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La France et ses pêcheurs s'élèvent contre le Royaume-Uni et ses aires marines protégées

MAJ le 19/04/2024

Prenant les objectifs fixés par l'Accord de Kunming-Montréal au mot, le Royaume-Uni a renforcé la protection de ses aires marines protégées. Une décision écologique que les pêcheurs français et le Gouvernement ont pris pour eux.

Biodiversité  |    |  F. Gouty
La France et ses pêcheurs s'élèvent contre le Royaume-Uni et ses aires marines protégées

Si ce nouveau conflit diplomatique entre la France et le Royaume-Uni est loin d'être le premier dans l'histoire de ces deux pays, sa cause – la protection de la biodiversité – diffère des précédents. Le 22 mars, après une consultation publique engagée en 2022, un arrêté (1) publié le 1er février dernier par l'Agence pour la gestion maritime (MMO) du gouvernement britannique a renforcé la protection de treize aires marines protégées (AMP) préexistantes. Ces dernières sont, qui plus est, soumises à de nouvelles règles interdisant, notamment, la majeure partie des activités de pêche de fond ou « traînantes ».

Une façon, pour Londres, de tenir l'une des promesses de son Plan d'amélioration de l'environnement lancé début 2023 et de l'engagement (partagé avec la France), porté par la Haute Ambition pour la nature et les peuples de février 2022, puis inscrite dans l'Accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité, d'étendre à 30 % la surface des océans protégés. Mais pour la France, cette dernière décision pourrait être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Chronique d'une escalade politique

La situation a débuté en juin 2022, avec une première série d'arrêtés portés par la MMO. Ces derniers interdisaient l'emploi d'engins à chalut, à sennes ou à la drague à l'intérieur de quatre premières AMP parmi les plus larges de la zone économique exclusive (ZEE) des Îles britanniques. Puis, en février 2023, le gouvernement du nouveau Premier ministre, Rishi Sunak, annonce créer trois nouvelles AMP (contre cinq envisagées au départ, au regret d'organisations environnementales du royaume) portant leur nombre total à 181, couvrant 40 % de la surface maritime britannique, soit près de 93 000 kilomètres carrés. Et pour la première fois, ces nouvelles zones ont été encadrées sous le régime des réserves naturelles sous-marines hautement protégées, au sein desquelles toutes formes de pêche, de dragage et de construction sont interdites. Une façon pour les autorités britanniques de non seulement préserver mais surtout de restaurer ces habitats à forte biodiversité et pour certains « relativement dégradés » par les activités humaines. Cependant, certaines, comme l'aire de Dolphin Head dans la Manche, « impacteront les flottilles hauturières françaises », prévenait le journal Le Marin. Et avec la décision prise en février 2024, la situation tourne au vinaigre.

Si elles ne sont pas considérées en « protection forte », les treize AMP désormais concernées par les restrictions de pêche inquiètent tout autant les pêcheurs français autorisés à opérer dans la ZEE britannique – et, avec eux, le gouvernement français. À l'antenne de la radio France Bleu Nord (2) , le président du comité régional des pêches des Hauts-de-France (CRPHF), Olivier Leprêtre, est le premier à dégainer, qualifiant la décision de « mascarade », accusant les autorités britanniques de favoriser les pêcheurs locaux « au filet et au casier » aux dépens des pêcheurs hauturiers français qui font généralement dans ces zones « une grosse partie de leur chiffre d'affaires ». Et ce, alors même que le rendement économique de nombreux chalutiers dépérissent dans la Manche. Un arrêté de septembre 2022 (3) , issu d'un accord entre la France et le Royaume-Uni, prévoit même un « plan de sortie de flotte » pour certains de ces navires. Dans une tribune (4) publiée par Le Marin, Jean-François Rapin, sénateur Les Républicains du Pas-de-Calais, en rajoute une couche et appelle le Gouvernement à « se saisir sans délai » du sujet (à l'instar du président LR de la Région, Xavier Bertrand, et des élus Rassemblement national du conseil régional). « Cette nouvelle mesure de restriction unilatérale des zones de pêche pour les navires français pourrait signer l'arrêt de mort de notre filière pêche déjà très affaiblie. »

Bruxelles s'en mêle

Une occasion manquée ?

