Suite à l'occupation d'un centre de l'entreprise Monsanto à Monbéqui (Tarn-et-Garonne), des représentants de la Confédération paysanne et de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) ont rendez-vous le 13 janvier au ministère de l'Ecologie afin de s'assurer que le gouvernement prendra une nouvelle clause de sauvegarde interdisant la culture d'OGM en France.
Suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendu en septembre 2011, le Conseil d'Etat a annulé en novembre 2011 la clause de sauvegarde sur le maïs transgénique MON 810. Depuis, le gouvernement, comme annoncé par Nicolas Sarkozy, cherche des modalités juridiques pour poursuivre cette interdiction de culture. Si Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie, a émis des pistes fin novembre, aucun arrêté n'a été pris pour l'instant.
Dans la perspective de la publication d'un éventuel arrêté, anti et pro-OGM avancent leurs arguments.
Compte à rebours avant les semis de printemps
"Nous demandons un arrêté interdisant la vente et la culture du MON 810 et l'interdiction de tous les OGM produisant du nectar ou du pollen, qui pourraient polluer le miel", a résumé pour l'AFP Jean Sabench, un apiculteur de l'Hérault porte-parole de la Confédération paysanne à l'origine de l'action de vendredi.
Par ailleurs, "le gouvernement ne doit pas se contenter de promulguer un moratoire qui risque d'être cassé en 15 jours", indique la Confédération paysanne qui estime que l'arrêt du Conseil d'Etat a enclenché un "compte à rebours infernal" avant la réalisation des semis au printemps.
Fait nouveau, depuis un arrêt rendu en septembre 2011 par la CJUE, les produits, et notamment le miel, contenant du pollen issu d'une culture génétiquement modifiée constituent des denrées alimentaires contenant des ingrédients produits à partir d'OGM, au sens de la législation européenne. Leur commercialisation est donc soumise à autorisation préalable, entrainant de nouvelles craintes chez les apiculteurs.
La cohabitation des cultures OGM et conventionnelles est elle possible ?
Le Haut conseil des biotechnologies (HCB) prépare un rapport sur les possibilités de coexistences entre les cultures OGM et conventionnelle, dont la publication officielle est attendue pour le 17 janvier.
Selon le Figaro, daté du 5 janvier, le HCB considère la cohabitation possible si l'on retient un niveau inférieur à 0,9% de présence fortuite d'OGM dans les productions conventionnelles. Ce seuil ne doit pas être dépassé, selon le critère retenu par l'UE, pour échapper à l'étiquetage "avec OGM".
Par contre, si le seuil est abaissé à 0,1%, comme le prévoit le projet de décret définissant les produits sans OGM, alors le HCB juge qu'il faudra "réviser les normes et les conditions de production de semences et plants" afin que ces derniers soient "exempts d'OGM".
Enfin, selon la Confédération paysanne, le document du HCB n'évoque pas le cas de l'apiculture.
La Confédération paysanne soumet donc deux pistes pour assurer que la clause de sauvegarde résiste à un possible recours.
Première possibilité, "le gouvernement doit appliquer la loi française qui précise que « les OGM ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées "sans OGM" »".
Seconde option, "il peut aussi appliquer la règlementation européenne qui autorise les États à « prendre des mesures nécessaires pour éviter la présence d'OGM dans d'autres produits », y compris en « interdisant la culture d'OGM sur de vastes territoires »", propose la Confédération paysanne, rappelant "l'impossibilité de la coexistence (…) prouvée" par l'exemple de l'apiculteur allemand dont le miel contaminé par du pollen issu d'une culture génétiquement modifiée est à l'origine de l'arrêt de la CJUE.
Une tentative vouée à l'échec
Les défenseurs des cultures d'OGM jugent pour leur part que "la démarche du gouvernement d'instruire une nouvelle demande de clause de sauvegarde de la culture du MON 810 est vouée à l'échec".
Selon l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV), "le gouvernement sera dans l'incapacité de présenter des justifications scientifiques nouvelles susceptibles de légitimer juridiquement la mise en œuvre de cette nouvelle clause de sauvegarde pour cette culture". Pour appuyer ces propos, l'AFBV avance un "document de synthèse" rédigé par son conseil scientifique et selon lequel "dans le cas des maïs qui expriment une toxine Cry1Ab, l'ensemble des études dont nous disposons aujourd'hui ne révèle aucun effet nouveau sur l'environnement et il n'existe pas plus de preuves de risques dans le domaine de la santé".
L'AFBV indique avoir envoyé un courrier aux ministères concernés, c'est-à-dire l'Agriculture, l'Environnement, la Santé et la Recherche, afin de présenter son évaluation et de les "avertir des risques d'instruire une nouvelle demande de clause de sauvegarde auprès des autorités européennes".
L'association représentant les acteurs des biotechnologies végétales considère que "si les pouvoirs publics s'entêtaient à s'engager dans de nouvelles procédures juridico médiatiques pour interdire une nouvelle fois cette culture, cela ne pourrait se justifier que pour des raisons purement politiques sans rapport avec le sujet".