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Actu-Environnement

Montagne d'or : comment l'Etat cherche à passer en force

Dans un courrier adressé à la ministre des Outre-mer, qu'Actu-Environnement s'est procuré, le préfet de Guyane expliquait sa stratégie pour faire aboutir le projet de mine. Une manoeuvre engagée alors que le débat public n'était pas achevé.

Aménagement  |    |  L. Radisson

La Guyane est-elle une zone de non-droit en matière de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement ? Fin octobre, Total a reçu le feu vert du préfet pour procéder à des forages d'hydrocarbures au large de la région ultramarine, suscitant une réaction courroucée de la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) Chantal Jouanno. "L'autorisation a été délivrée à Total sans respect du droit de la participation, puisque nous, CNDP, aurions dû être saisis du dossier", avait réagi l'ancienne secrétaire d'Etat.

Quelques mois plus tôt, le même préfet, Patrice Faure, adressait un courrier à la ministre des Outre-mer Annick Girardin déplorant la mauvaise tournure du débat public sur le projet controversé de la Montagne d'or. Il lui présentait sa stratégie pour "porter (...) les demandes de la profession minière" en vue de voir aboutir ce projet de mine d'or industrielle, qui prévoit l'extraction de 85 tonnes du métal précieux sur douze ans. Le document, que s'est procuré Actu-Environnement, est daté du 16 mai alors que le débat public était en cours et n'allait s'achever que deux mois plus tard, le 7 juillet.

"Porter les demandes de la profession minière"

Dans son courrier, le préfet regrette que les réunions et ateliers, qui ont déjà eu lieu, aient soulevé "beaucoup d'effervescence" de la part des opposants au projet, en particulier les membres du collectif Or de question "qui ont laissé peu de place aux débats". Et ce, alors que le projet porte sur une mine "conçue comme un projet de territoire au bénéfice de ses habitants et prenant en compte le contexte socio-économique (...) avec la création de plus de 3.500 emplois".

Le représentant de l'Etat dans la région reconnaît toutefois "quelques" problématiques de fond délaissées par le porteur de projet : vision globale du projet, approvisionnement et transport de matières dangereuses, justification d'une mine à ciel ouvert, utilisation du cyanure, conception des parcs à résidus, procédés pour traiter le drainage acide, moyens de production d'énergie....

Cette première phase du débat public laissant augurer "des difficultés certaines quant à la suite de l'instruction de ce dossier", le représentant de l'Etat présente sa stratégie à la ministre pour faire évoluer la réglementation dans un sens favorable au projet. Dans cet exercice étonnant tant sur le fond que sur la forme, le préfet indique au gouvernement comment il envisage d'utiliser "le vecteur du futur décret en Conseil d'Etat approuvant la révision du schéma départemental d'orientation minière" pour "porter à nouveau les demandes de la profession minière".

Engagements partiellement tenus

Un premier décret publié un mois avant le courrier en cause avait déjà allégé les règles applicables à l'évaluation environnementale en Guyane. Ce texte a modifié les seuils d'examen au cas par cas par l'autorité environnementale. Une autorité environnementale qui n'est autre que... le préfet de région, en attendant que le gouvernement publie le texte mettant fin à cette irrégularité constatée par le Conseil d'Etat. Mais ce premier décret n'a que partiellement tenu "les engagements du plan d'urgence Guyane (…) issus des accords interprofessionnels miniers", déplore le préfet Patrice Faure.

En effet, suite à une mobilisation des opposants au projet, le gouvernement avait revu à la baisse les assouplissements envisagés à l'origine. Le décret a assoupli la réglementation en ce qui concerne les voies de desserte des forêts domaniales, les travaux de défrichement et les travaux de recherche effectués sur des terrains humides. Mais, concernant ces derniers, l'exécutif n'était pas allé au bout de l'assouplissement et y avait renoncé pour les projets de canalisation de cours d'eau. Or, dans son courrier, les modifications réglementaires envisagées par le préfet Faure visent "les deux rubriques traitant de la recherche en milieu humide et de la dérivation des cours d'eau". Les deux points sur lesquels la simplification n'avait pu aboutir.

"La mine responsable est un oxymore"

Depuis l'envoi de ce courrier, plusieurs événements sont intervenus. Le lancement en juillet d'une mission sur les enjeux socio-économiques et environnementaux des grands projets miniers en Guyane, l'arrivée le 4 septembre de François de Rugy à la tête du ministère de la Transition écologique, annonçant une remise à plat du projet, et la présentation des conclusions du débat public par la CNDP trois jours après.

Cette dernière a relevé que le débat avait "cristallisé les fractures de la société guyanaise", mais aussi que les acteurs privés "méconnaissaient encore les principes du débat public". La commission particulière en charge de ce débat a demandé en particulier au maître d'ouvrage, dans l'hypothèse où il déciderait de poursuivre son projet, d'être précis et complet sur les mesures à prendre en matière de gestion des risques. "Cela valant également pour les services de l'Etat", indiquait la commission.

