La croissance de la consommation des agrocarburants de première génération (biodiesel et bioéthanol) dans les pays de l'Union européenne a de nouveau ralenti en 2011 à l'instar de 2010, selon le dernier baromètre EurObserv'ER dédié à la filière publié le 25 juillet.
Quelque 13,6 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) ont été consommés dans les transports en 2011 contre 13,2 millions de tep en 2010. Soit une croissance en légère hausse de seulement 3% l'an dernier "contre 10,7% entre 2009 et 2010, 24,6% entre 2008 et 2009 et 41,7% entre 2007 et 2008", rappelle l'Observatoire des énergies renouvelables. Une progression "moindre" qui marque ainsi un coup de frein amplifié entre les années 2009 et 2010 pour ces agrocarburants.
Une filière freinée par la directive EnR
La raison de la décélération de leur usage ? Prévu par la directive sur les énergies renouvelables (Enr) de 2009, l'objectif européen d'incorporation de 10% d'EnR dans les transports en 2020 s'avère "moins important en termes d'efforts" que celui de la directive biocarburants de 2003 (qui visait une part de 5,75 % en 2010) et "qui n'oblige plus les pays membres à les incorporer aussi rapidement", explique EurObserv'ER. Et d'ajouter : "la priorité étant aujourd'hui" de s'assurer que ces agrocarburants de première génération consommés sur leur territoire national "respectent bien les critères de durabilité" définis par cette même Directive EnR de 2009 face aux impacts sociaux et économiques du biodiesel obtenu à partir d'oléagineux (colza, soja, tournesol, palme...) et du bioéthanol (betterave, maïs, canne à sucre...) en ces temps de tensions sur le marché des matières premières agricoles. La crise a également conduit certains pays importateurs d'Europe centrale notamment à diminuer leur niveau d'incorporation "afin de soulager leur économie", indique l'Observatoire.
Le biodiesel majoritairement consommé
En 2011, la part du biodiesel dans la consommation européenne de biocarburants est restée majoritaire dans l'UE. Ce carburant représente 78% de la consommation (soit 10.587 ktep) devant le bioéthanol (21 %, représentant 2.684 ktep), l'huile végétale (0,5%, 103,9 ktep) et le biogaz carburant (0,5%, 45,8 ktep).
A noter : la croissance de la consommation de bioéthanol demeure toutefois "plus rapide" (+ 6,2 % par rapport à 2010) comparée au biodiesel (+ 2,4 %) liée à la commercialisation, dans un certain nombre de pays y compris la France, de l'E10, un carburant composé de 90 % d'essence sans plomb et de 10 % de bioéthanol en volume. La Commission européenne vise "l'installation de l'E10 en tant que principal carburant essence pour l'ensemble des États membres d'ici à 2013", rappelle EurObserv'ER.
L'Allemagne (2.957ktep) et la France (2.050 ktep) suivies de l'Espagne (1.672 ktep), de l'Italie (1.432 ktep) et du Royaume-Uni (1.140 ktep) figurent au Top 5 des pays européens les plus consommateurs d'agrocarburants en 2011, selon les estimations de l'Observatoire. La consommation de biocarburants a toutefois reculé de 2,7% par rapport à 2010 chez le numéro un allemand qui est aussi le premier pays à s'être conformé aux exigences de la directive EnR vis-à-vis des critères de durabilité entrée en vigueur dans la réglementation allemande le 1er janvier 2011.
La spéculation sur les marchés agricoles en faveur de la production de cet agro-essence en Europe comme aux Etats-Unis, est pointée. D'autant que 40% du maïs américain sont destinés à la production de bioéthanol.
Le 30 juillet, les producteurs américains de bétail et de volaille ont réclamé à l'administration Obama la suspension de la norme qui oblige l'incorporation dans l'essence de bioéthanol issu du maïs, face à la baisse de production et la hausse des prix. Cette norme est prise selon la loi de 2007 sur la sécurité et l'indépendance énergétique qui prévoit une augmentation de 34 à 136 milliards de litres d'éthanol d'ici à 2022. "Le maintien des cours élevés des prix de l'essence aux États-Unis a accru la pression pour augmenter le taux d'incorporation de bioéthanol dans l'essence, qui est déjà de près de 10 %", rappelle EurObserv'ER. Ce contexte de prix élevé des céréales s'avère ''défavorable" à la production de bioéthanol et américaine et européenne…
Le taux de 7% de biocarburants dans les transports attendu par la France en 2010 ne devrait toutefois "pas complètement être atteint" en 2011 avec, un taux d'incorporation au sens de la directive à un peu plus de 7 % pour le biodiesel et 5 % pour le bioéthanol, selon le Service de l'observation des statistiques (SOeS). Des négociations entre les producteurs et le gouvernement "sont en cours concernant l'augmentation du palier d'incorporation", souligne le baromètre.
La production européenne de biodiesel plombée par les importations
Côté production : si la consommation du biodiesel a continué d'augmenter, la filière européenne a en revanche subi en 2011 "pour la première fois de son histoire", une baisse de sa production dans l'UE ralentie par les importations en provenance notamment d'Argentine. Résultat : les capacités des usines européennes de biodiesel ''devraient descendre sous la barre de 40%", estimées à 22,1 millions de tonnes en 2011, selon EurObserv'ER. D'après l'EBB (European Biodiesel Board), la production européenne de biodiesel a ainsi chuté de 8% en 2011, à 8,8 millions de tonnes contre 9,57 millions en 2010. "Cette situation est devenue dramatique pour certains acteurs européens, espagnols en particulier, contraints de fermer des usines et de supprimer des emplois". Malgré des taxes antidumping appliquées par la Commission européenne depuis l'an dernier vis-à-vis des importations frauduleuses américaines et canadiennes, celles provenant d'Argentine et d'Indonésie ont continué de croître pour atteindre un volume de 2,6 millions de tonnes en 2011, souligne le baromètre. Conséquences : Bruxelles envisage de retirer des droits de douane préférentiels à l'Argentine, la Malaisie voire l'Indonésie "en vue de stopper ces pratiques déloyales" .
La production européenne de bioéthanol tirée par les stations du carburant E10 a en revanche augmenté de 2,9% en 2011, selon les estimations d'ePURE (Association européenne de l'éthanol renouvelable), et devrait se situer aux environs de 4,39 milliards de litres. La croissance est cependant "beaucoup plus faible" que celle observée entre 2009 et 2010 liée à l'augmentation des importations de bioéthanol des Etats-Unis ces deux dernières années (plus d'1,1 milliards de litres en 2011).
Malgré une production en baisse de 4% à 1 milliard de litres en 2011, la France est restée premier producteur de l'UE devant l'Allemagne (770 millions de litres), l'Espagne (463 millions), la Belgique (400 millions) et le Royaume-Uni (320 millions).