Début mars, la France a adressé à la Commission européenne une demande officielle de report à 2015 du respect des valeurs limites de dioxyde d'azote (NO2). Cette demande concerne les 24 zones et agglomérations où sont enregistrés des dépassements des valeurs limites en vigueur depuis 2010 en application de la directive de 2008 relative à la qualité de l'air. La valeur limite annuelle n'est pas respectée dans une vingtaine de zones tandis que la valeur limite horaire est dépassée dans 3 agglomérations.
Cette demande intervient alors que la France est déjà poursuivie pour le non respect des valeurs limites en matière de particules fines (PM10) inscrites à cette même directive. Des poursuites similaires se profilent concernant le dioxyde d'azote.
Une démarche mal engagée ?
A ce stade, la demande française souligne "la difficulté rencontrée quant à l'évaluation de l'efficacité technique des mesures [de réduction de la pollution]", ajoutant que "les formulaires joints [à la demande] n'ont pu indiquer à ce jour comment les valeurs limites seront respectées dans le délai demandé". En cause : l'Etat ne disposerait pas de toutes les données, notamment s'agissant de l'impact de certaines mesures locales, la difficulté à trouver des bureaux d'étude compétant dans l'évaluation des mesures de réduction et la mise à jour inachevée des plans de protection de l'atmosphère (PPA) qui constituent une pièce maîtresse du dispositif français de lutte contre la pollution atmosphérique.
Le 24 avril, la Commission européenne a envoyée une première réponse à la France indiquant que la notification était incomplète du fait de l'absence d'éléments permettant une évaluation des causes de ces dépassements. Il est donc demandé à la France de présenter pour les 24 zones "une estimation de la répartition [des émissions par secteur]", "les niveaux de référence prévus pour 2010 ainsi que les mesures prises avant 2010 et leurs effets attendus" et "l'impact réel des mesures (…) [ainsi que] les raisons pour lesquelles certains impacts attendus auraient été surestimés" lors de l'élaboration des stratégies de lutte.
"Ces informations doivent être communiquées (…) dans un délai de trois semaines à compter de la date de la présente lettre", indique la lettre envoyée par la Direction générale environnement de la Commission, ajoutant que "si ces informations ne sont pas communiquées dans le délai imparti, la Commission se réserve le droit de faire valoir des objections à l'encontre des aspects de la notification qui ne sont pas suffisamment fondés et ce (…) dans les neuf mois suivant l'enregistrement officiel de la notification initiale".
Déplacer les stations ?
Par ailleurs, la demande de report s'accompagne d'une suggestion qui, selon les autorités françaises permettrait de réduire les dépassements des valeurs limites : déplacer les stations de mesure afin de les éloigner du trafic routier.
"Une réflexion est en cours sur la pertinence de l'implantation du réseau de mesure de la qualité de l'air", rapporte la demande, expliquant qu'il "transparaît clairement [d'une synthèse des emplacements des sites de mesure] que la majorité des capteurs est implantée très près de la chaussée, en conformité avec les orientations réglementaires, mais très fréquemment à la limite inférieure de celles-ci". Ainsi, pour les autorités françaises "il ne fait guère de doute, eu égard à la chimie des composés regardés, qu'une implantation plus médiane conduirait à une baisse significative du nombre de dépassements".
C'est pourquoi la France demande à la Commission de formuler "des préconisations harmonisées en vue d'une implantation des stations représentative de l'ensemble de la réalité européenne".
"De très nombreux dépassements ne trouvent de réelle explication que dans la proximité du trafic routier", constate la France, ajoutant que "sur ce point, l'impact d'une moindre efficacité qu'escomptée des normes Euro pour les véhicules est majeur".
En d'autre terme, l'échec français se justifierait par la mise en œuvre de normes européennes trop laxistes.
La demande française présente par ailleurs les mesures prises pour réduire les concentrations atmosphériques de dioxyde d'azote et un document de 28 pages liste les mesures nationales. Quatorze pages sont consacrées aux mesures visant le secteur des transports, 9 pages sont dédiées aux mesures applicables à l'habitat et au tertiaire et 5 pages listent les mesures concernant l'industrie. La priorité donnée aux transports s'explique par le fait que les émissions de NO2 de ce secteur "[dominent] les émissions d'oxyde d'azote en France depuis au moins trente ans" et en la matière, le schéma national d'infrastructures de transport (Snit) est mis en avant. Il ne s'agit pourtant que d'un document d'orientations, et non d'un projet de programmation. De plus, son efficacité environnementale a été remise en cause par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et son financement n'est pas assuré.
La principale mesure locale est l'actualisation des PPA dont la mise en place est obligatoire lorsque des dépassements sont constatés. "Tous ces PPA sont en cours de révision et de nouveaux plans sont élaborés là où cela est nécessaire", rappelle la lettre envoyée à la Commission citant le PPA de la Vallée de l'Arve (Haute-Savoie) qui est le plus avancé des 36 qui "devraient être finalisés sous quelques mois". En novembre dernier, Martial Saddier, député UMP de Haute-Savoie et président du Conseil national de l'air (CNA), indiquait déjà que le gouvernement comptait accélérer le déploiement des PPA afin de satisfaire aux obligations européennes en matière de qualité de l'air. Il faut "faire la preuve que nous avons pris le dossier au sérieux", justifiait-il alors.