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Hydrogène : une solution de décarbonation, mais à quel prix ?

Unanimement reconnue comme une solution idéale de décarbonation, l'hydrogène a pourtant un prix, parfois difficile à appréhender en fonction des usages et des solutions retenues. France Stratégie s'est penchée sur la question des « coûts d'abattement ».

Energie  |    |  N. Gorbatko
Hydrogène : une solution de décarbonation, mais à quel prix ?

Couvrir les usages « hard to abate » que l'électricité ne peut atteindre, comme la production d'ammoniac, le raffinage des carburants liquides ou la production de chaleur industrielle : tel est communément l'objectif assigné à l'hydrogène, dans une optique de neutralité carbone. Mais la frontière n'est pas toujours simple à définir entre les utilisations pertinentes et celles qui ne le sont pas tout à fait, notamment dans le secteur des transports terrestres longue distance. D'où la démarche entreprise par France Stratégie de calculer les « coûts d'abattement » de ce vecteur énergétique, autrement dit ses coûts en euro par tonne de CO2 évitée, en fonction de ses usages et de ses modes de production.

Mieux que l'hydrogène gris

Publié le 19 mai dernier, le rapport de cette institution s'est d'abord attaché à comparer les coûts de l'hydrogène pour deux grands types d'emplois  : l'usage « spécifique » pour lequel l'hydrogène « gris », dérivé du méthane fossile et émetteur de CO2, est utilisé en l'absence d'autre alternative, et l'usage « de combustion » dans lequel l'hydrogène vient en substitution directe du méthane fossile. Conclusion : dans les deux cas, le recours à l'hydrogène décarboné évite les émissions dues au méthane fossile. Mais il est plus pertinent pour une destination « spécifique », puisqu'il évite une première conversion du méthane en hydrogène, donc des coûts financiers et des pertes de rendement de l'ordre de 24 %. « Un kilogramme d'hydrogène produit par toute technologie bas carbone, et dont la production aura ainsi émis moins de 3 kg de CO2, évite 10 kgCO2 quand il est consacré à un usage spécifique, et 7,6 kgCO2 quand il est consacré à un usage de combustion standard », précise le rapport. Dans un second temps, France Stratégie s'est intéressée aux coûts d'abattement par type d'hydrogène : décarboné ou bas carbone.

Des coûts différents selon la couleur de l'hydrogène

Coût d'abattement et valeur de l'action pour le climat

Le coût d'abattement est le calcul du coût en euros par tonne de CO2-équivalent d'émissions, exprimé en €/tCO2-eq. Plus le coût d'abattement est faible, plus l'action sera économiquement « facile ». Pour sélectionner et hiérarchiser les actions utiles à la collectivité, France Stratégie compare les coûts d'abattement entre eux, mais elle les examine aussi à la mesure des gains de l'action. Cette dernière est donnée par la VAC (valeur de l'action pour le climat), actuellement fixée à 120 €/t CO2-eq. Elle augmentera progressivement pour atteindre 250 €/t CO2-eq en 2030.

Produit de la même manière que l'hydrogène « gris », mais bénéficiant de la capture et du stockage géologique du CO2 (CSC), d'ailleurs encore peu répandu, l'hydrogène « bleu » génère des émissions résiduelles, notamment des fuites de méthane associées à une fraction de CO2 non captée. Sa fabrication doit donc faire l'objet d'une attention particulière, indique le rapport. Cependant, en supposant que la hausse des prix et la guerre en Ukraine ne rendent pas l'accès au gaz trop difficile, cette technologie pourrait s'avérer pertinente à court terme. Encore peu mature, sa déclinaison « turquoise » basée sur la transformation du méthane par pyrolyse plutôt que par reformage est plus difficile à évaluer sur le plan économique. Moins favorable a priori que l'option « bleue », elle présenterait toutefois l'avantage d'une production décentralisée et d'un stockage du carbone plus simple, sous la forme de « noir de carbone ».

