
Mardi 15 septembre, Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno étaient auditionnés par la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale, l'occasion d'éclaircir certains points, de justifier certaines décisions et de prendre la température. Si Jean-Louis Borloo a fait une présentation séduisante de cette mesure (la contribution climat énergie doit être douce, progressive, évaluable et sans atteinte à la compétitivité et au pouvoir d'achat des ménages), les députés de la commission développement durable ont demandé aux deux ministres de s'expliquer sur certains choix présentés par le Président de la République. Détails.
Le choix de taxer uniquement les énergies fossiles
L'une des premières interrogations des députés concerne le choix de ne pas taxer l'électricité, une énergie pourtant thermique aux heures de pointe et donc émettrice de CO2, selon Jean-Paul Chanteguet, député PS. Pour Yves Cochet, la différence sémantique entre contribution climat énergie et taxe carbone aurait du être révélatrice : cette contribution devait être conçue pour réduire les consommations d'énergie, même celles des énergies propres ! Toutes les énergies doivent être taxées car il n'est jamais innocent de consommer de l'énergie ! Philippe Tourtelier, du groupe PS, regrette lui aussi cette ambiguïté. Catherine Quéré, du groupe PS également, va même plus loin : avec cette mesure, on va orienter les ménages vers l'électricité.
Jean-Louis Borloo justifie cette décision : la stratégie générale vise les énergies fossiles mais si on peut avoir un modèle moins énergivore, c'est mieux. Nous incitons le développement de la voiture électrique ou encore les énergies renouvelables, donc nous n'allons pas taxer l'électricité. D'autres outils ont été créés pour favoriser l'efficacité énergétique : l'extension des certificats d'énergie, l'éco PTZ…
Entreprises et exonérations
Pour André Chassaigne, l'un des seuls à se déclarer opposé à cette taxe carbone, il y a un déplacement complet des responsabilités. On culpabilise les comportements individuels et on exonère les entreprises. Yves Cochet, plus mesuré, pense qu'il fallait que les grandes entreprises soumises au marché ETS soient assujetties à cette taxe.
Pour Chantal Jouanno, responsabiliser les ménages était essentiel : si on ne traite pas la question des comportements individuels, on ne touche pas la moitié des émissions. Sur 4,5 Mds d'euros récoltés, 2,6 Mds le seront sur les ménages, 1,9 sur les entreprises. Concernant les entreprises, la loi de Finances 2009 a marqué l'augmentation de certaines taxes. Nous réfléchissons à la création d'autres taxes sur les pollutions, par exemple sur les émissions de NOx. Quant à la question des exonérations, dans le secteur des transports, nous réfléchissons plutôt au fait de faire peser la taxe sur les chargeurs, ceux qui achètent les services de transport et non pas sur les routiers. La secrétaire d'Etat n'a pas abordé la question des agriculteurs, qui fait débat aujourd'hui. Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a émis le souhait mercredi que les agriculteurs soient largement exonérés, au moins de moitié de la taxe carbone. Certains syndicats agricoles demandent en effet d'exonérer totalement l'agriculture de cette contribution.
Enfin, pour répondre aux craintes des députés de régions frontalières, Chantal Jouanno a déclaré que, pour éviter un dumping social, la France pousse pour une taxe européenne aux frontières.
La question du prix
Pour Serge Grouard, du groupe UMP, il faut renforcer la dimension prix. Yves Cochet est du même avis : pour être incitatif, le dispositif devait reposer sur un signal prix fort afin de modifier les comportements. Philippe Tourtelier, lui, s'appuie sur les objectifs finaux de ce dispositif : si le prix de 32 € la tonne avait été retenu par la commission Rocard, c'est qu'il correspondait aux objectifs du facteur 4.
Pour Chantal Jouanno, l'objectif à atteindre est de 100€ la tonne en 2030. Un objectif à portée de main en partant avec un prix à 17 € la tonne. Nous allons confier à une commission indépendante de type grenellienne le soin de déterminer la bonne pente pour atteindre l'objectif de 2030. En Suède par exemple, pays où les habitants sont beaucoup plus sensibles à l'écologie, la taxe carbone lors de sa création en 1991 a été fixé à 27 €. Elle est aujourd'hui à 108 €.
La redistribution
Si selon Yves Cochet, la meilleure solution était celle d'une allocation universelle, Jean-Louis Borloo justifie le choix du gouvernement : je n'ai pas soutenu la thèse d'un fonds spécifique car j'avais une peur panique que cela pèse directement sur les ménages. Il ne faut pas détourner cet argent pour financer des politiques de droit commun. Il faut qu'il y ait une adhésion générale et pour cela, nous étions assez séduits par la notion d'allocation universelle, car ce dispositif est très simple. Mais certains ménages auraient eu la double peine : il y a une vraie différence subjective des situations des ménages. Nous avons donc opté pour une mesure à caractère universel mais pas trop injuste.
Et de préciser que les premiers chèques verts seront distribués fin février 2010 pour les ménages ne payant pas d'impôt. Pour les foyers imposables, la déduction forfaitaire devrait intervenir au premier tiers.
Et de conclure : il faut faire preuve d'humilité sur ces sujets là. Le bonus malus écologique a suscité de vifs débats lors de sa mise en œuvre, taxé d'injuste et d'inefficace. Les résultats ont pourtant dépassé nos attentes. Chantal Jouanno précise : on tâtonne. Le modèle suédois n'est pas totalement transposable chez nous. Le rôle de la commission sera de faire évoluer le dispositif.
Rendez-vous prévu le 30 septembre pour le début de l'examen de projet de loi des Finances 2010.