L'initiative remonte à 2006. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) avait lancé cette année-là l'Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM), un forum multipartite destiné à atteindre en 2020 l'objectif d'une production et d'une utilisation des produits chimiques minimisant leurs effets néfastes sur la santé et sur l'environnement.
On ne peut pas dire que l'objectif ait été atteint. Mais la cinquième Conférence internationale sur la gestion des produits chimiques issue de cette stratégie, réunie du 25 au 29 septembre à Bonn (Allemagne), a abouti à l'adoption d'un instrument-cadre mondial pour la gestion des produits chimiques et des déchets.
« Ce cadre fournit une vision d'une planète exempte de dommages causés par les produits chimiques et les déchets, pour un avenir sûr, sain et durable – et constitue une partie importante de l'ensemble plus large d'accords, tels que les Objectifs de développement durable, le Cadre mondial Kunming-Montréal sur la biodiversité, et le Traité mondial sur la pollution plastique en cours de négociation », s'est félicitée Inger Andersen, directrice exécutive du Pnue.
Des cadres juridiques nationaux d'ici à 2030
« Le cadre s'articule autour de 28 objectifs visant à améliorer la gestion rationnelle des produits chimiques et des déchets », explique cette dernière. Les États se sont engagés à mettre en œuvre d'ici à 2030 des cadres juridiques nationaux permettant de réduire la pollution chimique et de promouvoir des solutions alternatives plus sûres. Ils sont appelés à utiliser le système général harmonisé (SGH), déjà appliqué dans l'Union européenne à travers le règlement sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des produits chimiques, et à œuvrer en faveur de l'adoption d'un futur Giec des produits chimiques.
L'accord adopté contient également un volet sur le financement. Un fonds va être créé et géré par le Pnue. Les parties prenantes (gouvernements, secteur privé, ONG, fondations, etc.) sont invitées à y contribuer, à l'instar de l'Allemagne, présidente de la conférence, qui a promis 20 millions d'euros. Plus modestement, la France a annoncé qu'elle contribuerait à hauteur de 400 000 euros en 2024 à la mise en œuvre du nouveau cadre.
En plus du cadre mondial, les participants à la conférence ont adopté la Déclaration de Bonn par laquelle ils s'engagent à « prévenir l'exposition aux produits chimiques nocifs et à éliminer progressivement les plus nocifs, le cas échéant, et à améliorer la gestion sûre de ces produits chimiques là où ils restent nécessaires ». Ils ont également pris position en faveur du développement de solutions alternatives chimiques et non chimiques protégeant la santé et l'environnement, et conduisant à une réduction des déchets, à un recyclage sans produits chimiques et à une utilisation efficace des ressources.
Satisfaction de l'industrie chimique
Le Conseil international des associations chimiques (ICCA), qui représente plus de 90 % des ventes mondiales de produits chimiques, rappelle dans une déclaration qu'il a été un fervent défenseur de l'Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM), comme du nouveau Cadre mondial sur la gestion des produits chimiques et de la Déclaration de Bonn, adoptés le 29 septembre.
Cette organisation affiche trois engagements dans ce cadre : fournir d'ici à 2030 un accès aux données disponibles sur la sécurité et la durabilité de ses produits ; soutenir, d'ici à 2030 également, au moins 30 pays dans la mise en œuvre de systèmes efficaces de gestion des produits chimiques ; orienter ses portefeuilles de produits vers des solutions durables.
« Ce cadre multisectoriel et multi parties prenantes vient compléter la famille des conventions internationales contraignantes comme celles sur le mercure ou les polluants organiques persistants (POPs). Bien que volontaire, sa mise en œuvre n'en sera pas moins essentielle pour atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies (Agenda 2030) et pour lutter contre le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution qui sont inextricablement liés », analyse SPF Santé publique, le service public fédéral belge de santé publique, de sécurité de la chaîne alimentaire et de l'environnement.
Le caractère non contraignant du nouvel instrument explique sans doute le plein soutien que lui apporte l'industrie chimique. Pourtant, la situation nécessiterait des actions beaucoup plus musclées. En janvier 2022, une étude scientifique publiée dans la revue Environmental Science and Technology révélait que la limite planétaire de sécurité était dépassée pour les polluants chimiques. Les chercheurs évaluaient à 350 000 les différents types de produits chimiques manufacturés présents sur le marché mondial et indiquaient que leur vitesse de développement dépassait de loin la capacité des gouvernements à évaluer les risques qui y sont liés.