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Des autoroutes électriques pour décarboner le fret

Un frein à l'électrification du transport lourd pourrait être levé grâce aux systèmes de recharge active, ou routes électriques. Une technologie mature qui sera très prochainement testée en conditions réelles en France.

TECHNIQUE  |  Transport  |    |  N. Gorbatko
Des autoroutes électriques pour décarboner le fret
Environnement & Technique N°392
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°392
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Les systèmes de routes électriques (ERS) permettront-ils au transport de marchandises par camion de décarboner plus largement ses activités ? C'est le pari de Vinci Autoroutes, fraîchement nommé lauréat de l'appel à projets « Mobilités routières automatisées, infrastructures de services connectées et bas carbone », lancé par Bpifrance en octobre 2021. Sur deux tronçons de deux kilomètres, sur l'autoroute A10, à la sortie Ouest de Paris, l'opérateur, associé à Vinci Construction, Hutchinson, Electreon, Elonroa et l'université Gustave-Eiffel, compte en effet mettre en place un démonstrateur, d'ici trois ans, sous la forme de deux infrastructures de « recharge active ».

Sous réserve d'une bonne connexion, ce que devrait précisément confirmer le démonstrateur, celles-ci permettront aux poids lourds circulant sur ces portions de chaussée de s'alimenter directement en électricité, tout en chargeant leurs batteries. Le premier tronçon sera équipé d'un système « à induction ». Une bobine positionnée sous la chaussée échangera avec une autre bobine réceptrice installée sous le véhicule, le rechargeant grâce au champ électromagnétique ainsi créé. Le deuxième tronçon accueillera un rail conductif plat au sol. Un patin ajouté au véhicule viendra s'y coller pour s'approvisionner en énergie. Deux premières mondiales.

Bientôt, un test en circuit fermé

« Ces technologies, qui peuvent d'ailleurs aussi bénéficier aux voitures et aux utilitaires, sont mal connues du grand public, mais elles présentent un niveau de maturité élevé. Si elles n'ont encore jamais été testées sur autoroute, elles l'ont été sur une route ouverte en Suède », indique Louis du Pasquier, chargé de la décarbonation et de la mobilité électrique chez Vinci. Avant de les expérimenter en conditions normales sur l'A10, le concessionnaire les éprouvera, d'abord, sur une piste fermée du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), près de Rouen. Une première étape destinée notamment à mesurer les augmentations de puissance envisageables concernant l'induction et à vérifier la bonne adhérence des véhicules aux équipements pour le rail.

Avantage de ces dispositifs : ils constituent une réponse à l'insuffisance des batteries en matière d'autonomie qui pénalise l'électrification des camions. « Pour les faire rouler quatre heures trente, il faut les équiper de batteries extrêmement lourdes et très chères », précise Louis du Pasquier. De quoi rebuter nombre de transporteurs. « Or, aujourd'hui, le transport se fait par la route pour neuf marchandises sur dix et tous les scénarios prospectifs montrent qu'elle restera le mode majoritaire en termes de fret. » En passant par les ERS, une autonomie de 100 à 150 kilomètres pourrait suffire à un poids lourd pour traverser la France avec une batterie six à sept fois moins volumineuse, beaucoup plus économique, mais aussi beaucoup moins gourmande en matériaux et autres métaux rares.

Des économies, mais un investissement conséquent

Toutes les voies de circulation à grande vitesse ne pourront pas proposer ce service, notamment en raison de la présence de ponts ou de viaducs. Mais, selon une étude du ministère des Transports, publiée en 2021, une couverture de 80 % suffirait à mailler le territoire pour ne laisser que des tronçons de 100 à 120 kilomètres vierges de toute infrastructure de ce type. Pour équiper quelque 8 850 kilomètres avec la solution « rail », sur les 11 000 km du réseau national, un investissement de 36 milliards d'euros serait nécessaire, soit 4 millions par kilomètre. Le rythme de renouvellement des poids lourds, tous les trois ou quatre ans, et les économies générées par l'allègement des batteries, pourrait toutefois faciliter l'absorption par les transporteurs de l'augmentation des tarifs des péages. Le prix de l'énergie serait comparable à celui qu'affichent les bornes de recharge ultra-rapides. Quant au coût d'équipement des véhicules, il devrait rester léger.

Un autre écueil pourrait toutefois se présenter : celui d'un manque d'harmonisation en matière de normes et de technologies entre les pays. Afin de contourner l'obstacle et de déployer ces solutions plus rapidement, Vinci imagine la possibilité de les limiter d'abord à des axes de fort trafic, par exemple entre Lyon et Marseille ou entre Paris et Orléans, en proposant un système de navettes aux transporteurs. Des tracteurs déposeraient des remorques à certains endroits où elles seraient prises en charge par d'autres tracteurs. « Un peu sur le principe du ferroutage », précise Louis du Pasquier.

Des camions en plus, mais du CO2 en moins

Selon le ministère des Transports, les ERS feraient gagner 33 millions de tonnes de CO2 par an, soit 87 % des émissions d'un scénario « diesel as usual » et 60 Mt CO2/an (- 86 %) en incluant les véhicules utilitaires légers. Son rapport indique que la France pourrait aménager 5 000 kilomètres en 2030 et 10 000 km en 2035, à condition de choisir la technologie avant la fin de l'année 2023 et de démarrer les travaux dès 2026.

La solution des caténaires

D'autres acteurs du secteur imaginent pour leur part l'installation de caténaires sur la chaussée. Une solution vieille de plus d'un siècle et qui a fait ses preuves pour les trains ou les tramways partout dans le monde, pour les poids lourds, en Allemagne et en Suède, notamment. « Il suffit d'adapter son design aux spécificités du réseau français, mais il n'existe pas de points bloquants », estime Julien Dubois, directeur ingénierie systèmes France et export, au sein de la division transports d'Equans France. Pour en bénéficier, les camions devraient simplement être pourvus d'un pantographe, dispositif déjà mis en place sur plus de 20 poids lourds en circulation en Europe.

Ce système est soumis à des contraintes d'installation et d'exploitation plus lourdes que les deux autres et il n'est pas adapté aux voitures et véhicules légers, mais son coût est moins élevé que les ERS par rail ou par induction : 30 milliards d'euros contre 36 pour le réseau. Directeur général de cette même entité d'Equans, Pascal Gessat croît en l'avenir de cette technologie, capable de décarboner très rapidement le secteur, en s'appuyant sur sa maturité notamment, surtout si elle se complète d'une supervision numérique efficace des performances des systèmes. « Mais il faut qu'elle soit suivie par les pouvoirs publics », souligne-t-il. Le sera-t-elle ? Les prochains résultats de l'appel à projets de Bpifrance le diront. La Suède et l'Allemagne, pour leur part, ont décidé de se lancer. Par rails ou par caténaires, des tronçons existent déjà dans ces deux pays et la Suède envisage d'aménager 2 000 kilomètres en ERS dans les toutes prochaines années, sans préciser la technologie choisie.

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