Par une décision en date du 14 octobre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Charte de l'environnement deux dispositions du Code de l'environnement portant sur le régime d'enregistrement des ICPE. Cette décision a été rendue dans le cadre de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par la fédération France nature environnement (FNE) qui considérait que ces dispositions ne respectaient pas le principe de participation du public inscrit dans la Charte.
Décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement
Les deux questions, auxquelles le Conseil a répondu par une décision unique, portaient sur la constitutionnalité des articles L. 511-2 et du paragraphe III de l'article L. 512-7 du Code de l'environnement. Ces deux articles concernent, d'une part, le régime d'élaboration des décrets de nomenclature des installations classées et, d'autre part, les arrêtés fixant les prescriptions générales auxquelles doivent se conformer les installations soumises au régime de l'enregistrement.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions étaient partiellement contraires à l'article 7 de la Charte de l'environnement, charte qui, rappelons-le, revêt une valeur constitutionnelle. Cet article dispose : "Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement".
Les sages de la rue Montpensier considèrent que les décrets de nomenclature et les arrêtés de prescriptions générales constituent "des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement". Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement, la définition de ces décisions telle qu'elle ressort de la décision du Conseil est particulièrement large. Selon lui, leur périmètre serait donc "susceptible de comprendre toutes les décisions administratives relatives à l'exercice des polices spéciales du droit de l'environnement".
Pas de réelle participation du public
Les dispositions contestées prévoient seulement que les projets de décrets et d'arrêtés "font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique".
Dans sa rédaction soumise au Conseil constitutionnel, c'est-à-dire celle qui était en vigueur en avril 2010, les sages relèvent que l'article L. 511-2 ne prévoyait pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées. Il a toutefois été remédié à cela depuis, par une modification opérée par la loi de simplification du droit du 17 mai 2011.
Surtout, aux yeux du Conseil, "ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'assurent la mise en oeuvre du principe de participation du public à l'élaboration des projets de décret de nomenclature comme des prescriptions générales".
En d'autres termes, la publication des projets ne constitue pas une disposition suffisante à la bonne application du principe de participation. Pour les sages, "l'existence d'une publication ne suffit pas à assurer la reconnaissance du recueil des observations du public". Ce qu'Arnaud Gossement résume par la formule "information ne vaut pas participation".
La balle dans le camp du législateur
Par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public, "le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence", estime le Conseil. D'où la censure portant à la fois sur le paragraphe III de l'article L. 512-7 et le second alinéa de l'article L. 511-2 du Code de l'environnement.
Considérant toutefois que "l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives", cette déclaration d'inconstitutionnalité ne prendra effet que le 1er janvier 2013. Se pose en effet la question de la légalité des décrets et arrêtés "enregistrement" pris sur un fondement législatif inconstitutionnel.
"Il appartient donc au législateur de prévoir le principe de la participation du public, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce, quitte à ce que les modalités d'application de ce principe soient précisées par voie réglementaire", précise le Conseil constitutionnel dans les commentaires publiés sur cette décision. Le Parlement va donc devoir mettre à profit ce délai pour remédier à cette inconstitutionnalité.
Cette décision constitue par conséquent une étape importante dans le développement du droit de l'environnement. Pour FNE, elle "devrait mettre fin à la pseudo-concertation qui accompagne un grand nombre de décisions publiques". Pour Raymond Léost, le responsable de son réseau juridique, "la décision devra être appliquée à tous les champs de la concertation publique". Et de conclure : "La Charte de l'environnement trouve enfin pleinement sa place en tant qu'outil de préservation de l'environnement et de la santé publique".