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Le terminal méthanier du Havre échappe à la réglementation Seveso

MAJ le 16/09/2023

L'unité flottante de stockage et de regazéification décidée après le déclenchement de la guerre en Ukraine devait entrer en service avant ce vendredi 15 septembre. Une installation qui échappe à la réglementation Seveso malgré son implantation critique.

Risques  |    |  L. Radisson
Le terminal méthanier du Havre échappe à la réglementation Seveso
Actu-Environnement le Mensuel N°440
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°440
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C'est pour pallier la baisse des importations de gaz russe résultant de la guerre en Ukraine que le Gouvernement a décidé, en 2022, d'installer un terminal méthanier flottant au Havre. Celui-ci devait être mis en service avant le 15 septembre 2023 pour une durée de cinq ans, selon l'arrêté ministériel qui l'encadre. L'association Robin des Bois alerte sur les risques technologiques liés à cette unité flottante de stockage et de regazéification, ou navire FSRU, attendue ce vendredi dans le port du Havre (Seine-Maritime). Ce navire de 283 mètres de long, le Cape Ann, sera alimenté par des méthaniers transportant le gaz sous forme liquéfiée (GNL) à une température de - 160 °C en provenance des États-Unis, du Qatar, d'Afrique et de Russie, selon l'association.

« Les quatre terminaux méthaniers terrestres implantés en France (Loon-Plage, Montoir-de-Bretagne, et deux à Fos-sur-Mer) sont assujettis à la directive Seveso seuil haut. Leurs plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prévoient des dommages en cas d'accidents majeurs dans un rayon de plusieurs kilomètres. Au motif que le terminal gazier du Havre exploité par TotalEnergies est une installation flottante, il échappe à la directive Seveso tout en étant au cœur d'une zone comprenant 21 usines Seveso », s'indigne Robin des bois.

Règles procédurales dérogatoires

Qu'en est-il exactement ? Les risques liés à cette installation sont-ils pris en compte à la hauteur du danger qu'elle représente ? Certains éléments peuvent effectivement faire naître le doute. L'installation de ce terminal a tout d'abord bénéficié de règles procédurales dérogatoires, fixées par la loi du 16 août 2022 sur le pouvoir d'achat, en matière notamment d'évaluation environnementale, de consultation du public et de simplification du dossier d'autorisation de raccordement.

Lors de la discussion de ce texte en juillet 2022, la rapporteure et le Gouvernement avaient émis un avis défavorable sur un amendement Nupes qui prévoyait de soumettre le terminal à la réglementation des installations classées (ICPE). « Cet amendement vise à soumettre le terminal méthanier flottant aux dispositions prévues pour les ICPE et à le classer comme site Seveso, ce qui est courant pour un entrepôt de combustibles fermé. Cela permettrait d'imposer des obligations en termes d'information du public, de formation des personnels, d'inspection administrative et de plan de protection et de prévention de sinistre. C'est le minimum du minimum ! » avait vainement plaidé la députée Aurélie Trouvé (LFI).

“ En cas d'accident, il y aura un impact non négligeable sur les activités à proximité et sur les populations. ” Alban Brunau, maire de Gonfreville-Lorcher
L'installation avait également bénéficié de règles contentieuses sur mesure, empêchant toute procédure d'appel. C'est dans ce cadre que les requêtes de trois associations (1) , dirigées contre l'arrêté ministériel qui encadre sa mise en service et l'arrêté préfectoral (2) qui a autorisé GRTgaz à construire et exploiter la canalisation de transport de gaz destiné à raccorder le terminal, ont été rejetées le 13 juillet dernier par le tribunal administratif de Rouen. Dans leur requête contre le premier de ces arrêtés, les associations avaient soulevé l'illégalité du texte en raison de l'absence d'étude de dangers annexée. « Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait qu'une étude de dangers soit annexée à l'arrêté du 13 mars 2023 en litige. Au demeurant, les requérants n'établissent ni même n'allèguent avoir sollicité la communication d'une telle étude », a rétorqué le juge administratif pour écarter ce moyen. Le 28 août dernier, le juge des référés a rejeté un nouvelle requête déposée par des élus et associations écologistes.

Mesures « de type ICPE »

La voie est donc libre, sur le plan judiciaire, pour l'exploitation de ce terminal qui ne bénéficie pas de l'ensemble des garanties que peuvent avoir des installations à terre via la réglementation des installations classées. L'installation n'a pas fait l'objet d'évaluation environnementale. Il n'a d'ailleurs même pas été nécessaire d'utiliser la loi du 16 août 2022 pour y échapper puisque une disposition de dispense a été prise par le préfet dans le cadre de la procédure du « cas par cas ». Il n'a pas été organisé non plus d'enquête publique, malgré les garanties qu'aurait présentée la procédure menée par un commissaire enquêteur, mais une simple participation du public par voie électronique, couplée à une réunion publique et une réunion de la commission de suivi de site (CSS).

En revanche, lors de la discussion du projet de loi, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, s'était finalement engagée à faire procéder à une étude de dangers sur l'insistance de certains députés. « Nous veillerons à insérer des mesures de type ICPE dans les arrêtés de prescription, pour répondre aux préoccupations sur la prise en charge des enjeux de sécurité liés au terminal méthanier », avait répondu la ministre au député Jean-Paul Lecocq (GDR).

