La culture de variétés rendues tolérantes aux herbicides peut engendrer des résistances aux herbicides et donc une utilisation accrue de ces produits, estime l'Anses. Elle pointe du doigt une absence de suivi de ces semences et donc de leurs impacts.
La question de la mutagénèse et des variétés tolérantes aux herbicides (VRTH) oppose depuis des années les pro et les anti. Sans trancher totalement le débat, l'avis de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses), publié le 28 novembre, met en lumière des facteurs de risques et préconise une surveillance de ces semences afin de pouvoir évaluer leurs impacts agronomiques et sanitaires.
Les VRTH bénéficient en effet d'un flou juridique depuis des années. Rendues tolérantes aux herbicides par sélection végétale, par mutagénèse ou transgénèse, ces variétés ne font l'objet d'aucune évaluation ou autorisation de mise sur le marché. Les opposants à ces techniques plaident pour qu'elles soient considérées comme des OGM et donc encadrées et suivies de la même manière. En juillet 2018, la Cour de justice européenne leur a donné raison mais, pour l'instant, le cadre réglementaire n'a pas évolué. D'où l'importance de l'avis publié aujourd'hui par l'Anses.
27 % des surfaces de tournesol en France
« En France, sont principalement utilisées depuis une dizaine d'années, les variétés de tournesol et de colza auxquelles a été conférée une tolérance aux herbicides de la famille des inhibiteurs de l'acétolactate synthase (ALS) », indique l'Anses. Selon les données qu'elle a recueillies, les surfaces cultivées avec des VRTH représentaient, en 2017, 27 % des surfaces de tournesol (environ 160 000 ha) et 2 % des surfaces de colza (environ 30 000 ha).
Cependant, il est difficile d'avoir une idée précise de ces utilisations, note l'Anses. « Ces données restent incomplètes ou peu représentatives. Par exemple, il n'existe pas de liste provenant des catalogues officiels français ou européen des variétés permettant d'identifier, de manière fiable et officielle, les variétés VRTH cultivables en France ».
Elle recommande donc la mise en place d'un dispositif de suivi des semences VRTH « afin d'instaurer leur traçabilité jusqu'à l'utilisation réelle en culture ». L'objectif est d'améliorer les connaissances sur ces pratiques culturales et de mener une surveillance des résidus des substances herbicides associées aux VRTH.
Lancer une étude sur les risques sanitaires
Rendues tolérantes aux herbicides par sélection végétale, par mutagénèse ou transgénèse, ces variétés ne font l'objet d'aucune évaluation ou autorisation de mise sur le marché.
Car les VRTH permettent de lutter contre les adventices indésirables avec des traitements herbicides, sans nuire à la culture.
« Bien qu'aucun effet n'ait pu être observé à ce jour à partir des données étudiées, l'Anses met en évidence des risques qui pourraient être associés à l'utilisation des VRTH ». Tout comme l'expertise de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) l'avait fait en 2011, l'Anses confirme les facteurs de risque liés à la culture de VRTH,
« en particulier le développement de résistances des adventices aux herbicides et l'augmentation de l'utilisation d'herbicides par rapport à des cultures classiques, et in fine
la contamination des milieux par les herbicides » .
Mais sans données exhaustives, difficile d'aller plus loin dans l'évaluation des risques. Outre la mise en place d'une surveillance de ces cultures, l'Anses recommande donc le lancement d'une étude pour évaluer les effets sanitaires potentiels des VRTH, en particulier « pour vérifier la formation éventuelle de métabolites spécifiques non pris en compte lors de l'évaluation européenne des substances actives phytopharmaceutiques ». Elle préconise, en parallèle, une sensibilisation des agriculteurs sur les risques de développement des résistances des adventices aux herbicides.
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Note Télécharger l'avis de l'Anses sur les VRTH Plus d'infosArticle publié le 28 novembre 2019