
Jean-Louis Borloo : Bien entendu ! Le Grenelle Environnement, ce sont près de 400 milliards d'euros d'investissement et plus de 550.000 emplois selon les professionnels, dans tous les domaines de la croissance verte : la construction, la rénovation thermique, les transports, les énergies renouvelables… Je rappelle d'ailleurs que 35% des investissements du Plan de relance sont directement consacrés à l'accélération des chantiers du Grenelle Environnement. Grâce à ces investissements programmés sur plusieurs années, nous donnons de la visibilité à nos industriels et à leurs milliers de sous-traitants. Quant aux Français, c'est l'occasion ou jamais de faire des économies sur leurs factures énergétiques en profitant dès maintenant de toutes les mesures fiscales du Grenelle Environnement comme par exemple le cumul exceptionnel entre « crédit d'impôt développement durable » et « éco-prêt taux zéro ». Selon une étude récente du Boston Consulting Group, la rénovation d'un appartement de 100 m2 en mauvais état permet d'économiser jusqu'à 1400 euros par an ! C'est un vrai « plus » en termes de pouvoir d'achat. Mais au-delà, ces mesures illustrent, au fond, une double réalité : le Grenelle Environnement participe, certes, pleinement de la relance mais il permet surtout de fonder un nouveau modèle de croissance pour les dix ou quinze années à venir.
AE : Des projections annonçant la création de centaines de milliers d'emplois sur les métiers de l'environnement, de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables ont été établies à l'issue du Grenelle Environnement, c'est-à-dire avant la crise. Doit-on s'attendre à un recadrage de ces chiffres ?
JL-B : Absolument pas ! Et si vous voulez mon avis, s'il y a recadrage, ce sera plutôt à la hausse car tous les chantiers du Grenelle Environnement vont rapidement monter en puissance. Grâce à l'éco-prêt à taux zéro et à l'enveloppe exceptionnelle de 1,2 milliards d'euros de prêts à taux bonifié de la Caisse des Dépôts pour financer la réhabilitation de 100.000 logements sociaux sur la période 2009/2010, le seul secteur de la rénovation thermique permettra de créer près de 115.000 emplois. De plus, le Plan de relance prévoit d'accélérer les acquisitions foncières et les travaux préparatoires de nombreux projets : LGV Bretagne/Pays-de-la-Loire, seconde phase du TGV Est, Canal Seine-Nord-Europe… Ces opérations donneront du travail à nos entreprises dès 2009. J'ajoute enfin que 710 millions d'euros seront consacrés dès cette année à la réalisation de nouvelles lignes de transports urbains dans les grandes villes de France. Tous ces projets ont été programmés et financés depuis plusieurs mois. D'une certaine façon, le Grenelle Environnement, participe à la relance et permet d'en accélérer sa mise en œuvre.
AE : Si l'éco-prêt à taux zéro soutiendra sans nul doute les filières de la rénovation des bâtiments et de travaux à destination des particuliers, certains projets comme ceux de l'éolien et des grandes centrales solaires notamment, semblent aujourd'hui souffrir d'une timidité des investisseurs. Votre Ministère s'est-il penché sur la question ?
JL-B : Très honnêtement, je ne vois pas pourquoi les acteurs hésiteraient à investir dans des secteurs qui connaissent une croissance annuelle comprise entre 60%, pour l'éolien, et 130%, pour le solaire photovoltaïque ! J'ai ainsi présenté au mois de novembre dernier, un plan de développement des énergies renouvelables dont le but est de doubler en 12 ans notre production annuelle soit une hausse de 20 millions de tonnes équivalent pétrole. Ce plan prévoit également la construction d'une centrale solaire par région et le lancement d'un troisième appel d'offre « biomasse » portant sur une puissance cumulée de 250 MW. Et puis, nous avons prévu des dispositifs fiscaux très incitatifs pour garantir la rentabilité de ces investissements sur le long terme : confirmation des différents tarifs d'achat, possibilité d'exonérer de taxe foncière les bâtiments qui intègrent des énergies renouvelables, exonération totale de TVA, de taxe professionnelle et d'impôt sur le revenu pour les panneaux photovoltaïques de moins de 30 m2… Nous encourageons les investisseurs et les entrepreneurs dans des domaines porteurs !
