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Actu-Environnement

« En mer Méditerranée, trois enjeux de qualité de l'eau nécessitent encore des progrès »

Le dispositif de surveillance de la Méditerranée permet à l'agence de l'eau RMC d'orienter ses aides. Parmi les points d'amélioration : les micropolluants, la pression des usages et la température de l'eau. Précisions de Laurent Roy, le directeur général.

Interview  |  Eau  |    |  D. Laperche
   
« En mer Méditerranée, trois enjeux de qualité de l'eau nécessitent encore des progrès »
Laurent Roy
Directeur général de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse
   

Actu-environnement : L'agence de l'eau s'appuie sur les résultats d'un réseau de surveillance pour orienter et mesurer les effets de ses actions. Lors de la journée d'échanges du 22 juin avec différents acteurs du littoral, un état des lieux biologique et chimique de la Méditerranée a pu être dressé. Quelles sont les évolutions constatées ?

Laurent Roy : Même s'il n'est pas perçu, le progrès est réel pour l'état chimique. Notre photographie de la mer montre que 90 % des masses d'eau littorales sont désormais en bon état chimique pour les indicateurs suivis. Nous avons retrouvé des enregistrements qui remontent aux années 1980 du commandant Cousteau : il parlait de la Méditerranée comme d'un cloaque. À l'époque, une grande partie des effluents des agglomérations partaient en mer, sans traitement. Il y a eu depuis de gros efforts d'assainissement réalisés par les collectivités et les industries aussi pour assainir leurs rejets. Les polluants cherchés dans les eaux côtières sont ceux définis par la directive-cadre sur l'eau et la directive-cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM) avec des listes de micropolluants, de métaux.

Par ailleurs, nous avons pu observer dans les eaux côtières une diminution de 80 % en dix ans du nombre de microplastiques présents dans la colonne d'eau. Cela ne veut pas dire qu'ils ont disparu, ils se sont probablement déposés sur le fond ou ont été ingérés par les animaux. Mais leur réduction dans la colonne d'eau est plutôt bon signe : cela pourrait signifier que les efforts de réduction à la source des plastiques menés en France, d'interdiction des sacs plastiques à usage unique, etc. a produit des effets. Il faut toutefois rester prudent, c'est un début de tendance :  il sera intéressant de savoir si cela se poursuit, ou pas. En revanche, au large, les apports de multiples provenances perdurent.

AE : Qu'en est-il de l'état biologique ?

LR : Les résultats pour l'état biologique sont plus contrastés. Nous avons observé une nette augmentation des populations de poissons liée à la pression moindre des activités humaines pendant les confinements induits par l'épidémie de Covid. Mais à l'inverse le nombre de jeunes poissons, de juvéniles, a tendance à diminuer. C'est à suivre pour l'avenir afin de déterminer si c'est un phénomène cyclique sans gravité ou si cela indique un changement de tendance.

Un point cependant est encourageant : la dégradation d'un habitat emblématique de la Méditerranée, l'herbier de posidonie, semble être enrayée. La principale pression n'est pas la qualité de l'eau, mais les ancres des navires. Ces dernières arrachent des surfaces considérables d'herbiers. Une action a été conduite par les pouvoirs publics, pilotée par la préfecture maritime et le préfet de département. Désormais, l'ancrage dans les herbiers de posidonie est interdit pour les bateaux de plus de 24 mètres. L'agence de l'eau a également financé l'installation de coffres pour que les bateaux puissent s'amarrer dans des zones spéciales, ailleurs que dans les herbiers. Nous avons également soutenu la cartographie des herbiers et une application sur smartphone Donia, pour que les capitaines puissent les localiser. C'est grâce à ces actions que la superficie des herbiers ne régresse plus.

AE : Quels seront les nouveaux enjeux à prendre en compte dans les prochaines années ?

