La situation est inhabituelle. Le tribunal administratif de Paris a retiré la force juridique du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du bassin Seine Normandie pour la période 2016-2021. Ce dernier avait été adopté en novembre 2015 par le comité de bassin et approuvé par un arrêté du préfet de la région Ile-de-France en décembre 2015.
Le document fixe les orientations pour une gestion durable de la ressource en eau durant une période de six ans. Il vise notamment l'atteinte du bon état écologique pour 62 % des rivières. Aujourd'hui, 39 % d'entre elles sont en bon ou très bon état. Concernant les masses d'eau souterraines, le Sdage prévoit de conserver la situation actuelle, soit que toutes les nappes restent en bon état quantitatif et 28 % en bon état chimique.
Mécontent de certaines dispositions actées dans le document et en soulignant des vices de procédure, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Loiret avait saisi le tribunal en juin 2016 et février 2017. Parmi les objets de leur courroux, figurent notamment la limitation des intrants y compris hors des zones vulnérables, des conditions plus strictes de la gestion des sols et des épandages pour les autorisations relatives à l'élevage, la création des bassins en "vigilance nutriments" ou des "zones d'intérêt écologique majeure", l'intégration de la notion d'effets cumulatifs dans les périmètres de protection rapprochée des captages d'eau de surface, l'obligation d'une compatibilité des opérations loi sur l'eau ou les installations classées avec l'objectif de protection et de restauration des zones humides ou encore l'introduction d'un ratio préfixé de compensation sur les zones humides impactées par des projets.
Le préfet ne peut plus être juge et partie
Le tribunal administratif de Paris a répondu à l'une des revendications de la fédération : il reconnaît que la procédure classique de validation du Sdage n'est aujourd'hui plus conforme au droit. Le préfet ne peut plus à la fois rendre un avis sur le document – en tant qu'autorité environnementale - et l'approuver en tant que préfet coordonnateur de bassin. Le tribunal s'appuie pour cela sur une Directive européenne de juin 2001 sur les plans et programmes et une décision du Conseil d'Etat de juin 2015.
Depuis la situation s'est améliorée au niveau national. La réforme de l'autorité environnementale est désormais finalisée pour les plans et programmes et en cours pour les projets.
Au final, le tribunal a annulé l'arrêté d'approbation du préfet. Toutefois, pour l'agence de l'eau, cette décision ne remet pas en cause les grands objectifs et les moyens de la politique de l'eau sur le bassin. "Nous conservons notre feuille de route", souligne Patricia Blanc, directrice de l'agence de l'eau Seine Normandie. Depuis l'adoption du Sdage, d'autres documents d'encadrement ont été adoptés à l'unanimité cette fois : la stratégie d'adaptation au changement climatique en décembre 2016 et le 11e programme de l'agence de l'eau.
Par ailleurs, pour ce qui concerne des décisions liées aux compétences de l'Etat, le cadre de la réglementation devrait pallier l'annulation de l'arrêté, notamment le code de l'environnement – par exemple les procédures d'autorisation au titre de la loi sur l'eau et des installations classées pour la protection de l'environnement -, ou la protection des captages.
En revanche, les autres situations peuvent poser questions. "L'annulation de l'arrêté du préfet supprime l'opposabilité du Sdage notamment à des décisions d'urbanisme, qui sont du ressort des collectivités locales ", précise Patricia Blanc. Pour ne pas laisser un vide juridique, le tribunal administratif de Paris a indiqué que désormais c'est le Sdage précédent, de la période 2010-2015 qui s'applique. Un autre problème se pose alors, cette fois au niveau européen : la Directive cadre européenne sur l'eau demande en effet aux Etats-membres d'actualiser leur Sdage tous les six ans. "Le document n'est récupérable qu'en partie, par exemple les objectifs de bon état des masses d'eau sont obsolètes", ajoute également Patricia Blanc.
Les pistes de sortie débattues début février
Deux pistes sont envisagées pour aboutir à un retour à une situation normale : soit une accélération de l'élaboration du Sdage pour la période 2022-2027 ou une reprise de la procédure du Sdage incriminée avec un avis d'une autorité environnementale différentiée.
L'issue devrait être connue le 7 février prochain. Les membres du comité de bassin ont prévu de débattre des modalités les plus appropriées.