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Accélération du nucléaire : le Conseil constitutionnel donne son feu vert à la promulgation de la loi

MAJ le 23/06/2023

Les gardiens de la Constitution ont censuré dix articles de la loi d'accélération du nucléaire, mais valident les autres dispositions déférées, donnant ainsi leur bénédiction au programme de construction de nouveaux réacteurs dans l'Hexagone.

Energie  |    |  L. Radisson
Accélération du nucléaire : le Conseil constitutionnel donne son feu vert à la promulgation de la loi
Droit de l'Environnement N°324
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°324
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La voie pour la promulgation de la loi relançant la filière nucléaire dans l'Hexagone est ouverte. Ce à quoi a procédé immédiatement Emmanuel Macron, le texte étant paru au Journal officiel du vendredi 23 juin. Le Conseil constitutionnel a en effet rendu, mercredi 21 juin, sa décision sur le texte (1) issu de la commission mixte paritaire réunie le 4 mai dernier. Le juge constitutionnel avait été saisi, le 22 mai, par les députés écologistes et de La France insoumise.

Si les gardiens de la Constitution censurent partiellement ou totalement dix articles, dont neuf cavaliers législatifs, ils valident en revanche les autres dispositions qui lui ont été déférées. « Le cœur technique du texte qui permettra l'accélération [est] entièrement préservé », s'est félicitée auprès de l'AFP la députée Renaissance Maud Bregeon, qui a été rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale. Un constat partagé par Greenpeace. « Hormis une censure à la marge de quelques dispositions de la loi (…), le Conseil constitutionnel donne un blanc-seing au Gouvernement pour relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires », réagit l'ONG antinucléaire.

Les Sages n'ont pas invalidé la totalité du texte comme l'escomptaient, sans grand espoir toutefois, les auteurs de la saisine. Ceux-ci mettaient en cause la procédure même d'adoption de la loi en se fondant sur une méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Les députés d'opposition critiquaient en particulier le découplage de cette loi avec celle de programmation relative à l'énergie et au climat, prévue à l'automne, ainsi que l'absence de prise en compte des résultats du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. « (…) Il ne résulte d'aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l'origine du texte déféré, puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l'achèvement de consultations du public ou à l'adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d'action de la politique énergétique nationale (...) », juge le Conseil.

« Contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre »

La rue de Montpensier a également validé une série de dispositions déférées par les députés. C'est le cas de l'article 1er de la loi qui modifie certaines dispositions du code de l'énergie relatives à la contribution de l'énergie nucléaire dans la production électrique française et prévoit des modalités de révision simplifiée de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Les Sages ont également validé l'article 7 de la loi qui détermine le champ d'application des mesures spécifiques visant à accélérer les procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs. Les auteurs de la saisine reprochaient qu'elles s'appliquent aux réacteurs pour lesquels une demande d'autorisation de création (DAC) aura été déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la loi et qu'elles ne déterminent pas le nombre maximal de réacteurs susceptibles d'être autorisés. Le législateur aurait ainsi retenu une durée d'application « manifestement inadéquate » au regard de l'objectif d'accélération de la transition énergétique et n'aurait pas préservé la faculté pour les générations futures de modifier les conditions de production de l'électricité décarbonée.

“ En actant la suppression des objectifs de réduction du nucléaire et le seuil de capacité maximum, le Conseil constitutionnel a validé des dispositions programmatiques d'une loi censée n'être qu'une loi de procédure. ” Greenpeace
« En adoptant des mesures propres à accélérer la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d'augmenter les capacités de production d'énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, rétorque le Conseil. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. » Le juge constitutionnel rappelle, à cet égard, qu'il ne lui appartient pas de rechercher « si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies » dès lors que « les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l'état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs ».

En outre, ces dispositions « n'ont ni pour objet ni pour effet » de dispenser les projets de réalisation de réacteurs nucléaires du respect des dispositions du code de l'environnement instituant le régime légal applicable aux installations nucléaires de base (INB), relèvent les Sages.

Conformité des règles d'urbanisme

Le Conseil constitutionnel valide également les dispositions portant sur les règles d'urbanisme. C'est le cas de l'article 8 qui autorise l'autorité administrative compétente de l'État à engager la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme locaux pour permettre la construction des réacteurs.

C'est le cas également des dispositions de l'article 9 qui prévoient que la conformité de la réalisation d'un réacteur aux règles d'urbanisme est vérifiée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale ou de celle d'autorisation de création du réacteur. Ces dispositions dispensent de toute formalité au titre du code de l'urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation. Les gardiens de la Constitution considèrent que les exigences de la Charte de l'environnement ne sont donc pas méconnues. De même, ils estiment que les dispositions contestées n'ont « ni pour objet ni pour effet » de priver les justiciables de la possibilité de contester devant le juge administratif les autorisations délivrées dans ce cadre.

