Après la suspension, en 2010, du bisphénol A (BPA) dans les biberons, la loi du 24 décembre 2012 a suspendu la mise sur le marché de tout conditionnement contenant du BPA et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge. Le texte prévoit un élargissement de la suspension à tous les autres conditionnements alimentaires en 2015. Auparavant, le gouvernement devait mener une évaluation des substituts au BPA pour l'ensemble de ses usages.
"Les professionnels se sont investis dans la substitution", souligne le rapport, remis par le gouvernement au Parlement le 14 novembre, avec près d'un an de retard. Pour de nombreux usages alimentaires, des alternatives sont bel et bien disponibles et pourraient être déployées dès le 1er janvier 2015. Pour d'autres usages, des recherches sont encore nécessaires.
Les substituts chimiques (BPS, BPF, BPAP) n'ont pas encore fait la preuve de leur innocuité. D'autres alternatives non chimiques, comme un autre procédé d'impression (jet d'encre, laser ou transfert thermique) ou la dématérialisation des tickets (reçus électroniques, paiement par mobile) sont donc étudiées.
Polycarbonate : pas de difficulté majeure
Le polycarbonate de bisphénol A est utilisé dans les plastiques pour ses propriétés mécaniques et thermiques pour de nombreux usages. "La production de matières plastiques en polycarbonate représente les deux tiers des tonnages du BPA", souligne le rapport. C'est, avec les résines époxydes, l'une des applications du BPA qui contribuent le plus à l'exposition au bisphénol A. Sa substitution est donc primordiale et pourrait être possible dans les contenants alimentaires dès 2015 "sans difficulté majeure". La suspension du BPA dans les biberons a en effet conduit les industriels à rechercher des alternatives dès 2010.
Il n'existe pas de substitut universel, note le rapport. Par exemple, pour les biberons et la vaisselle pour enfant, d'autres matières plastiques (polyphénylsulfone, polyéthersulfone, polypropylène, copolyester Tritan®) peuvent être utilisées, ou carrément d'autres matériaux (silicone, verre, céramique). Idem pour les contenants alimentaires, qui peuvent être remplacés par du verre.
Les substituts les plus mis en œuvre, hors biberons, sont le Copolyester (Tritan®) et le polyéthylène téréphtalate (PET). Leur application industrielle est "jugée satisfaisante même si des différences de propriétés par rapport au polycarbonate sont identifiées par les industriels ", indique le rapport, qui précise que selon les fabricants de matières plastiques, "les utilisateurs pourraient ne pas trouver les mêmes niveaux de performance".
Des incertitudes quant à la toxicité des substituts ?
En 2013, l'Anses alertait sur le manque de données toxicologiques sur les substituts au BPA et mettait en garde les autorités quant à la mise en œuvre précipitée d'alternatives.
Le rapport revient sur la toxicité des monomères ou additifs présents dans les substituts. Ainsi, certains composés du PET (éthylène glycol et acide téréphtalique) présenteraient, d'après une minorité d'industriels, "des propriétés toxicologiques préoccupantes pour la fertilité". L'agence américaine des produits alimentaires (US FDA) a cependant évalué positivement son usage en tant que films ou articles destinés à être en contact avec des produits alimentaires aqueux, acides, faiblement alcoolisés et gras. Le copolyester pourrait quant à lui être un irritant pour les yeux.
Pour les constituants de ces deux alternatives, la réglementation européenne prévoit des restrictions qui permettent "de gérer le risque pour la santé humaine (limites de migration spécifiques, teneurs résiduelles, méthodes de vérification de la conformité…)", souligne le rapport.
En revanche, pas de risque pour une substitution par le verre, les céramiques ou le silicone.
Résines époxydes : des alternatives pour la quasi-totalité des produits
Les résines époxydes, utilisées comme vernis, permettent notamment aux boîtes de conserve de résister plusieurs années et de garantir la sécurité microbiologique des aliments. "Le travail de substitution a principalement concerné les applications suivantes : capsules de bocaux, canettes et boîtes métalliques, vernis intérieurs des couvercles des bouteilles en verre, bocaux, pots, petits pots pour bébé, accessoires d'ouverture des boîtes métalliques de préparations infantiles, etc", indique le rapport.
Comme pour le polycarbonate, il n'existe pas de substitut universel. Résultat : il a fallu déployer d'importants efforts de recherche pour trouver les bonnes alternatives en fonction du type de denrée alimentaire, mais aussi des formats d'emballages.
Au final, trois familles de vernis sont mises en œuvre pour remplacer le BPA : les vernis polyesters, les vernis acryliques et les vernis vinyliques. "Les industriels annoncent qu'en l'état actuel des essais effectués, les résultats sont satisfaisants pour la grande majorité des substituts utilisés et ils estiment globalement pouvoir être prêts pour la seconde échéance de la loi au 1er janvier 2015 pour la quasi-totalité de leurs produits [90%], même si la profession des conserveurs pourrait rencontrer des problèmes de qualité pour une partie de sa production".
Il a fallu cependant réduire en moyenne d'un an les durées d'utilisation des denrées conservées. Les fabricants ont également mis en avant des risques de perte de compétitivité (augmentation des coûts) et de délocalisation vers les pays n'interdisant pas les résines époxydes. Des difficultés de substitution persistent pour 10% des produits, qui concernent les "aliments les plus agressifs" (denrées acides) ou les produits saisonniers disponibles une fois par an.
Selon le rapport, les substituts ne contiennent pas d'autres composés de la famille des bisphénols et ne présenteraient pas de risque pour la santé humaine.
Quant aux "matériaux alternatifs tels que le verre, les briques cartonnées (matériaux multi couches), les sachets souples, [ils] impliquent souvent d'autres modes de conditionnement que celui de l'emballage métallique (différences notables dans les durées de conservation, caractère recyclable…), [et] ne peuvent pas se substituer au mode de conditionnement de l'emballage métallique, notamment de la conserve".