Annoncé fin avril 2010 par le Président Nicolas Sarkozy, suite à la manifestation des céréaliers à Paris, le passage de 40 à 44 tonnes des poids lourds vise à soutenir ''la compétitivité des exploitations agricoles'' et du secteur des transports alors que certains pays voisins acceptent déjà des méga-camions (jusqu'à 60 tonnes), avait alors expliqué le chef de l'Etat dans une interview à France Agricole. ''Cela aura un double effet : réduire les émissions des gaz à effet de serre et apporter un gain de productivité de 11 % sur le prix des matières premières agricoles. C'est 80 millions d'euros par an pour ces filières'', avait estimé M. Sarkozy alors que les émissions de GES des poids lourds ''restent toujours 10 à 100 fois plus élevées par rapport à un transport par mode ferroviaire ou fluvial'', avait souligné la fédération environnementale FNE.
Un décret d'application immédiate pour la filière agricole
Dès juillet dernier, des autorisations préfectorales dans certains départements (Ain, Cher, Côtes d'Armor, Loire, Marne, Moselle,…) avaient été accordées dans l'attente de ce décret, après la publication d'une circulaire de l'ex secrétaire d'Etat aux Transports. Par ailleurs, le 44 tonnes avait déjà été accordé pour certaines activités telles que les récoltes betteravières ou de pommes de terre.
Le Président de la République a dernièrement réitéré sa promesse auprès de Xavier Beulin, nouveau président de la FNSEA le jeudi 13 janvier lui assurant ''que le décret était sur le point de sortir''. Chose faite à la veille du Salon de l'Agriculture. Signé hier par le Premier ministre François Fillon et le ministère de l'Ecologie et des transports, le décret autorise les camions de 44 tonnes avec 5 essieux, de façon "immédiate" dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire. L'arrêté, publié en complément du décret, donne en effet le feu vert aux produits agricoles, agroalimentaires, de la pêche et de l'alimentation animale, outre les fruits, les légumes et les céréales.
Concernant les autres secteurs : le passage de 40 à 44 tonnes se fera "à la date de mise en application de l'écoredevance poids lourds pour tous les autres produits" c'est-à-dire fin 2012. La mesure sera donc étendue ''à tous les types de chargement de façon concomitante avec l'introduction de l'écotaxe'', selon le ministère.
Un sixième essieu dès 2014 pour les véhicules neufs
Le gouvernement a également maintenu l'équipement d'un sixième essieu pour les poids lourds au-delà de 40 tonnes (contre 5 aujourd'hui), qui interviendra à partir de "2014 pour les véhicules neufs et pour tous les véhicules à compter de 2019". Cette mesure vise à limiter ''l'impact sur les chaussées'', estime le ministère de l'Ecologie alors que la Fédération nationale du transport routier (FNTR) y était opposée du fait du poids supplémentaire de l'essieu (jusqu'à 1 tonne) et des coûts engendrés liés à sa mise en place (carburant, pneus…) ''Cette modernisation du parc suivra un calendrier parallèle à celui de la norme Euro VI (en vigueur en 2014, visant à réduire les émissions de polluants atmosphériques, ndlr), et n'appellera donc pas de surcoût pour les entreprises'', a assuré le ministère.
Une mesure ''anti-Grenelle'', selon les associations
Le décret souligne que le passage de la limite autorisée à 44 tonnes est destiné à "améliorer la compétitivité du secteur des transports et (à) réduire le nombre des poids lourds utilisés pour le transport de marchandises pondéreuses et, par voie de conséquence, les émissions de CO2".
Mais la fédération France nature environnement (FNE) a de nouveau dénoncé une mesure anti-Grenelle au profit des ''lobbies agro-alimentaires et routiers''. Elle a réaffirmé son opposition à la généralisation des 44 tonnes ''qui ne favorise pas le report modal'' et craint ''une porte ouverte" laissée aux méga-camions de 60 tonnes alors que le gouvernement avait fin juillet 2009 reculé sur leur expérimentation. Pour Benoît Hartmann, porte-parole de FNE : ''un 44 tonnes c'est un tiers plus long qu'un camion normal et il faudra modifier l'infrastructure routière avec des poids pareils c'est- à-dire des ronds-points plus larges, ce qui accentuera le risque routier sans compter le coût pour le contribuable pour permettre à ce type de véhicules de circuler et la suppression d'emplois'' alors que la fédération voulait ''cantonner les 44 tonnes sur les exploitations agricoles'' pour de courtes distances.