Discuter une demi-heure avec des spécialistes du climat peut-il suffire à sensibiliser des parlementaires ? C'est le pari relevé actuellement, devant le palais Bourbon, par 35 scientifiques et le collectif Pour un réveil écologique.
Les mauvaises décisions politiques en matière d'environnement sont-elles issues d'une forme d'ignorance écologique ou de choix politiques informés et assumés ? « Pour répondre à cette question, il faut passer par une harmonisation des connaissances en matière de climat et de biodiversité chez tous les députés, avance Léa Falco, membre du collectif Pour un réveil écologique. Ensuite, nous saurons que les parlementaires qui n'agissent pas en faveur de l'environnement le font pleinement en leur âme et conscience. » Tel est le pari lancé le 20 juin – premier jour d'investiture pour les nouveaux élus à l'Assemblée nationale – par l'ancien député et futur directeur général de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Matthieu Orphelin, le climatologue et coauteur du dernier rapport du Giec, Christophe Cassou, et soutenu par l'association étudiante.
Mettre les législateurs au contact des chercheurs
« Nul n'est censé ignorer la loi, ni le changement climatique, la biodiversité ou les moyens d'agir pour améliorer la situation », martèle l'ex-parlementaire. Accompagné de 35 scientifiques dont plusieurs coauteurs de rapports du Giec, il souhaite combattre l'ignorance par le dialogue et la médiation. Il invite les députés curieux à se rendre sous un barnum blanc à quelques pas du palais Bourbon pour y rencontrer, le temps d'une demi-heure, des chercheurs avides de transmettre leurs connaissances sur la situation environnementale actuelle et future. « Le changement climatique a beau se dérouler à une échelle mondiale, il se manifeste également à une échelle locale, par exemple à l'échelle d'une circonscription à laquelle est élu chaque député, remarque Christophe Cassou. Notre démarche volontariste inversée, à la disposition des députés plutôt qu'à leur sollicitation, servira ainsi à s'adapter au mieux à leurs questions à cet égard. »
Sous le barnum, une douzaine de rapports sur le climat et l'environnement sélectionnés par les scientifiques sont mis à la disposition des députés, une fois leur « formation » terminée.
© Félix Gouty
Chaque député ressort ensuite de cette
« formation premier secours » avec une série de documents : rapports de l'Institut du développement durable et des relations internationales (
Iddri), du
Réseau action climat (RAC) ou encore de l'Institut de l'économie pour le climat (
I4CE) ainsi que des synthèses des trois derniers rapports du Giec concoctés par Pour un réveil écologique et d'un calendrier des prochaines échéances législatives au niveau environnemental. Cette formation,
« évidemment pas suffisante » atteste Léa Falco, n'a pour l'heure été suivie que par une cinquantaine de députés sur 577. Parmi eux, des élus de La France insoumise (LFI), comme Danielle Simonnet, de Paris, et Mathilde Panot, du Val-de-Marne, accompagnée par leur chef de file Jean-Luc Mélenchon, ainsi que des représentants de la majorité présidentielle, Pieyre-Alexandre Anglade (Renaissance, Benelux), Sacha Houlié (Renaissance, Vienne) et Charles de Courson (Marne, Centristes). Avec cette volonté de «
name and shame » systématique,
« nous voulons simplement valoriser les députés qui viennent s'informer et inciter leurs collègues à en faire de même », rassure Matthieu Orphelin, qui souligne que Marine Le Pen et le Rassemblement national ont, par exemple, décliné l'invitation. Un bilan complet de l'opération, mercredi 22 juin, traduira ou non la possibilité d'une redite pour les élections sénatoriales en 2023.
Former les élus, nouvelle méthode d'action ?
Cette initiative n'est cependant pas une tentative isolée de sensibiliser davantage la sphère politique aux enjeux environnementaux. Elle s'inscrit dans la foulée de « l'atelier participatif et scientifique » mis en œuvre à Bordeaux, en mai dernier, par La Fresque du climat, auprès des neuf candidats aux législatives de Gironde. « C'est la première fois que les candidats de tous les partis politiques y ont participé ensemble », atteste l'association à l'origine de cette formation.
Il faut passer par une harmonisation des connaissances en matière de climat et de biodiversité chez tous les députés
Léa Falco, Pour un réveil écologique
L'opération parisienne imaginée par Matthieu Orphelin et Christophe Cassou intervient également à la suite d'une tribune d'une vingtaine d'experts du climat convoqués par le président de la République, Emmanuel Macron, en avril dernier. L'appel à l'instauration d'un
« séminaire gouvernemental » de vingt heures (partagés en cinq modules de quatre heures), rendu obligatoire à chaque membre du gouvernement et au chef de l'État lui-même, a récemment été suivi d'une
lettre à la Première ministre, Élisabeth Borne, et d'une pétition en sa faveur signé par plus de 70 000 personnalités.
« Au démarrage de cette tribune était le refus de croire que l'insuffisance écologique du précédent quinquennat relevait d'un manque de courage, ou pire d'un manque de convictions, déclarent les auteurs dans leur lettre.
Les signataires de la tribune affirment qu'avec une formation a minima
de vingt heures, il est possible d'obtenir une sensibilisation sincère et profonde. »
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Note Télécharger la lettre à Elisabeth Borne Plus d'infosArticle publié le 21 juin 2022