« Éoliennes et paysages ne font pas bon ménage » s'agace Julien Lacaze, vice-président de l'association Sites & Monuments. Jeudi 5 mars, neuf associations (La demeure historique, Fédération Environnement Durable, Maisons Paysannes de France, Patrimoine Environnement, Rempart, Sauvegarde de l'art français, Sites & Monuments, Vent de colère et VMF) se sont réunies à Paris, à deux pas de l'Assemblée nationale, pour demander au Gouvernement qu'il mette un frein au développement « cacophonique » de l'éolien français.
Cette réunion intervient deux jours après que la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a déclaré à l'Assemblée nationale que les éoliennes, quoique « indispensables à la transition énergétique », devaient être déployées en écoutant « les craintes » des élus et des citoyens. Depuis le début de l'année, l'exécutif multiplie les critiques contre l'éolien : le 14 janvier, à Pau, Emmanuel Macron avait affirmé que « la capacité à développer massivement l'éolien en France [était] réduite ». Fin janvier, dans un entretien accordé au Monde, Élisabeth Borne regrettait, quant à elle, le développement « anarchique » de l'éolien, aujourd'hui concentré dans les régions Hauts-de-France et Grand-Est.
Vers quel encadrement spatial ?
Ces commentaires gouvernementaux rompent avec l'enthousiasme affiché par Nicolas Hulot et François de Rugy pour l'éolien durant leurs mandats. Alors que la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit d'implanter 6 500 nouvelles éoliennes d'ici 2028, le Gouvernement envisage de mettre en place plusieurs mesures pour encadrer son développement. Un groupe de travail y réfléchit actuellement. Sont notamment évoquées l'élaboration d'un nouvel outil de planification, qui reprendrait le principe des zones de développement éolien (ZED) supprimées en 2013, et la création d'un système de bonus-malus, qui devrait, selon le ministère de la Transition écologique, encourager l'implantation de projets éoliens dans les zones peu équipées.
Les promesses du Gouvernement, qui affirme aspirer à un développement « harmonieux » des éoliennes sur le territoire, ne parviennent cependant pas à convaincre le collectif d'associations. La création d'un bonus-malus, qui permettrait selon l'exécutif de rééquilibrer la répartition des éoliennes sur le territoire, « ne ferait que déplacer la douleur au lieu de la traiter », selon le vice-président de La demeure historique, Patrice Cahart.
Les anti-éoliens veulent défendre les Français ruraux
« La France rurale n'en veut pas, on est en train de créer une véritable fracture », assure, quant à lui, Jean-Louis Butré, président de la Fédération Environnement Durable. Outre la saturation visuelle et la co-visibilité avec des monuments historiques, le collectif se dit également préoccupé par les conséquences environnementales de l'éolien, et notamment le « bétonnage de la France profonde » via les fondations.
Le retour du débat sur les distances minimales
Les neuf associations proposent d'instaurer une distance minimale de 1 000 mètres entre les éoliennes et les habitations. « Idéalement, cette distance devrait être allongée à dix fois la hauteur de l'éolienne, pale comprise », précisent-ils, en suivant l'exemple des règlementations bavaroises et polonaises en la matière.
Le groupe souhaite également que l'implantation d'éoliennes dans un rayon de dix kilomètres autour d'un monument historique, soit soumis à l'avis des architectes des bâtiments de France et de la Commission régionale de l'architecture et du patrimoine. Selon elles, la procédure d'appel d'offres devrait être appliquée à tous les projets d'implantation d'éoliennes (actuellement, elle ne concerne que les ensembles de plus de six éoliennes). Les neuf associations envisagent d'écrire une lettre au Président pour lui faire part de leurs griefs. Reste à voir ce qu'il adviendra de ces suggestions.