« Le climat, s'il est absent du débat présidentiel, n'est pas absent des programmes de la plupart des candidats », déclare Benoît Leguet, directeur de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). Depuis un an, cette équipe d'experts a passé au crible les programmes de six candidats à l'élection présidentielle des 10 et 24 avril prochains. Il s'agit d'Anne Hidalgo, de Yannick Jadot, de Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon, de Valérie Pécresse et d'Éric Zemmour. À noter : le programme d'Emmanuel Macron sera à son tour analysé, l'I4CE attendant sa publication en fin de semaine prochaine.
Quel sera le budget pour le climat pour le prochain quinquennat ?
Concrètement, l'I4CE est rentré en contact avec ces six candidats à l'Élysée, « pour les inciter à préparer leur budget pour le climat » pour le prochain quinquennat. Il s'est basé sur leur programme et leur a transmis un questionnaire tout en échangeant avec les équipes de certains d'entre eux, notamment sur les questions de chiffrage. Les résultats de ce décryptage, dévoilés le 8 mars, évaluent le niveau de préparation des candidats à travers seize « défis climat » classés par thèmes : adaptation, collectivités, mobilité, énergie, fiscalité, agriculture et alimentation, forêt, rénovation énergétique des bâtiments et bouclage budgétaire.
Jadot, Mélenchon et Hidalgo, les « mieux préparés » aux défis climatiques
Le climat n'est pas absent des programmes d'Anne Hidalgo, de Yannick Jadot, de Jean-Luc Mélenchon et de Valérie Pécresse. Ces quatre candidats ont des propositions en la matière et sont même « prêts à réviser l'objectif climatique de la France à horizon 2030 pour contribuer au nouvel objectif européen, récemment revu à la hausse », précise Charlotte Vailles, cheffe de projet à l'I4CE. En revanche, les programmes de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour contiennent, à ce jour, « très peu » de mesures permettant de lutter contre les changements climatiques.
Trois candidats semblent les mieux préparés et très précis dans leurs propositions. « Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon ont des propositions précises pour répondre à la quasi-totalité de nos défis et celles-ci ont été presque toutes chiffrées par leurs équipes », constate Charlotte Vailles. Vient ensuite Anne Hidalgo, « avec des propositions moins précises et un peu moins chiffrées, mais que l'on considère quand même comme prêtes ».
Des niveaux de préparation des candidats très hétérogènes
Par exemple, M. Mélenchon n'a pas encore présenté le bouclage budgétaire de son programme, mais « ça devrait être fait à la fin de la semaine », indique Mme Vailles.
De son côté, les propositions de M. Jadot ne sont pas « assez précises » sur la réforme des aides à la rénovation des logements. « Il ne dit pas grand-chose, par exemple, sur le contrôle des labels et sur la prise en compte du confort d'été », illustre-t-elle. Quant à Mme Hidalgo, « il y a un défi dont elle n'a pas parlé sur la prise en compte des enjeux d'adaptation dans les dépenses publiques de long terme ».
Valérie Pécresse a également des propositions jugées peu précises pour répondre aux défis et qui n'ont pas été chiffrées par son équipe de campagne. Par exemple, elle propose de mettre en place un grand plan de bornes de recharge pour les véhicules électriques, « mais ne précise pas la répartition de l'effort entre l'État et les entreprises publiques ou privées », explique Charlotte Vailles. De même, la candidate ne traite pas certains défis comme l'accompagnement des éleveurs dans la transition agricole. « Donc, on ne dispose pas d'assez d'éléments pour dire qu'elle est prête, mais on en a assez pour voir se dessiner une stratégie climat. »
Enfin, Éric Zemmour et Marine Le Pen ont identifié quelques défis, mais aucune de leur proposition n'est assez précise. « Par exemple, ils parlent tous les deux de la rénovation, mais ils ne précisent pas les mécanismes de financement qui seraient mis en place ni l'évolution de l'enveloppe des aides et le niveau de performance visé pour la rénovation des bâtiments », observe Mme Vailles.
Des stratégies climat contrastées
Les candidats n'ont pas tous la même stratégie pour le climat. « C'était attendu », souligne l'Institut. Ils ont des stratégies contrastées, qui misent sur une intervention – financière, réglementaire, fiscale – plus ou moins forte de l'État. Valérie Pécresse mise ainsi sur les investissements privés, notamment en favorisant un accès à l'emprunt et en redirigeant l'épargne vers le financement de la transition environnementale. « Elle ne veut pas avoir recours à plus de réglementation ni à plus de fiscalité. Elle ne mise pas non plus vers plus de dépenses publiques même si, dans son programme, on a pu trouver des investissements a priori importants sur le nucléaire, le ferroviaire, les bornes de recharge, par exemple », note Charlotte Vailles.
Quant à Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo, tous les trois misent sur la dépense publique, la fiscalité et la réglementation. Ils ont notamment des propositions pour obliger à rénover les logements ou pour interdire les dessertes aériennes quand il y a une alternative en moins de quatre heures. Côté fiscalité, ils ont aussi des propositions comme « moduler le taux de TVA en fonction de l'impact environnemental d'un produit ou d'un service, ou mettre en place un ISF à composante climatique », met aussi en avant Mme Vailles.
De son côté, M. Mélenchon mise beaucoup plus sur la dépense publique en faveur de l'environnement et prévoit d'y allouer 45 milliards d'euros par an, contre 25 milliards pour M. Jadot et 14 milliards pour Mme Hidalgo, par exemple. En outre, cette dernière a moins recours à la réglementation que les deux autres candidats.
Quant à Marine Le Pen et Éric Zemmour, l'Institut estime qu'il n'y a, à ce stade, pas suffisamment de matière dans leur programme public « pour déterminer la philosophie de leur budget pour le climat ».
Des consensus trouvés chez quatre candidats
L'analyse des programmes d'Anne Hidalgo, de Yannick Jadot, de Jean-Luc Mélenchon et de Valérie Pécresse a « fait émerger des consensus », conclut Benoît Leguet. « Il y a consensus d'abord sur la nécessité d'adapter la France aux impacts du changement climatique ou de donner les moyens aux collectivités locales de prendre toute leur part dans la transition même si, dans les deux cas, les propositions demeurent globalement encore vagues. Il y a consensus aussi, et c'est plus surprenant, sur la suppression progressive des subventions aux énergies fossiles, la transparence sur l'utilisation des recettes de la taxe carbone, voire de la fiscalité écologique, ou encore l'accompagnement renforcé des ménages modestes », souligne-t-il. La crise énergétique qui s'annonce en réponse à la guerre en Ukraine pourrait encore faire bouger les lignes.
L'Institut prévoit de mettre à jour son décryptage des candidats à l'Élysée au fur et à mesure de la publication des programmes d'ici au premier tour.