L'électrolyse intéressante sous conditions

Viennent ensuite les solutions d'électrolyse transformant l'électricité en gaz : alcaline, déjà ancienne ; par membrane d'échange de protons (PEM), plus récente, ou encore « à haut rendement », encore en phase de prototype industriel. Pour être intéressantes, selon France Stratégie, ces technologies impliquent d'utiliser une électricité décarbonée, d'une part, sans retirer du circuit une électricité utile à un autre usage d'autre part. « Les MWh d'électricité bas carbone sont au moins deux fois plus efficaces pour réduire les émissions de CO2, lorsqu'ils évitent une production d'électricité fossile, que lorsqu'ils servent à produire de l'hydrogène par électrolyse », souligne l'institution. L'électrolyse nécessite par ailleurs la possibilité d'un stockage, dont le prix est mal évalué, mais son plus gros défi consistera à mobiliser une électricité décarbonée peu chère, à moins de 40 € HT/MWh. « Un tel niveau de coût n'est pour l'instant atteint par aucun moyen de production électrique en France, raccordements compris », indique le rapport. Lorsque le système électrique sera largement décarboné et qu'il présentera des excédents significatifs, la mutualisation vers son accès devrait alors changer la donne. Dans la mesure où la France est beaucoup plus avancée dans la décarbonation de son système électrique que la moyenne de l'Europe, « il convient de poser la question du choix entre une vision fondée sur une optimisation technique à l'échelle européenne, qui jouerait des complémentarités entre pays, et une vision plus autarcique pour la France, mais de nature à ralentir la décarbonation de l'ensemble européen », indique aussi le rapport.

Celui-ci réfute en revanche l'idée reçue selon laquelle les électrolyseurs devraient fonctionner à fort facteur de charge, c'est-à-dire presque en continu, afin d'amortir leur investissement initial (CAPEX). « Ce type de raisonnement se fonde en fait sur des électrolyseurs à CAPEX élevés, associés à des projets pilotes de petite taille, produisant de l'hydrogène à des coûts particulièrement élevés, remarque France Stratégie. Il convient de retenir non pas les coûts actuels des projets pionniers, mais le niveau de coût anticipé si la technologie est déployée à grande échelle. »

Une classification inattendue

A raison de 100 €/tCO2 de coût d'abattement, ces analyses incitent donc France Stratégie à classer en tête et à égalité l'hydrogène bleu (reformatage avec CSC) et l'hydrogène vert produit à partir d'électrolyse d'excédents décarbonés mais pour des usages « spécifiques » seulement. Pour ces deux types d'hydrogène, les coûts passent à 250 €/tCO2, en fourchette basse, dans le cadre d'usages « de combustion ». L'utilisation d'une production d'électricité décarbonée dédiée, c'est-à-dire non excédentaire, double la facture (200 €/tCO2) pour un usage « spécifique ». Pour un usage de combustion, elle atteint même 400 €/tCO2. Faute d'éléments suffisamment fiables, l'option turquoise (pyrolyse de gaz naturel) n'a pas fait l'objet de calculs. « Bien qu'elle apparaisse tributaire du très fort développement préalable de la production d'électricité décarbonée », la production massive d'hydrogène par électrolyse, ressort comme la voie la plus souhaitable et potentiellement la moins coûteuse, à terme », précise cependant France Stratégie. Pour cette dernière, au-delà de ces calculs menés pour la France métropolitaine et le moyen terme (2030-2040), il conviendrait par ailleurs d'examiner l'hypothèse d'importations significatives, dans une perspective européenne en particulier. Des analyses qui seront autant d'outils méthodologiques utiles à l'élaboration, à partir de mi-2022, de la troisième Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Réactions2 réactions à cet article

Bonjour, pourquoi n'évoquez vous la pyrogazéification, ou thermolyse de matière organique ?

Merci.

Vincent LALIRE

Tnecniv | 30 mai 2022 à 09h22 Signaler un contenu inapproprié

Elle n'est pas étudiée dans ce rapport

Nadia Gorbatko Nadia Gorbatko
30 mai 2022 à 20h39
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