien va en récupérer la gestion. Si la convention existe, des fonds Barnier complémentaires permettront aux gestionnaires de bénéficier de financements à 80 % jusqu'en 2027. Les gestionnaires peuvent également décider de ne pas reprendre la gestion de ces ouvrages mais, très souvent, ce sont des dispositifs dont l'utilité n'est pas à remettre en question. Pour qu'il revienne à l'État d'être responsable d'un éventuel sur-aléa lié à l'ouvrage, la collectivité compétente doit réaliser la démarche de neutralisation administrative avant janvier 2024, date de transfert de la gestion. À défaut, le transfert est automatique selon la loi Maptam.

1. Pour les systèmes d'endiguement des classes A et B - qui protègent plus de 3 000 personnes – la limite pour le dépôt des dossiers était fixée au 30 juin 2021 et celle pour la perte d'autorisation était fixée à juillet 2022. 2. Pour en savoir plus
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/competence-gemapi/stephanie-bidault-cepri-digues-inondation-charge-gestion.php

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