Prendre exemple sur l'Allemagne et proposer un abonnement illimité aux usagers des trains, hors TGV : c'est la proposition faite, lundi 4 septembre, par le président de la République au micro du youtubeur HugoDécrypte. « J'ai demandé au ministre des Transports de lancer, avec toutes les Régions qui sont prêtes à le faire, le même dispositif », a indiqué Emmanuel Macron. L'intéressé, Clément Beaune espère une mise en œuvre de l'offre, l'été prochain, englobant « si possible », les transports urbains et interurbains par bus et cars, comme c'est le cas outre-Rhin.
L'idée semble excellente, au moment où Greenpeace dénonce une différence « abyssale » entre les tarifs du train et de l'avion ; le premier s'avérant deux fois plus cher en Europe que le second. « Si 83 % des Français reconnaissent l'avantage écologique du train par rapport à d'autres modes de transport, le prix reste selon eux le premier obstacle à une plus forte utilisation du train », soulignait par ailleurs le Réseau Action Climat (RAC), dans une étude publiée quelques mois plus tôt. L'ONG proposait déjà la mise en circulation d'un abonnement régional mensuel ouvrant accès à l'ensemble de l'offre de transports en commun et de train du quotidien disponible sur le territoire.
Un plus pour le report modal
La plupart des acteurs de la mobilité ou du climat adhèrent au concept. À commencer par l'association Agir pour l'environnement qui lance même une pétition (1) pour soutenir la mesure. « Tout ce qui permet le report modal vers les transports collectifs est très important, en particulier vers le train peu polluant », résume Christiane Dupart, vice-présidente de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Au-delà du prix, cette dernière se montre en outre très favorable à la simplification et à l'harmonisation de l'offre. « Il est très difficile aujourd'hui de traverser la France en TER. Les tarifs sont différents d'une région à l'autre, les abonnements et les réductions ne correspondent pas... Il faut être un professionnel pour se retrouver dans cette jungle », regrette-t-elle.
Qui va payer ?
Afin de compenser le manque à gagner, ces collectivités attendent donc un engagement financier ferme et précis de la part de l'État, sur plusieurs années. Emmanuel Macron et Clément Beaune en conviennent, bien qu'aucun des deux n'ait encore apporté de détails sur ce sujet. Pour Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, l'effort devrait atteindre plusieurs milliards d‘euros. En Allemagne, il sera de 2,5 milliards. Clément Beaune prévoit d'ouvrir des discussions, dès ce mois de septembre, avec les présidents de Régions et de métropoles ainsi qu'avec les maires des grandes villes. Celles-ci ne s'annoncent pas particulièrement aisées à en croire les réactions contrastées des uns et des autres, très peu enclins à flécher de nouveaux budgets vers ce projet.
D'autant plus qu'un autre écueil se profile : le risque qu'un afflux de voyageurs ne contribue à dégrader un service déjà mal en point, entraînant des pannes, des retards, voire des suppressions de trains. « Il faut que l'offre soit au rendez-vous, que le matériel et les voies soient en bon état, prévient Christiane Dupart. Or, on est loin du compte. Un gros retard a été pris dans ce domaine. » L'Allemagne en a déjà fait l'expérience. « Avant de lancer des produits d'appels comme celui-là, la priorité serait d'améliorer l'offre encore insuffisante aujourd'hui et de mieux répondre aux besoins. À savoir prévoir plus de transports, plus de fréquence, des horaires plus étendus, sur des territoires plus larges », estime-t-on à l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP).
Des infrastructures à moderniser
En France, selon le rapport du réseau des régulateurs ferroviaires IRG-Rail, publié en avril dernier, les trains sont déjà bien plus remplis qu'ailleurs en Europe, mais leurs fréquences sont moins importantes.
Pour améliorer et moderniser les infrastructures, les besoin en financements s'avèrent très conséquents. En décembre dernier, le conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait conclu qu'un effort sans précédent était nécessaire pour le ferroviaire, sur la période 2023 à 2027, pour passer progressivement de 2,85 milliards à 3,85 milliards d'euros par an. Les engagements de l'exécutif, à confirmer par le projet de loi de finances 2024, se montaient à 1,5 milliard pour 2024. « De plus, les annonces portaient essentiellement sur le ferroviaire et en Île-de-France. Qu'en est-il du transport urbain dans les autres territoires ? Nous appelons à plus de financements publics pour élargir l'offre », indique l'UTP, qui réclame une enveloppe supplémentaire de 300 millions d'euros.