Dans les bâtiments, les deux tiers de la consommation finale d'énergie concernent la chaleur. Or, en 2017, la grande majorité de cette chaleur est encore produite à partir de sources non renouvelables, rappelle l'Ademe. Elle publie donc des recommandations (1) pour développer les réseaux de chaleur alimentés à partir d'énergies renouvelables et de récupération (ENR&R). Ces réseaux permettent de mobiliser massivement des sources de chaleur locales, de manière efficace et rentable, si certains principes sont respectés, souligne l'Ademe.
Les ENR&R pourraient couvrir 69% des besoins en 2050
Selon l'Ademe, les EnR&R sont en capacité de couvrir plus des deux tiers des besoins de la France en 2050, que ce soit pour la production de chaleur, d'électricité ou de gaz/carburants. Représentant 15% de la consommation énergétique aujourd'hui, elles pourraient atteindre 40% en 2035 et 69% en 2050, si leur développement est associé à une politique de maîtrise de l'énergie. "La diversité du portefeuille des technologies de conversion et des sources d'EnR&R est un atout pour bâtir un mix énergétique national très renouvelable, qui soit résilient, compétitif et durable", souligne l'Ademe.
Stabiliser le prix de vente de la chaleur
"Les réseaux de chaleur EnR&R constituent le seul moyen de mobiliser massivement des sources de chaleur renouvelable et de récupération", souligne l'Ademe. Solaire thermique, géothermie profonde ou intermédiaire, biomasse de grande puissance, chaleur de récupération issue d'usines d'incinération des ordures ménagères (UIOM), chaleur fatale issue de l'industrie, mais aussi récupération de chaleur sur eau de mer/eau de lac/rivière et eaux usées… Chaque territoire condense un potentiel significatif de chaleur renouvelable et/ou de récupération. Et, souligne l'Ademe, "sur le plan énergétique, la production centralisée de chaleur peut être particulièrement pertinente à l'échelle de plusieurs bâtiments, car elle permet de réduire fortement la puissance totale installée grâce à la mutualisation des besoins et à la mixitédes usages".
D'un point de vue économique, ces réseaux de chaleur s'avèrent compétitifs, sur le long terme. Cette vision à long terme est nécessaire car aujourd'hui, le prix bas des énergies fossiles remet en question leur rentabilité et compromet certains projets. "La stabilité des prix de vente de la chaleur livrée est d'autant plus importante que la part des énergies renouvelables sur le réseau est élevée et que le mix énergétique est varié (cas des grands réseaux de chaleur urbains)", note l'Ademe.
De nombreux exemples viennent illustrer ces propos. La commune de Chateaubriant-Derval (Loire Atlantique) inaugure le 15 décembre une centrale solaire thermique de 2 MW qui alimentera son réseau de chaleur. "Ce système, couplé à une cogénération au gaz naturel, permet une baisse du prix de vente de la chaleur aux abonnés", indique la commune dans un communiqué. A Auxerre (Yonne), le réseau est alimenté à 80% par des énergies renouvelables (chaufferie biomasse). "Entre 2011 et 2016, le coût de la chaleur a diminué de près de 40% et depuis 2015, le réseau connait un développement conséquent puisque les ventes thermiques sont passées de 10.000 à 21.000 MWh", se félicite l'exploitant, Coriance. Le réseau de chaleur de Troyes (Aube) est quant à lui alimenté par une chaufferie bois/paille produits localement (65% de la chaleur distribuée). Les projets récupérant les calories de l'eau de mer se développent également fortement, notamment sur le littoral méditerranéen.
Intégrer les projets à la planification territoriale
"Afin de favoriser l'émergence de nouveaux réseaux de chaleur EnR&R pertinents, l'Ademe recommande aux collectivités d'intégrer une réflexion le plus en amont possible, dans le cadre de la planification énergétique territoriale". L'horizon est long : 15 à 30 ans. Cela passe par l'étude de l'impact d'une densification de certains quartiers, des réflexions pour favoriser la mixité d'usage des bâtiments au sein des quartiers. Pour réduire les coûts, le développement d'un réseau de chaleur doit être optimisé, en le mutualisant par exemple avec les travaux de voirie. La planification doit également permettre de définir des zones de raccordement prioritaire, mais aussi "mettre à disposition des aménageurs et promoteurs des cahiers des charges « types » intégrant la solution réseau de chaleur EnR&R". Aujourd'hui, certains bailleurs renoncent à se raccorder à un réseau de chaleur, regrette Amorce. Certaines collectivités font d'ailleurs le choix d'une procédure de classement, qui rend obligatoire le raccordement des nouveaux bâtiments sur la zone, à condition qu'au moins 50% d'ENR alimentent le réseau et que celui-ci soit compétitif.
Pour accroître la compétitivité du réseau, l'Ademe préconise de choisir, lorsque c'est possible, "un bas niveau de température de départ d'eau de l'ordre de 55/60°C : ceci permet de diviser quasiment par deux les pertes par rapport à un régime à haute température. Un régime de température bas permet également de maximiser les intégrations des sources possibles basse température (solaire, géothermie, récupération …)".
Dans les quartiers où les besoins en chaleur sont plus faibles (écoquartiers, ou réhabilitation thermique importante), il est nécessaire de rechercher une densité énergétique et une mixité des usages (résidentiel, tertiaire), estime l'Ademe. "En cas de très faible densité il convient de prévoir une isolation adéquate des collecteurs principaux: on diminuera ainsi fortement les pertes".