Le débat sur la consigne a sensiblement évolué depuis le discours d'Emmanuel Macron du 19 novembre à l'occasion du Congrès des maires. Des négociations sont en cours entre le Gouvernement et les représentants des collectivités locales dans le cadre d'un groupe de contact créé parallèlement au comité de pilotage lancé en juin. Plusieurs interlocuteurs, proches des discussions, expliquent qu'au-delà des postures affichées par les uns et les autres, les négociations pourraient aboutir à un compromis.
Ce point d'atterrissage devrait se concrétiser dans un amendement gouvernemental au projet de loi relatif à l'économie circulaire. La rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, Stéphanie Kerbarh (LaREM, Seine-Maritime), explique que « les députés de la majorité ont souhaité laisser la place à la négociation entre le Gouvernement et les collectivités territoriales ». Sauf imprévu, cet amendement devrait donc être adopté par les députés de la majorité.
Écouter les maires, mais pas seulement
En expliquant que la consigne ne se ferait pas sans l'accord des maires, Emmanuel Macron a mis le feu aux poudres. Cette déclaration, obtenue, semble-t-il, par le ministre des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu, remet en cause la position gouvernementale incarnée jusqu'alors par la secrétaire d'État à la Transition écologique. Sur le coup, la manœuvre de Sébastien Lecornu a été particulièrement mal vue : Brune Poirson a été « fusillée », alors qu'elle avait le feu vert de l'Élysée et de Matignon et qu'elle avait convaincu les députés de la majorité de rétablir la consigne pour recyclage, observe un participant aux réunions de travail.
Bien sûr, les maires sont aux anges : « [nous avons] été entendus : il n'y aura pas de consigne sur les emballages en plastique », clame l'Association des maires de France (AMF) deux jours plus tard. À l'opposé, les associations environnementales, qui avaient obtenu une consigne « mixte » pour relancer le réemploi, font grise mine. « Le Gouvernement va-t-il enterrer la consigne ? » s'inquiètent-elles. Et d'ajouter que « la décision de ne pas acter le retour de la consigne au service du développement du réemploi serait très préoccupante car conforterait le statu quo ».
Négocier un package
Le groupe de contact a permis d'avancer sur le sujet avant l'adoption de la loi. Si certains acteurs restent très négatifs, d'autres sont plus ouverts et avancent des propositions. Il apparaît que l'Assemblée des communautés de France (AdCF), notamment, a pris une part active aux négociations. « Ça tombe bien, fait valoir un observateur, ce sont les intercommunalités qui ont la compétence déchets ». Du côté du Gouvernement, l'option retenue est d'avancer avec ceux qui le souhaitent…
Des expérimentations régionales ?
Le schéma en négociation pourrait prévoir des expérimentations à l'échelle régionale. L'association d'élus France urbaine y est favorable, alors que les producteurs de boissons sont partagés. « Techniquement, l'expérimentation, voire la différenciation, est possible (…), mais il ne semble pas possible logistiquement parlant de descendre à une maille inférieure à la maille régionale » observe le rapport de Jacques Vernier.
Ces expérimentations pourraient répondre au retard enregistré par certaines Régions. Il semble que la Corse (la région la plus en retard avec seulement 25 % de collecte sélective des bouteilles plastique) et, paradoxalement, la Bretagne (la région la plus en avance, avec un taux de 71 %) sont susceptibles d'expérimenter la consigne avant une éventuelle généralisation.
En creux, se négocie aussi (surtout ?) le soutien versé par l'éco-organisme en charge des emballages ménagers (Citeo) aux collectivités locales. Brune Poirson s'est exprimée en ce sens début octobre. Le rapport final de Jacques Vernier constate « l'anomalie du calcul actuel » qui repose sur un « coût optimisé » de gestion du bac jaune. Ce dispositif lèse les collectivités et doit être corrigé, explique le président du comité de pilotage sur la mise en œuvre de la consigne. Cette correction pourrait intervenir en contrepartie de l'adoption de la consigne. Un interlocuteur explique, sans détour, qu'il s'agit d'un « package » et qu'il n'est pas question de réviser sensiblement le soutien versé par Citeo sans mettre en place la consigne… Et d'expliquer qu'avec un possible report de l'entrée en vigueur de la consigne au-delà de 2023, l'augmentation de ces financements « ne paraît plus d'actualité ».