L'avenir du Haut conseil aux biotechnologies est incertain. Le Gouvernement envisagerait de supprimer cette instance créée pour éclairer les décisions sur les OGM du point de vue de la science, mais aussi de l'éthique et du contexte socio-économique.
Dans le grand ménage qu'a décidé de lancer le Gouvernement sur les différents comités et instances consultatives, le Haut conseil aux biotechnologies (HCB) pourrait bien disparaître. Une annexe au projet de loi de Finances, qui liste toutes ces entités, indique que « l'instance a vocation à être supprimée ». Depuis 2016, et le départ de plusieurs membres du comité de la société civile dont son président, le fonctionnement du HCB est bancal. Le Gouvernement pourrait donc bel et bien décider d'enterrer cet organisme, dont l'idée était pourtant novatrice, voire « révolutionnaire » selon les mots de Jean-Louis Borloo, le ministre qui l'a installé : vouloir faire dialoguer scientifiques et société civile sur les enjeux des biotechnologies, et des OGM notamment.
Interrogé par Inf'OGM, le ministère de la Transition écologique et solidaire a tenu à rassurer : une mission d'inspection sur le HCB a été réalisée, les résultats sont en cours d'instruction. Le devenir de cette instance devrait faire l'objet d'une concertation avec les parties prenantes. La messe n'est donc pas encore dite...
Débats houleux et claquements de porte
Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement commande un audit sur le HCB. En 2012, François Fillon, alors Premier ministre, avait déjà missionné une évaluation sur le Haut conseil. Quatre ans après sa création, le climat de travail y était déjà houleux.
Créé par la loi de 2008 sur les OGM et installé en avril 2009, le HCB devait permettre d'éclairer le Gouvernement sur les questions relatives aux OGM ou aux biotechnologies. Son originalité : être composé d'un comité scientifique et d'un Comité économique, éthique et social (CEES), pour permettre de débattre de ces enjeux sous divers angles, et pas seulement sous leur aspect scientifique. Cette originalité fait aussi sa faiblesse. Difficile en effet de concilier des positions souvent opposées sur l'épineuse question des OGM.
Et pourtant, les premiers mois de travaux ont été plutôt fructueux : proposition d'étiquetage « sans OGM », avis sur le renouvellement des autorisations des OGM, et notamment le fameux maïs MON810… Le HCB a produit une quinzaine d'avis lors de sa première année d'existence. Mais très vite les crispations sont arrivées sur la question des expérimentations des OGM en plein champ et de la coexistence des cultures OGM et non OGM.
En 2012, premiers claquements de porte au sein du CEES, conduisant François Fillon à commander une évaluation. En 2014, un décret enrichit la composition des deux comités et clarifie la mission du Haut conseil. L'objectif : relancer les travaux dans un climat apaisé.
Mais deux ans plus tard, la question des nouvelles techniques d'obtention végétale (mutagenèse, transgénèse…) donne un nouveau coup d'arrêt à la structure : à la suite du boycott du CEES par les associations, son vice-président démissionne. Sept associations lui emboîtent le pas. Depuis, le dialogue est difficile à renouer.
Résultat : « une baisse de l'activité de l'instance due à des circonstances exceptionnelles (...) : d'une part, le non remplacement du président d'un des deux comités du Haut conseil a entraîné de facto une impossibilité de maintenir l'activité ; d'autre part, la vacance prolongée de certains postes a également eu un impact sur l'activité de l'instance et sur la consommation des crédits », note l'annexe du projet de loi de finances. Depuis novembre 2017, seul le comité scientifique produit des avis.
Nommer des nouveaux membres pour un troisième mandat ?
Les premiers mois de travaux ont été plutôt fructueux : proposition d'étiquetage « sans OGM », avis sur le renouvellement des autorisations des OGM...
Dix associations, dont certaines sont
démissionnaires du CEES, reprochent au Gouvernement son inaction pour sauver le haut conseil, alors qu'elles l'ont sollicité
« à maintes reprises ». Elles demandent notamment
« de modifier en profondeur sa gouvernance et son fonctionnement interne pour permettre, entres autres, la poursuite de la réflexion sur les aspects éthiques de l'évaluation qui incombent au CEES, la prise en compte de l'expertise citoyenne et paysanne et, au-delà de l'évaluation analytique au cas par cas, l'évaluation globale des interactions des processus de production des biotechnologies avec les systèmes concernés : sociétés et écosystèmes », indiquent-elles dans un communiqué. Elles pressent le Gouvernement à renouveler ses membres, arrivés en fin de mandat fin 2019. Selon Inf'OGM, ce renouvellement est envisagé par le Gouvernement mais pour un an de mandat seulement, le temps de décider de l'avenir du HCB.
Sur le fond, les associations demandent au Gouvernement d'appliquer l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018 « qui l'oblige à contrôler l'absence de dissémination et de commercialisation de nouveaux OGM non déclarés sur notre territoire, alors que certains d'entre eux sont cultivés aux États-Unis et au Canada, pays qui n'assurent aucune traçabilité ni de leur production, ni de leurs exportations vers nos ports ». Dans cette décision, la CJUE estimait en effet que les organismes obtenus par mutagénèse sont bien des OGM, « dans la mesure où les techniques et méthodes de mutagénèse modifient le matériel génétique d'un organisme d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement ».
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Note Agir Pour l'Environnement, Les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, le CRIIGEN, la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab), France Nature Environnement (FNE), Greenpeace, Groupe International d'Études Transdisciplinaires, OGM-Dangers et Sciences CitoyennesArticle publié le 31 octobre 2019