L'association s'était fait connaître en décembre 2018 avec son recours médiatique contre l'État français pour carence dans sa lutte contre le changement climatique. Puis, plus récemment, par son action judiciaire contre Total, à qui elle reproche le non-respect de la loi sur le devoir de vigilance.
C'est sur ce même fondement que Notre Affaire à tous interpelle aujourd'hui 24 autres multinationales françaises après avoir effectué une analyse comparative de leur vigilance climatique. Cette analyse a été financée par le projet interuniversitaire En-communs et sa méthodologie va être publiée par l'Institut de recherche juridique de la Sorbonne. « Aucune entreprise ne se conforme véritablement aux obligations découlant de la loi et de la Constitution », conclut Paul Mougeolle, coordinateur de l'étude pour l'ONG.
Une empreinte carbone de huit fois celle du territoire français
L'étude, réalisée par Notre Affaire à tous, avait pour objectif de mesurer la mise en œuvre par 25 entreprises de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés-mères. Ces entreprises, qui appartiennent à cinq secteurs d'activité (énergie, finances, industrie, transport, construction et agroalimentaire), ont été choisies en raison de leur lourd impact climatique et du fait qu'elles étaient visées par cette loi qui concerne les multinationales françaises de plus de 5 000 salariés. L'empreinte carbone de ces entreprises représente huit fois celle du territoire français.
Les auteurs ont noté les entreprises en fonction de trois critères : l'identification des risques d'atteintes graves au climat liés à leurs activités, les mesures de prévention mises en œuvre pour les prévenir et la prise en compte du changement climatique dans le plan de vigilance exigé par la loi. Les critères établis, explique l'association, ne visent pas à noter négativement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre mais plutôt les entreprises qui manquent de transparence sur leurs émissions et qui ne mettent pas en œuvre un nombre d'actions suffisantes pour changer leur politique climatique.
Aucune stratégie en lien avec l'objectif des 1,5°C
Les résultats ne sont pas flatteurs pour les multinationales. Seules cinq entreprises (Arcelormittal, PSA, Michelin, Danone et Schneider Electric) obtiennent une note supérieure à la moyenne. Et aucune n'est en conformité avec la loi, selon l'ONG. Les trois entreprises figurant sur le podium des plus mauvais élèves sont, dans l'ordre, Air Liquide, Total et Natixis.
Au final, aucune entreprise n'aurait mis en place une stratégie de diminution de son impact climatique en lien avec l'objectif de l'Accord de Paris de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C.
Courriers d'interpellation
L'association adresse par conséquent des courriers d'interpellation à l'ensemble des multinationales étudiées alors qu'elles s'apprêtent à publier leur nouveau plan de vigilance. « Les entreprises doivent décarboner entièrement leur modèle économique le plus rapidement possible et indiquer précisément et sincèrement les voies et défis pour y parvenir », explique Paul Mougeolle.
Si elles ne le font pas, l'association pourrait tout d'abord leur adresser des mises en demeure formelles, comme elle l'a fait avec Total, puis les attaquer en justice si l'entreprise ne se conforme toujours pas à la loi.
La voie judiciaire est toutefois semée d'embûches. Le 30 janvier dernier, le tribunal judiciaire de Nanterre s'est déclaré incompétent pour juger de l'action en référé intentée par Les Amis de la Terre, Survie et quatre associations locales dirigée contre Total en raison de son activité pétrolière en Ouganda. Cette décision était la première rendue sur le fondement de la loi relative au devoir de vigilance des multinationales.