Une telle étude est en effet indispensable puisqu'elle constitue le fondement des mesures de prévention et de protection contre les risques d'incendie et d'explosion. Elle a finalement été réalisée et remise par le porteur de projet, TotalEnergies, en mai dernier, après instruction et demande de complément par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Celle-ci a en effet pointé la nécessité de réviser le plan particulier d'intervention (PPI) de la zone portuaire avant toute exploitation. Ce qui a été fait et finalisé dans l'urgence durant l'été. « Bien qu'ils ne fassent pas partie de l'évaluation requise par le cadre réglementaire applicable (…), les seuils d'effets irréversibles et d'effets indirects par bris de vitre ont néanmoins également été modélisés (...) dans la perspective d'intégration du terminal gazier dans le plan particulier d'intervention de la zone portuaire », indique ainsi la synthèse de l'étude de dangers.

Quinze événements redoutés de perte de confinement

L'analyse préliminaire des risques couvrant l'ensemble des opérations du terminal a permis d'identifier « quinze événements redoutés de perte de confinement qui, outre la création d'un nuage inflammable, sont susceptibles de produire les phénomènes dangereux suivants : jet enflammé, feu de nappe, feu de nuage, explosion de nuage, révèle la synthèse de l'étude de dangers. Ces phénomènes dangereux pourraient générer soit des effets thermiques (jet enflammé, feu de nappe ou de nuage), soit des effets de surpression (explosion) ».

L'exploitant a étudié 151 phénomènes dangereux découlant des quinze événements redoutés. Parmi ceux-ci, dix atteignent des personnes. Ils sont générés par des pertes de confinement extrêmes de GNL basse pression. « Les personnes exposées sont celles potentiellement présentes sur les voies de circulation avenue amiral du Chillou, route de l'estuaire et la piste cyclable Euro vélo », établit l'étude. L'exploitant a proposé des mesures de maîtrise des risques complémentaires, s'ajoutant aux moyens de prévention et de protection mis en place sur les installations : interdiction de la présence de bateaux non assistés de remorqueurs lors du déchargement du GNL depuis le méthanier ; restrictions sur certaines activités de levage à proximité des tuyauteries de GNL ; restrictions sur d'éventuels travaux d'excavation, etc.

« On constate à travers les cercles générés qu'en cas d'accident, il y aura un impact non négligeable sur les activités à proximité et sur les populations, notamment d'un quartier havrais », alerte Alban Brunau, maire de Gonfreville-Lorcher, commune qui accueille une partie des installations de raccordement. Mais il n'y a pas d'action prévue, à ma connaissance, pour pallier cette situation, qui n'est pas acceptable », ajoute celui qui est aussi le président de l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris). De son côté, la préfecture indique que les résultats de l'étude de dangers ont été pris en compte. « Sur la base de cette étude, des prescriptions ont été intégrées dans une annexe du règlement local pour le transport et la manutention des marchandises dangereuses dans le Port du Havre (dit « RLMD »). Cela concerne par exemple la limitation de certaines activités voisines ou la mise en œuvre de plans d'urgence communs », précisent les services de l'État. Les zones d'effets majorantes des phénomènes dangereux étudiés ont été intégrées au PPI, confirme en outre la préfecture.

« Cul de sac »

La situation géographique du site retenu pour l'amarrage du navire FSRU pose toutefois question. Le Cape Ann va être amarré sur un quai reculé à l'intérieur du port. Ce qui impose aux méthaniers qui vont l'alimenter « un parcours de 8 km à travers des bassins longeant un stockage de 4 millions de mètres cubes de pétrole et produits raffinés, le terminal croisière, des quartiers résidentiels et le franchissement de l'écluse François-Ier. En fait, le Cape Ann et les méthaniers qui viendront l'alimenter en gaz naturel liquéfié seront dans un cul de sac sans issue de secours », alerte Robin des bois.

La préfecture se veut rassurante et met en avant toute une série de garanties supplémentaires : pilotage et assistance des méthaniers par remorqueurs, contrôles quotidiens du navire par la capitainerie, partenariat avec le service départemental d'incendie et de secours (Sdis), etc. Mais les inquiétudes demeurent pourtant, en particulier pour le quartier des Neiges, quartier historique des dockers et autres ouvriers portuaires. Déjà exposés par les installations portuaires existantes, ses habitants voient une nouvelle source de risques se surajouter avec l'arrivée du Cape Ann.

1. France Nature Environnement Normandie, association Écologie pour le Havre, association Europe écologie - Les Verts Normandie2. Télécharger l'arrêté préfectoral
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42546-arrete-prefectoral-grtgaz.pdf

Réactions3 réactions à cet article

Cela confirme que nous sommes globalement (sauf quelques clairvoyants) près à tout sacrifier pour satisfaire notre addiction aux hydrocarbures. Les garde-fous patiemment mis en place pour une meilleur sécurité et protection sanitaire et environnementale sautent les uns après les autres. Le droit de l'environnement est consciencieusement détricoté à coup de décrets et cavaliers législatifs.

ThA | 18 septembre 2023 à 14h07 Signaler un contenu inapproprié

Pouyanné a eu la Légion d'Honneur, ne l'oublions pas, ce qu'il fait est donc fondamental pour la grandeur de la Nation, les petites zones d'ombre ne sont que vétilles n'est-ce pas...

dmg | 18 septembre 2023 à 19h18 Signaler un contenu inapproprié

Ne surtout pas demander QUI est à l'origine de cette exemption...suivez mon regard.

gaïa94 | 26 septembre 2023 à 18h40 Signaler un contenu inapproprié

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