Au contraire, elle les concentre dans les gaz de combustion (fumées) et, dans une moindre mesure, dans les résidus incombustibles de fond de four appelés mâchefers. Le traitement des fumées avant leur sortie dans l'atmosphère permet de récupérer en grande partie des poussières, des métaux lourds, des composés organiques et des gaz acides qu'elles contiennent. Ces éléments vont former ce qu'il est convenu d'appeler les résidus de fumées d'incinération des ordures ménagères (REFIOM), hautement toxiques et stockés en décharge de classe I.
Ainsi, même si le traitement des déchets par incinération confine en décharge une majeure partie des polluants, une partie est disséminée dans l'environnement avec des émissions dans l'atmosphère et les mâchefers lorsqu'ils sont valorisés.
En Ile-de-France, 66 % des déchets ménagers (soit 3,8 millions de tonnes/an) sont incinérés dans 19 usines*, contre 44 % en France.
Selon une étude** réalisée par l'Observatoire régional de santé (ORS) et le Département environnement urbain et rural (DEUR) de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France, dans le cadre de leur programme d'études en santé environnement, l'incinération des ordures ménagères reste la première source d'émissions de dioxines en Ile-de-France, émission heureusement en nette régression toutefois depuis le milieu des années 1990. En 2000, le total des dioxines qui entre dans la catégorie des Polluants organiques persistants (POPs) émises par les UIOM franciliennes s'élevaient à 25 grammes, soit 24,6 % des émissions totales, toutes sources confondues.
Toutefois, une diminution de l'ordre de 90% de la quantité de dioxines issus des 19 incinérateurs franciliens est attendue en 2006, suite à l'entrée en vigueur en décembre dernier de l'arrêté ministériel de septembre 2002 fixant un seuil d'émissions (0,1 ng/m3) à ne pas dépasser. L'application de ce seuil réduira, en Ile-de-France, le flux annuel de dioxines issu de l'incinération à 2 à 3 grammes, estime l'étude réalisée par l'ORS.
Mais la mise aux normes des incinérateurs franciliens n'est pas achevée. Au 1er janvier 2006, trois incinérateurs franciliens ne respectaient pas la norme de 0,1 ng/m3 : Massy, Sarcelles et Issy-les-Moulineaux. Les deux premiers sont fermés et réouvriront au cours du premier trimestre, une fois les travaux de mise en conformité achevés. Issy a continué à fonctionner cet hiver pour assurer la continuité du chauffage urbain (cogénération) et a été définitivement fermé.
Outre les composés organiques (PCB, dioxines et furannes), les polluants rejetés dans l'atmosphère sont nombreux : dioxyde de soufre, oxydes d'azote, acide chlorhydrique, particules de tailles variables et métaux lourds.
Ainsi, En 2000, l'incinération a émis en Île-de-France, 1522 tonnes de dioxyde de soufre (SO2) soit un peu moins de 2 % des émissions totales, 7 000 tonnes d'oxydes d'azote (NOx) soit un peu plus de 4% des émissions totales*** et quelques 300 tonnes de particules.
Les émissions totales dues à l'incinération pour le plomb, le chrome, le cuivre, le nickel, l'arsenic, le mercure et le cadmium totalisaient en 2003, près de 8 tonnes, représentant 9 % des émissions dans l'atmosphère de la totalité de ces métaux en Île-de- France et 40 % des émissions de mercure et de cadmium.
Souhaitant attirer l'attention sur la nécessité d'une gestion rigoureuse de ce procédé de traitement, l'étude de l'ORS recommande de limiter l'augmentation des volumes incinérés notamment en accélérant la mise en œuvre de politiques de réduction des déchets. Elle conseille également d'achever la modernisation des incinérateurs franciliens et d'instaurer sur chaque installation, un contrôle en continu et en rendre publics les résultats.
Enfin, l'étude préconise la mise en œuvre d'une campagne de caractérisation des sols, des produits agricoles (cultures et produits de l'élevage) autour des incinérateurs pour les métaux lourds et les POP et un suivi sanitaire des populations vivant autour des incinérateurs qui ont subit les émissions, notamment grâce au registre des cancers, projet actuellement en cours de développement.
Pour Michel Vampouille, vice-président chargé de l'environnement et du développement durable d'île de France : l'incinération est aujourd'hui moins polluante, mais c'est le traitement le plus coûteux pour le contribuable. Il faut donc continuer à développer le tri sélectif et le recyclage, car incinérer des déchets recyclables ou organiques reste une aberration, économique et écologique. Les capacités d'incinération pourront ainsi être diminuées.
Aussi la Région engage l'élaboration du Plan Régional des Déchets le 25 avril prochain dont ses grands axes seront : la réduction des quantités de déchets, la généralisation du tri et du recyclage, la valorisation des déchets fermentescibles, le transfert vers la voie d'eau et le rail du transport des déchets, la création d'emplois et le développement économique et la surveillance des impacts environnementaux et sanitaires.
Rappelons que plus de 6 millions de Franciliens soit 56 % de la population résident dans l'environnement proche d'un incinérateur.
*Les premières usines construites au cours des décennies 50 et 60 sont destinées à l'incinération des ordures ménagères de l'agglomération centrale (les usines de Saint Ouen, Issy les Moulineaux et Ivry sur Seine, qui totalisent près de 60% de la capacité totale actuelle). C'est pendant les deux décennies qui suivent que seront construits, en petite couronne, la plupart des autres incinérateurs, à l'exception des usines de Thiverval-Grignon et de Montereau. Les dernières unités ont été construites entre 1995 et 2003, toutes en grande couronne. Deux usines ont été reconstruites, celles de Créteil et de Vaux-le-Pénil. D'autres usines ont eu leurs capacités de traitement augmentées par l'adjonction de lignes de four supplémentaires, notamment celles d'Argenteuil, Thiverval-Grignon et Saint Thibault des Vignes. Enfin, les unités de compostage et d'incinération de Sammoreau, Ozoir la Ferrière et Coulommiers ont été arrêtées compte tenu de leur vétusté.
**Incinération et santé en Île-de-France : Etat des connaissances.
***Source : CITEPA