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Zéro artificialisation nette : vers l'ouverture d'un chantier fiscal

L'accompagnement des collectivités dans leur politique de lutte contre l'artificialisation des sols soulève la question d'une révision de la fiscalité. Un chantier que le ministre de la Transition écologique se dit prêt à ouvrir.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Zéro artificialisation nette : vers l'ouverture d'un chantier fiscal
Actu-Environnement le Mensuel N°428
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°428
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« Il faut que ce qui est néfaste pour l'environnement, à la fin, coûte plus cher que ce qui est bon pour lui. On a sans doute une réflexion globale sur la fiscalité à conduire », a affirmé Christophe Béchu, devant les membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 13 septembre.

« Je vous donne un seul exemple : c'est super de faire un Fonds friches en se demandant comment des terres déjà artificialisées peuvent être reconstruites. Mais peut-être que la question de regarder comment on renchérit l'artificialisation pourrait aussi permettre de faciliter les équations », a suggéré Christophe Béchu, soucieux de ménager les finances publiques.

Pour le gouvernement, la réforme de la fiscalité apparaît, en effet, comme une piste intéressante pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) à 2050 inscrit dans la loi Climat et résilience. Une telle réforme pourrait être un moyen de mettre la pédale douce sur les aides directes mises en place à travers le Fonds de recyclage des friches, dont le ministre a d'ailleurs annoncé la fusion dans un Fonds vert doté de 1,5 milliard d'euros.

Vers la fin les subventions publiques à l'artificialisation

L'ouverture d'une discussion sur ces sujets est bien accueillie par le spécialiste de la fiscalité environnementale Guillaume Sainteny. « Cette déclaration va, à mon avis, dans le bon sens, réagit le maître de conférences à l'École polytechnique. Il existe plein de réformes possibles et pas très difficiles à faire en ce domaine, soit en différenciant les mêmes taxes selon les lieux, soit en supprimant ou réduisant plusieurs des nombreuses subventions publiques à l'artificialisation qui existent. » En novembre 2020, M. Sainteny avait dénoncé la suppression par le gouvernement du versement pour sous-densité, qui entrait en contradiction avec les modifications apportées simultanément à la taxe d'aménagement en vue de lutter contre l'artificialisation.

“ Il existe plein de réformes possibles et pas très difficiles à faire en ce domaine. ” Guillaume Sainteny, maître de conférences à l'École polytechnique
L'accueil est beaucoup plus réservé du côté des aménageurs. « S'il y a des augmentations de prix de production, dont la fiscalité, il faudra bien que le dernier qui paie, c'est-à-dire le consommateur, puisse le payer. Au moment où les taux d'intérêt augmentent, où les coûts de revient augmentent, je ne sais pas comment vont faire les acquéreurs, surtout si le prix du foncier grimpe aussi », réagit Michel Rieussec, président de l'Union nationale des aménageurs (Unam). « Que la question de l'artificialisation soit intégrée sous l'angle de la fiscalité, pourquoi pas, tempère-t-il. Mais il faudrait y intégrer aussi la maltraitance ou la destruction des sols, pas seulement urbains », ajoute-t-il, lançant une pierre dans le champ de l'agriculture intensive.

Requestionner le modèle de la fiscalité locale

Du côté des collectivités territoriales, l'ouverture d'une discussion sur la fiscalité locale est bien perçue, alors qu'elles subissent la suppression de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). « La valeur comparative des biens entre le foncier en extension et les opportunités en densification requestionne beaucoup la chaîne de valeur. Historiquement, la fiscalité locale est basée sur le stock de biens, que ce soit l'habitat ou le bâti économique, et la croissance de nos recettes était corrélée à la croissance de ce patrimoine. Même si le ZAN ne veut pas dire zéro nouvelle construction, puisque la densification est aussi une opportunité, cela questionne fortement le modèle », explique Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France.

« Il ne faut pas d'impôt ZAN, car ça ne contribuera pas à la sérénité de nos débats futurs », prévient toutefois Alain Chrétien, vice-président de l'Association des maires de France (AMF). « Pour nous, la taxe d'aménagement est sans doute le vecteur fiscal le plus efficace pour financer le Fonds friches qui serait remonté au niveau national », plaide le représentant de l'AMF, qui met par ailleurs en doute l'efficacité des dispositifs d'exonération fiscale.

Récupérer une partie du produit de la vente des quotas carbone

L'ouverture de ce chantier fiscal pourra également s'appuyer sur les travaux du Sénat. Celui-ci a recueilli les doléances des collectivités locales à travers une consultation sur l'objectif ZAN. Sa commission des finances a également publié un rapport d'information (1) sur les outils financiers permettant d'atteindre l'objectif ZAN. Selon son auteur, le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc, cet objectif « n'a pas encore trouvé son modèle économique ».

« La pression foncière joue en défaveur des terres naturelles et agricoles, qui ne peuvent apporter le même rendement que des terres urbanisées. En outre, il est généralement moins coûteux de construire des logements neufs, en particulier des maisons individuelles, que de reconstruire "la ville sur la ville" », relève le sénateur. Même si certains dispositifs budgétaires et fiscaux actuels vont dans le bon sens, comme le Fonds friches, celui-ci réclame la définition urgente d'un modèle de financement budgétaire et fiscal. « Afin de donner aux acteurs locaux une réelle incitation à agir dans le sens de la sobriété foncière, les aides budgétaires et fiscales devront être réorientées de manière majoritaire, mais non exclusive, vers les opérations tendant à la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) et non vers l'extension urbaine, surtout lorsque celle-ci conduit au mitage urbain », exhorte le rapporteur.

Parmi les ressources envisageables pour financer le ZAN, le sénateur suggère de récupérer une partie du produit de la vente de quotas carbone. « Si une part de ce produit est affecté à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), le surplus qui revient au budget de l'État a bénéficié de l'effet d'aubaine de l'augmentation du prix du carbone, que les politiques de lutte contre le climat devraient rendre durable », explique le sénateur. En 2022, la part affectée à l'Anah est estimée à 420 millions d'euros, celle bénéficiant à l'État à 962 millions.

L'ouverture, le 28 septembre prochain, du débat sur le projet de loi de finances pour 2023, de même que le chantier de la planification écologique, lancé par Élisabeth Borne, sont l'occasion de rentrer dans le vif du sujet.

1. Télécharger le rapport d'information du Sénat
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-40305-rapport-senat-ZAN.pdf

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