LR : Une série de défis restent à traiter. Nous avons identifié trois familles d'enjeux pour lesquels nous devons progresser. Le premier concerne la connaissance : nous avons une vision très imparfaite des effets toxicologiques du cocktail de micropolluants en mer. Il faut aussi poursuivre les efforts de réduction à la source. Ce n'est pas facile car ce terme couvre une large gamme de substances : aussi bien les pesticides, que les médicaments ou des cosmétiques. Plus nous recherchons de polluants, plus nous en trouvons.

Le deuxième enjeu est la pression par les usages : par exemple, les phénomènes de surfréquentation post-Covid de milieux littoraux fragiles, ou la pratique de la pêche, y compris de loisir, avec des dégradations sur les milieux côtiers remarquables. Pour réduire cette pression par les usages, nous devons déployer des opérations de sensibilisation, d'explication.

Une troisième catégorie est les conséquences du changement climatique, avec l'augmentation tendancielle de la température des eaux marines. L'année dernière, nous avons par exemple constaté des mortalités de gorgones et d'éponges, notamment en rade de Marseille et jusqu'à Hyères. Des précédentes disparitions avaient été constatées dans les années 1990, mais comme le phénomène ne s'était pas reproduit, le milieu avait pu se regénérer. Si ces mortalités deviennent de plus en plus fréquentes, le milieu ne pourra plus se reconstituer.

L'augmentation de la température de l'eau peut également rendre des espèces plus vulnérables à des polluants ou des pathogènes. Et quid de l'impact du changement climatique sur le cycle de vie et la floraison des herbiers de posidonie : est-ce que la floraison va se décaler et avec quelles conséquences ?

AE : Est-ce que les substances alkyls per- et polyfluorées (PFAS) font partie des enjeux ?

LR : Le suivi est obligatoire sur le plan national depuis l'an dernier. Sur le bassin Rhône-Méditerranée, nous avons anticipé cette surveillance et la réalisons depuis 2016. C'est encore trop récent pour donner une tendance.

Les PFAS (1) sont produites depuis les années 1960. Désormais, nous les recherchons et donc nous les trouvons. Cela permet d'orienter l'action et de définir les mesures les plus pertinentes pour restaurer la qualité des eaux et le bon fonctionnement des milieux aquatiques. Ceci d'autant plus que nous sommes dans la préparation de notre douzième programme d'intervention, qui couvrira la période 2025 à 2030.

Sur cette question, le rôle des agences de l'eau est de définir quel type de subventions nous pourrions accorder pour la réduction des rejets d'industriels qui décideraient de se lancer dans une réduction des rejets au-delà des contraintes réglementaires.

Mais à ce stade, la question est davantage continentale, avec en particulier un enjeu sanitaire dans l'eau potable.

AE : Les agences de l'eau ont désormais un périmètre de compétences élargi jusqu'à 400 km des côtes. Sur quoi allez-vous travailler ?

LR : Les agences de l'eau n'avaient jusqu'à présent réglementairement de compétence que sur les eaux côtières. Le Gouvernement a décidé d'étendre cette compétence sur toute la zone économique exclusive jusqu'à 400 km du littoral, pour que les agences puissent gérer les futurs fonds biodiversité. En effet, la législation demande aux lauréats des appels à projets éoliens offshore de consacrer une part du montant total de leur initiative au financement d'actions de connaissance et de restauration de la biodiversité. Le Gouvernement a considéré que ce n'était pas aux opérateurs de les gérer en direct – car ils étaient juges et partie – et a confié la gestion de ces fonds aux agences de l'eau.

Les porteurs de projets éoliens en mer étudient l'impact de leur projet, le fonds va au-delà. L'idée est notamment que les porteurs financent des actions en compensation des conséquences du développement de l'éolien en mer. Nos échanges avec les experts nous permettent d'identifier les manques de connaissance et les besoins dans cette vaste zone où nos compétences s'appliquent désormais.

1. Lire PFAS : une pollution qui redevient visible<br /><br />
https://www.actu-environnement.com/dossier-actu/PFAS-eau-industries-villes-reach-polluants-eternels-mousses-anti-incendie-vallee-chimie-95

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