AE : Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le Plan de relance va à l'encontre des objectifs du Grenelle Environnement ? Autoroutes et industrie automobile constituent-ils des secteurs de recrutement et d'emploi d'avenir ?
JL-B : D'abord, et comme je vous le disais tout à l'heure, je rappelle que 5 milliards d'euros soit 35% des investissements prévus par le Plan de relance sont directement consacrés à l'accélération des chantiers du Grenelle Environnement. De plus, lorsque nous prévoyons 85 millions d'euros pour la sécurisation des tunnels ou 200 millions d'euros pour moderniser le réseau national, il s'agit surtout de mesures de sécurité routière ! Effacer un carrefour dangereux ou supprimer un passage à niveau « accidentogène » n'ont jamais été contradictoires avec les principes du développement durable. Et puis, le Gouvernement entend aider les constructeurs automobiles français à commercialiser le plus rapidement possible des véhicules très faiblement émetteurs, qui sont, comme chacun sait, les véhicules d'avenir. L'Etat investit ainsi près de 400 millions sur trois ans en faveur de la recherche sur ces nouveaux modèles. Nous allons également étendre le bénéfice du bonus de 5.000 euros sur les véhicules émettant moins de 60 gCO2/km aux véhicules utilitaires légers. L'Etat procèdera enfin au renouvellement de son parc automobile dès 2009 afin de remplacer ses véhicules âgés de plus de 10 ans par des véhicules toujours plus performants sur le plan énergétique. L'objectif est d'atteindre à très court terme, le seuil de 100.000 véhicules électriques en circulation pour que les constructeurs français soient les plus compétitifs sur ce segment clef de la bataille économique de demain.
AE : Le dynamisme de certaines éco entreprises semble quelque peu impacté par la mauvaise conjoncture à l'image de l'industrie du recyclage. Ce secteur peut-il espérer une aide à l'instar des banques ou de l'automobile ?
JL-B : Les éco-entreprises seront les premières bénéficiaires des 400 milliards d'euros d'investissement du Grenelle Environnement : rénovation thermique, recyclage, fabrication et installation de panneaux photovoltaïques, conseil aux particuliers, entreprises de construction… Il faut également attendre que les 35 mesures de fiscalité « verte » mises en place en 2008 produisent tous leurs effets : éco-prêt à taux zéro, prorogation et extension du crédit d'impôt « développement durable », verdissement des dispositifs d'accès à la propriété pour l'achat d'un logement particulièrement performant sur le plan énergétique, exonération totale de taxe sur les panneaux photovoltaïque de moins de 30 m2,…Et puis, les éco entreprises qui sont, la plupart du temps, des entreprises très innovantes peuvent bénéficier de tous les dispositifs de soutien à l'innovation comme le crédit d'impôt recherche ou les avantages liés aux fonds communs de placements. Ces entreprises ont toutes les raisons de croire en leur avenir !
AE : Une étude publiée sur Emploi-Environnement.com en décembre dernier pointait du doigt les faiblesses, tant qualitatives que quantitatives, en terme de formation sur les métiers de l'environnement et des énergies renouvelables. Qu'en pensez-vous ? Des dispositifs sont-ils prévus ?
JL-B : Aujourd'hui, les formations, les universités et les grandes écoles intègrent progressivement, d'une façon ou d'une autre, le développement durable dans leurs enseignements sous forme de modules, de spécialisations ou de chaires… De plus, nous travaillons depuis le début du Grenelle Environnement en étroite collaboration avec l'ensemble des professionnels de chaque secteur pour voir comment améliorer le recrutement, les qualifications et les formations afin de mieux répondre aux besoins. C'est là qu'il nous faut vraiment concentrer nos efforts. Je suis convaincu que nos entreprises, nos ingénieurs et nos artisans seront au rendez-vous du Grenelle Environnement. En tout cas, je voudrais dire aux jeunes qui en ce moment même s'interrogent sur leur avenir : que vous aimiez la biologie ou le droit, que vous soyez attirés par des activités concrètes ou plus théoriques, que vous soyez encore sans qualification ou déjà diplômé, le développement durable offre de formidables opportunités de carrière. En clair, c'est là qu'il y aura du boulot demain.