Le 19 avril, des élus écologistes du Conseil régional de la Bretagne ont porté au vote une demande d'interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées de la façade bretonne - à l'image de la décision britannique et en écho aux vœux de la nouvelle Coalition citoyenne pour la protection de l'océan menée par Bloom. Deux tiers des élus bretons ont rejeté cette proposition.
Quelques jours plus tard, le secrétaire d'État à la Mer et à la Biodiversité, Hervé Berville, alors en Guyane, assure son soutien au secteur. Auquel il avait déjà assuré, en avril 2023, que s'agissant des AMP de l'Union européenne, la France ferait en sorte qu'aucune interdiction à la pêche de fond ne soit imposée « ni en 2024, ni en 2030 ». À la toute fin du mois de mars, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de l'Europe, monte à son tour au créneau, dénonçant une décision « potentiellement discriminatoire » – en particulier au regard des termes de l'Accord post-Brexit de commerce et de coopération (ACC) entre le Royaume-Uni et l'Union européenne – appelant, avec les autres États membres concernés, à des « mesures de rétorsion ».

Et le 15 avril, c'est a priori chose faite. Ce jour-là, le quotidien britannique Financial Times a révélé (5) qu'une réunion informelle des ministres européens chargés de la Pêche a été organisée par la Commission européenne et qu'à cette occasion, l'exécutif bruxellois s'était chargé de mener un « examen approfondi » de la situation. En réponse, le porte-parole du Premier ministre britannique a maintenu le bienfondé environnemental et scientifique de sa décision et a rappelé qu'elle avait été prise après consultation de « toutes les parties prenantes, y compris des groupes de pêcheurs français ».

La Grèce rentre dans le jeu

“ La Grèce vient de montrer qu'il existe des pays qui prennent au sérieux la destruction du climat et des espèces vivantes sur Terre ” Claire Nouvian, Bloom
Pour l'association Bloom, cette escalade politique met en lumière la « vraie nature antiécologique » de la politique du président de la République, Emmanuel Macron. Et l'ONG de rappeler, d'une part, que les décisions environnementales du Royaume-Uni n'enfreignent pas l'ACC qu'il a conclu avec l'UE et qui lui permet de « prendre des mesures de conservation dans leurs propres eaux, à condition que ces mesures s'appliquent aux navires de pêche de tous les pays, y compris aux navires britanniques, ce qui est le cas des propositions du Royaume-Uni ». Et d'autre part, que la Commission européenne, de l'autre côté de la Manche, recommande depuis février 2023 « d'interdire le chalutage de fond dans toutes les zones marines de l'Union censées être protégées, à commencer par les zones Natura 2000 d'ici à la fin du mois de mars 2024 ».

Mais ce que la France ne s'est pas décidée à appliquer, laissant un autre pays, la Grèce, montrer l'exemple sur le Vieux Continent. Lors de la nouvelle conférence « Our Ocean », tenue à Athènes du 15 au 17 avril, le Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, a annoncé la création de deux nouvelles AMP et a fait la promesse de protéger tous les « parcs nationaux marins » du pays de la pêche au chalut dès 2026, puis d'étendre cette interdiction à l'ensemble des AMP grecques, couvrant 32 % de la surface marine du pays. Le tout en s'engageant à investir 780 millions d'euros, notamment dans la mise en place d'une surveillance par drones. « La Grèce vient de montrer qu'il existe des pays qui prennent au sérieux la destruction du climat et des espèces vivantes sur Terre et que lorsqu'un gouvernement veut, il peut, (et) met en lumière l'incurie impardonnable du gouvernement français », atteste Claire Nouvian, la fondatrice de Bloom. Un pied de nez envers l'Hexagone qui organisera la prochaine réunion des Nations unies sur l'océan, à Nice en juin 2025, mais dont la propre Stratégie nationale pour la mer et le littoral se fait toujours attendre.

1. Télécharger l'arrêté britannique
https://assets.publishing.service.gov.uk/media/65bb6a79c4734a000dd6cb78/Marine_Protected_Areas_Bottom_Towed_Fishing_Gear_Byelaw_20231.pdf
2. Consulter l'article sur le site de France Info
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/interdiction-de-pecher-en-eaux-britanniques-le-comite-regional-des-peches-des-hauts-de-france-demande-des-mesures-de-represailles_6437905.html
3. Consulter l'arrêté sur Legifrance
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046368289
4. Consulter la tribune dans Le Marin
https://lemarin.ouest-france.fr/peche/tribune-la-restriction-de-peche-au-royaume-uni-pourrait-signer-larret-de-mort-de-notre-filiere-32c2f144-e79d-11ee-9618-4414a90184dc
5. Consulter l'article du Financial Times
https://www.ft.com/content/e2bab43c-e63b-455c-a7d5-4c55038ce529

Réactions1 réaction à cet article

Il semble que le Royaume-Uni s'accommode plutôt bien de sa sortie du monstre bureaucratique qu'est malheureusement devenue l'UE sous la houlette notoire d'un autre monstre bureaucratique comme la France.

Albatros | 26 avril 2024 à 14h16 Signaler un contenu inapproprié

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