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Importation illégale de bois : une première entreprise condamnée pénalement

Le tribunal correctionnel de Châteauroux a condamné pour la première fois un importateur français de bois brésilien pour manquement au système de diligence raisonnée mis en place par le règlement européen sur le bois.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Importation illégale de bois : une première entreprise condamnée pénalement

C'est une première en France. Le tribunal correctionnel de Châteauroux (Indre) a condamné, mercredi 6 septembre, la Société Pierre Robert à une peine d'amende de 20 000 euros, dont 10 000 euros avec sursis, et à la publication du jugement dans deux journaux (1) sous un mois. La raison ? Le manquement de l'entreprise à son devoir de diligence raisonnée au titre du règlement européen sur le bois (RBUE). La société a également été condamnée à payer 20 000 euros à Greenpeace France et 3 000 euros à France Nature Environnement (FNE), tout comme à l'association Canopée, en réparation de leur préjudice moral.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 punit d'un maximum de deux ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait de mettre du bois sur le marché sans avoir adopté le système de diligence raisonné imposé par ce règlement. Greenpeace France, rejointe par Canopée et France Nature Environnement (FNE) qui s'étaient constituées parties civiles, avaient porté plainte en 2019 contre deux sociétés françaises, les établissements Pierre Robert et la société ISB France, toutes deux importatrices de bois en provenance de l'état du Parà, au Brésil.

Après une enquête de l'Institut brésilien de l'environnement (Ibama), du Laboratoire de sylviculture de Sao Paulo et de Greenpeace Brésil, son homologue française avait déposé ces plaintes, estimant que les sociétés avaient importé du bois Ipé de cette zone à risques sans avoir pris les précautions qu'imposaient le règlement européen. C'est-à-dire des recherches sur les fournisseurs, la prise en compte du risque de fraude ou des vérifications de terrain. « Le bois importé par cette entreprise était issu de concessions forestières dont les documents officiels brésiliens étaient falsifiés. Certains arbres déclarés comme du bois Ipé n'existaient pas dans ces concessions, explique en effet l'association. Ces fausses déclarations sont ensuite utilisées pour blanchir du bois illégal, une pratique très documentée dans cette région du Brésil. »

“ La France doit cesser d'être une passoire à déforestation importée. ” Jérôme Graefe, FNE
La société mise en cause s'était prévalue, quant à elle, des audits qu'elle avait fait effectuer par l'Institut technologique FCBA, d'un contrôle réalisé par la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf) et d'un feu vert de l'Administration sur le lot de produits transformés à l'origine de la plainte.

Volonté de ne pas appliquer le règlement

Les audiences des deux procès s'étaient tenues les 7 et 19 juin derniers, et les jugements avaient été mis en délibéré, respectivement, au 6 et 11 septembre. Le tribunal a suivi les réquisitions de la procureure, qui avait réclamé une condamnation de la société Pierre Robert, estimant qu'il y avait eu une volonté délibérée de sa part de ne pas appliquer le règlement et que la priorité avait été donnée à la commercialisation du bois plutôt qu'à la gestion des risques. Le tribunal a toutefois prononcé une peine de moitié inférieure à celle réclamée par le parquet, qui avait requis 40 000 euros d'amende, contre cette entreprise familiale d'une quarantaine de salariés, qui annonce un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros (M€).

Un montant de l'amende jugé « faible » par les associations. « Cette condamnation témoigne de la possible clairvoyance des tribunaux dans des contentieux climatiques où les entreprises peuvent avoir tendance à agiter vainement des audits privés et où l'État manque très nettement à ses obligations de régulation de ces secteurs à risques », réagissent toutefois les trois ONG dans un communiqué commun. Celles-ci pointent en effet les défaillances des autorités chargées du contrôle des importations. FNE et Greenpeace ont d'ailleurs saisi le tribunal administratif de Paris après le refus du ministère de l'Agriculture de communiquer les bilans et rapports de contrôle des importateurs. « La France doit cesser d'être une passoire à déforestation importée, les autorités doivent être transparentes et renforcer drastiquement les contrôles des opérateurs », estime Jérôme Graefe, juriste de FNE.

Si les associations mettent en cause l'administration de l'Agriculture, elles saluent en revanche les fonctionnaires qui sont intervenus dans l'enquête judiciaire. « Cela n'aurait pas été possible sans l'enquête préliminaire de qualité menée par la gendarmerie de La Châtre et les agents de l'Office français de la biodiversité », souligne Laura Monnier, responsable juridique de Greenpeace France. « La qualité de la justice environnementale dépend des moyens et de la sensibilisation de ces services, qui doivent être constamment renforcés pour être à la hauteur de ces enjeux grandissants », insiste la juriste.

« Bien que la condamnation ait été réduite par rapport aux réquisitions du procureur, nous ne comprenons pas pour quelle raison objective nous avons été condamnés », réagit, de son côté, Bertrand Robert, président de la société éponyme. « Nous souhaitons bien évidemment faire appel de ce jugement vécu comme un véritable traumatisme car il ne correspond pas au fonctionnement et au travail de notre entreprise », annonce le dirigeant.

D'autres importateurs négligents sur la sellette

Cette décision pourrait faire jurisprudence et donner lieu à de nouvelles condamnations. Le jugement, attendu pour le 11 septembre, de l'entreprise ISB France, leader français de l'importation de bois, qui affiche un chiffre d'affaires de 289 M€ et emploie 400 collaborateurs, sera scruté de près. Dans cette affaire, le procureur a requis 165 000 euros et la publication du jugement.

Mais des sociétés importatrices d'autres produits à risque que le bois pourraient aussi être inquiétées à l'avenir. « Le tribunal émet un signal positif pour accueillir des contentieux mettant en cause des importateurs négligents dans leurs chaînes d'approvisionnement », estime Laura Monnier.

Or, l'UE a adopté un nouveau règlement sur la déforestation importée, qui, au-delà du bois, couvre les importations de six autres produits : les bovins, le cacao, le café, les palmiers à huile, le caoutchouc et le soja. Ce règlement est entré en vigueur le 30 juin dernier et les entreprises doivent se mettre en conformité avant le 30 décembre 2024 (30 juin 2025 pour les petites entreprises).

À défaut de le faire, elles pourraient se heurter à ce même genre de mésaventure. « La future organisation de l'application du règlement Déforestation sera dans l'œil de mire de la société civile et des instances européennes », préviennent en effet les associations.

1. Le Monde et La Nouvelle République

Réactions1 réaction à cet article

Pauvre chef d'entreprise qui ne savait pas qu'il fraudait et tombe des nues face à des jugements qui l'accablent et le traumatisent... Vite, une cagnotte en ligne pour le soutenir !
Et où l'on constate une fois de plus l'opacité d'un ministère de l'agriculture manifestement tout dévolu à la protection des intérêts catégoriels et privés en lieu et place de sa mission de service public. Il est urgent et indispensable de réformer de fond en combles ce ministère dévoyé et voyou.

Pégase | 07 septembre 2023 à 09h58 Signaler un contenu inapproprié

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