31 projets et 17 thèses lancés pour un budget total de 90 millions d'euros. Le programme conjoint européen One Health, qui vient de s'achever, après six années de travail, aura été dense. C'est que les trois thématiques pour lesquels il a été constitué le sont tout autant : la prévention de maladies d'origine animale, la résistance aux antibiotiques et les menaces infectieuses émergentes pour la santé humaine et animale.
Dans ce vaste champ, le programme de recherche a focalisé son attention sur la sécurité sanitaire des aliments. « Nous souhaitions créer un portfolio de projets de recherche qui répondent au triptyque "prévenir, détecter et répondre" pour réagir le plus rapidement possible à une nouvelle infection », précise Hein Imberechts, coordinateur scientifique du projet EJP One Health à l'échelle européenne. Car pour les trois sujets explorés, les préoccupations se multiplient dans un contexte de contamination accrue de l'environnement, de perte de biodiversité et de changements globaux.
Des risques en progression
De la même manière, le phénomène de résistance aux antibiotiques, second thème du programme, pourrait s'aggraver sans évolution de notre système de production et de consommation des médicaments en médecine humaine comme vétérinaire. Ce enjeu a été reconnu par l'Organisation mondiale de la santé comme « une des menaces sanitaires les plus urgentes de notre époque ».
Autre type de recherche : le projet européen Care. Ce dernier s'est attaqué à un manque sur le plan européen : les collections de micro-organismes resteraient cloisonnées par secteur d'origine et type de micro-organismes. Le projet a entrepris de les référencer selon des règles communes pour faciliter une utilisation plus large au sein de la communauté scientifique. Cette mutualisation renforcera les capacités d'analyse des laboratoires.
Enfin, pour la troisième concernant les menaces émergentes, les projets ont été intégrés en fonction des préoccupations, notamment en réponse à la pandémie de Covid-19. Pour mémoire, les experts estiment que 75 % des maladies émergentes sont d'origine animale.
Disposer de méthodologies communes…
Dans sa manière d'aborder ces trois sujets, le programme conjoint européen One Health présente une particularité : il a souhaité faire dialoguer les scientifiques de la santé publique et ceux du monde vétérinaire. Il a également réalisé un premier pas pour inclure ceux de l'environnement. « Nous nous sommes appuyés sur la science pour apprendre à travailler ensemble, détaille Arnaud Callegari, coordinateur du projet EJP One Health à l'Anses. Nous avons mis au point des méthodologies communes entre la santé humaine et animale, une culture commune qui nous permette d'avoir les mêmes approches et pouvoir partager les données. »
Dans le dialogue entre santé publique et animale, le programme One Health ne part toutefois pas de rien : les rapprochements ont en effet débuté en 2004, avec le projet Med Vet Net consacré à la prévention des zoonoses. « Lorsque Med Vet Net s'est terminé en 2009, il a donné lieu à la création d'une association, pour garder ce consortium d'instituts qui avaient appris à travailler ensemble durant ces cinq années, explique Arnaud Callegari. Et pour développer encore plus cette collaboration intersectorielle, inclure plus d'États membres et d'instituts, après des discussions avec la Commission européenne, nous avons lancé l'EJP One Health. »
… y compris pour l'environnement
Au départ, l'environnement ne faisait pas partie des discussions. Il a progressivement été intégré pour donner suite aux préoccupations des membres et ouvrir les appels à projets à ce champ. « L'environnement est une matrice essentielle : cette prise de conscience s'est faite petit à petit avec l'évolution de la définition du concept One health. Un foyer de parasites, bactéries ou virus peut y être présents et être assimilés par un animal, qui peut ensuite le transmettre à l'homme, explique Arnaud Callegari. En 2020, nous avons élargi notre comité des parties prenantes et intégré l'Agence européenne pour l'environnement (EEA). La direction générale de la Santé de la Commission européenne a récemment créé une direction One health avec laquelle nous sommes en contacts étroits. »
Les parties prenantes de l'EJP One Health envisagent dans une troisième phase d'associer plus fortement les communautés de recherche dans l'environnement. « Le volet environnement est déjà présent au sein de notre consortium, mais la communauté de recherche est moins structurée que la communauté en sécurité sanitaire par exemple, car les questions environnementales ont un périmètre plus large », indique Arnaud Callegari.
Ainsi, la deuxième action conjointe européenne sur la résistance aux antimicrobiens qui sera lancée en 2024 se penchera notamment sur la faisabilité d'une surveillance standardisée de l'antibiorésistance dans l'environnement à l'échelle de l'Union européenne.