En réponse aux conclusions de la CNDP, la Compagnie minière Montagne d'or a annoncé vendredi 16 novembre sa volonté de poursuivre le projet "dans ses caractéristiques techniques essentielles présentées au public" tout en s'engageant à "faire évoluer son projet en y apportant des modifications d'ampleur". Parmi ces modifications, le maître d'ouvrage mentionne une production d'énergie sur site en priorisant les énergies renouvelables, la sécurisation du transport et de la gestion du cyanure, la destruction de cette substances dangereuse avant que les résidus ne quittent l'usine ou encore la réduction du transport d'explosifs sur le réseau routier. Des éléments censés répondre aux recommandations de la CNDP mais aussi à celles formulées par le préfet dans son courrier.

Alors que le gouvernement et la préfecture restent silencieux sur ces annonces, aucune information nouvelle ne filtre non plus sur le projet de modification du schéma d'orientation minière évoqué par Patrice Faure. Pour le collectif Or de question, accompagné de trois autres ONG (1) , les annonces du maître d'ouvrage ne constituent que des "ajustements superficiels du projet" et réclament son abandon définitif. "La mine responsable est un mirage, un oxymore. Une mine responsable, ça n'existe pas ! ", dénonce Marine Calmet, juriste de l'association Nature Rights.

1. France Libertés, Nature Rights et Jeunesse Autochtone de Guyane

Réactions7 réactions à cet article

Ca alors ! Un préfet qui s'assoit sur la procédure d'instruction (le volet relatif au débat public en l'occurrence - l'article ), ce qui pourrait faire gagner un temps précieux aux porteurs du projet et aux intérêts financiers qu'il sous-tend ? Mon Dieu, mais dans quel monde vivons-nous ?
Et toujours le bon vieux chantage aux centaines ou milliers d'emplois prétendument créés. C'est curieux, mais il me semble déjà avoir eu connaissance de ce genre de scénario ailleurs...
Notre modèle économique ne sait décidément pas produire sans enfumage du public, entorses sévères à la règlementation, exposition des populations locales et destruction du patrimoine naturel. La fièvre de l'or, probablement.

Pégase | 21 novembre 2018 à 10h39 Signaler un contenu inapproprié

Totale approbation de la réaction de Pégase. Ça n'apporte rien de plus mais au moins il n'est pas seul!

le neurone en vadrouille | 21 novembre 2018 à 11h19 Signaler un contenu inapproprié

Idem, je soutiens les réactions ci dessus. Il faut arrêter totalement l'orpaillage légal ou clandestin dans ce département, et développer d'abord une agriculture paysanne et bio, de façon à rendre cette région lointaine le plus autonome possible alimentairement, ce qui de plus créera des emplois pérennes.

BJ50320 | 21 novembre 2018 à 15h21 Signaler un contenu inapproprié

Le problème c'est la morale des préfets , ou plutôt l'absence de morale.
Question : cet article est-il arrivé entre les mains d'autres journalistes ? Il mériterait une vaste audience .

sirius | 21 novembre 2018 à 22h55 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
J'abonde ds le sens de Pégase et de BJ: mettre les priorités ds le bon ordre !
Créer des emplois certes, mais pas au détriment de la Planète et du cadre de vie qu'on détruirait, empoisonnerait (cyanure et résidus), etc... pour ceux qui devraient vivre là. Quel non-sens !
Un comble au niveau de la conduite du dossier par l'autorité locale, càd le Préfet !
Espérons qu'il(s) reviendront à la Raison !
Salutations
Guydegif(91)

Guy | 22 novembre 2018 à 09h27 Signaler un contenu inapproprié

A part quelques notables et bien trop rares exceptions, la seule raison que connaissent fondamentalement les préfets (mais aussi les secrétaires généraux de préfectures, les sous-préfets, les dir cab, etc., bref les grands commis de l'Etat) est la logique financière. La seule chose qui puisse les en distraire momentanément est la crainte de procédures en justice qu'ils pourraient perdre es qualité de représentant de l'Etat, perturbant ainsi leur déroulement de carrière planifié et les exposant négativement devant les médias locaux. Le reste ne constitue guère pour eux que gentilles considérations d'exaltés de telle ou telle cause.

Pégase | 22 novembre 2018 à 13h17 Signaler un contenu inapproprié

Absolument bien vu Pégase et Sirius, les préfets qui sont censés protéger les populations, s'en foutent totalement et sont définitivement du côté des entrepreneurs qu'ils soutiennent en passant s'il le faut par dessus les lois. Quand ils sont pris la main dans le sac, ils font semblant d'être surpris. Le seul moyen de les faire plier est de les attaquer en justice.

gaia94 | 03 décembre 2018 à 12h29 Signaler un contenu inapproprié

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