Le Conseil constitutionnel valide également l'article 12, qui prévoit que la réalisation d'un réacteur satisfaisant à certaines conditions est constitutive d'une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Ce qui facilite la délivrance des dérogations aux interdictions de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats. Les Sages relèvent que cette présomption ne dispense pas les projets du respect des autres conditions nécessaires pour la délivrance d'une telle dérogation, à savoir l'absence d'autre solution satisfaisante et le fait que la dérogation ne nuise pas au « maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Le même sort est réservé à la disposition de l'article 13 qui soustrait la réalisation d'un réacteur nucléaire aux dispositions relatives à l'aménagement et à la protection du littoral prévues par le code de l'urbanisme. Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux projets situés à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une centrale existante, justifie le Conseil.

Ce dernier déclare également conforme à la Constitution l'article 14, qui détermine les conditions dans lesquelles est délivrée une concession d'utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d'un réacteur. Cet article prévoit que la concession ne donne pas lieu à une déclaration d'utilité publique (DUP), mais est délivrée à l'issue d'une enquête publique et est approuvée par décret en Conseil d'État. Le Conseil valide enfin l'article 15 qui autorise le recours à une procédure spéciale d'expropriation avec prise de possession immédiate des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation d'un réacteur.

Dix articles censurés

Les Sages ont en revanche censuré partiellement ou totalement, à la demande des auteurs de la saisine ou de leur propre initiative, dix articles de la loi considérés comme des cavaliers législatifs, c'est-à-dire ne présentant pas de lien avec le texte déposé. Les dispositions déclarées non conformes sont les suivantes :

  • une modification du code de l'énergie qui visait à prendre en compte l'hydrogène bas carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) (art. 3) ;
  • une disposition qui prévoyait que, pour le nucléaire, l'objectif de décarbonation contenu dans la loi fixant les priorités d'action de la politique énergétique nationale portait sur la construction de réacteurs électronucléaires et de petits réacteurs modulaires (art. 4). Cette censure ne remet pas en cause les dispositions de la loi qui mettent fin au plafond du nucléaire dans le mix énergétique ;
  • une disposition qui prévoyait un régime dérogatoire, à fixer par une nouvelle loi, en vue de soustraire les grands projets d'envergure nationale de la prise en compte de l'artificialisation dans les documents de planification et d'urbanisme au niveau national. En revanche, la disposition soustrayant la consommation d'espace liée à la construction des réacteurs nucléaires du décompte des objectifs locaux et régionaux n'est pas impactée par la décision (art. 9) ;
  • l'article qui prévoyait la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental relatif aux besoins humains et financiers de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Ces dispositions subsistaient dans la loi après la tentative contrariée de réforme de la gouvernance de la sureté nucléaire par l'exécutif (art. 19) ;
  • l'article qui autorisait l'ASN à employer certains fonctionnaires et à recruter certains agents de droit public et de droit privé (art. 24) ;
  • l'article qui modifiait les règles de parité applicables à la composition du collège de l'ASN (art. 25) ;
  • l'article qui aggravait les peines réprimant les intrusions dans les centrales nucléaires. Ces dispositions visaient les actions que mène Greenpeace pour dénoncer les problèmes de sûreté rencontrés par certains sites nucléaires (art. 26) ;
  • l'article qui prévoyait que le rapport annuel établi par l'ASN comporte un compte rendu de l'activité de sa commission des sanctions (art. 27) ;
  • et l'article qui imposait la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental sur les recettes fiscales liées aux réacteurs nucléaires perçues par les collectivités territoriales (art. 29).

Le Conseil constitutionnel a également invalidé un article comme étant contraire au principe de séparation des pouvoirs. Cet article (17) subordonnait le dépôt du projet de loi sur les priorités d'action de la politique énergétique nationale à l'établissement par le Gouvernement d'une carte et d'une liste de sites potentiels d'installations de petits réacteurs modulaires.

Les QPC restent ouvertes

« En actant la suppression des objectifs de réduction du nucléaire et le seuil de capacité maximum, le Conseil constitutionnel a validé des dispositions programmatiques d'une loi censée n'être qu'une loi de procédure », estime Greenpeace. Et d'ajouter : « Le Conseil constitutionnel adopte une position politique – et non juridique : il écrit ne pas avoir à s'immiscer dans les choix du Gouvernement sur les meilleures voies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en envoyant à l'État un signal politique favorable au développement du nucléaire. »

Mais la bataille des antinucléaires n'est pas pour autant terminée devant les tribunaux. En dehors des dispositions déférées par les auteurs de la saisine et de celles pour lesquelles les griefs ont été soulevés d'office par le Conseil constitutionnel, il reste que la constitutionnalité des autres dispositions n'a pas été examinée. « Cela laisse subodorer qu'il y aurait bien des choses à dire et que les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont ouvertes sur toutes ces dispositions laissées de côté », réagit l'avocate et ancienne ministre de l'Environnement Corinne Lepage.

1. Télécharger le texte de loi issu de la commission mixte paritaire
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42040-loi-acceleration-nucleaire-cmp.pdf

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