L'hydrolien est le grand absent du projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) présenté fin janvier. Pas assez mature, trop coûteux… Le gouvernement a préféré miser sur des technologies renouvelables qui ont fait leurs preuves et se rapprochent des prix du marché, comme l'éolien ou le photovoltaïque. Pourtant, plusieurs projets sont en cours de démonstration en France et les acteurs engagés espèrent convaincre le gouvernement de revoir sa copie.
"Notre contre-proposition est d'inscrire dans la PPE un objectif de 100 MW en 2028 pour l'hydrolien. C'est important pour conserver des investissements", explique Marc Lafosse, président de la commission Energies marines renouvelables au Syndicat des énergies renouvelables (SER). Selon lui, "il faut sauver le soldat Raz Blanchard", cette zone en Normandie qui figure parmi les meilleurs gisements hydroliens mondiaux. "Nous devons réussir collectivement à envoyer des machines sur cette zone", estime-t-il.
De nouvelles technologies arrivent en phase de démonstration
Plusieurs start-up croient encore en l'hydrolien. Hydroquest a installé quatre premières machines de 80 kW dans le Rhône fin 2018, prélude à une ferme de 30 machines. "Avec ces quatre hydroliennes, nous parvenons à des coûts de production de 150 €/MWh", se félicite Jean-François Simon, le président d'Hydroquest. L'entreprise porte des projets d'hydroliennes fluviales en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Mais Hydroquest a également des ambitions en mer : elle s'apprête à tester une nouvelle hydrolienne d'un mégawatt à Paimpol Bréhat (Côtes d'Armor). Raccordée au réseau fin mai, elle devrait bientôt produire des kilowattheures. "C'est une technologie de rupture, avec deux axes verticaux alors que la plupart des hydroliennes marines testées jusque-là avaient des axes horizontaux", explique Jean-François Simon. Il oppose également la simplicité de son hydrolienne à la sophistication des modèles qui ont échoué, comme l'hydrolienne de Naval Group. Hydroquest travaille désormais à la conception d'une hydrolienne de 2 MW avec l'objectif de passer en dessous des 100 €/MWh. "Il y a eu un couac avec les premières fermes pilotes et un scepticisme s'est installé. Nous croyons fermement à l'avenir de l'hydrolien marin. Il y aura forcément des baisses des coûts comme dans l'éolien qui a quarante ans d'existence", analyse-t-il. "Certes, les marchés sont plus petits que dans l'éolien mais ils représentent quand même 100 MW dans le monde".
Et il n'est pas le seul à croire en l'avenir de cette technologie. Franck Sylvain, le président de Eel Energy, mise quant à lui sur une hydrolienne inspirée de la nage des poissons. "L'hélice n'existe pas à l'état naturel dans l'eau", explique-t-il. Appliquant les principes du biomimétisme, il parie donc sur une membrane en fibre de verre qui ondule sous l'eau. Pour couper court au scepticisme, il a fait certifier les courbes de puissance de sa machine par le Bureau Veritas. Le prototype actuel permettrait de produire pour moins de 150 € le mégawattheure. "J'espère qu'avec la mise à l'eau de nouvelles machines, la filière regagnera de la crédibilité", indique Franck Sylvain.
Relancer des projets au Raz Blanchard ?
Car les abandons successifs des deux lauréats pour la réalisation de fermes pilotes hydroliennes au Raz Blanchard a mis un véritable coup d'arrêt aux ambitions françaises dans ce secteur. Au grand dam de la région Normandie qui possède, avec cette zone, un gisement hydrolien exceptionnel. "Il y a une volonté de tuer la filière, regrette Pierre Vogt, conseiller régional. L'ensemble du site du raz Blanchard a un potentiel énorme et le raccordement est très facile. Nous y croyons". L'agence régionale de développement ADN a d'ailleurs créé une coentreprise avec l'écossais Atlantis, qui est prêt à investir au Raz Blanchard. Une demande de financements européens a été faite pour cette jeune entreprise, Normandie Hydro. Reste un problème, et de taille : obtenir la cession des droits d'expérimenter détenus actuellement par EDF, Engie et Naval Group, les lauréats des fermes pilotes…