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Devoir de vigilance : accord en trilogue sur la future directive européenne

Six ans après la loi française, les institutions européennes ont trouvé un accord sur le texte destiné à faire respecter par les grandes entreprises les droits de l'homme et l'environnement dans leurs chaînes d'approvisionnement.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Devoir de vigilance : accord en trilogue sur la future directive européenne

« Cette loi constitue une avancée historique. Les entreprises sont désormais responsables des abus potentiels dans leur chaîne de valeur, dix ans après la tragédie du Rana Plaza », s'est félicitée Lara Wolters. La rapporteure de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDD) au Parlement européen réagissait à l'accord trouvé sur ce texte, jeudi 14 décembre, par les institutions communautaires.

La proposition de directive, qui vise à faire respecter les droits de l'homme et à préserver l'environnement par les grandes entreprises à travers leurs chaînes d'approvisionnement, avait été présentée par la Commission européenne, le 23 février 2022. Le Conseil de l'UE avait adopté sa position de négociation sur le texte, le 1er décembre 2022, et le Parlement, le 1er juin 2023.

« Je me félicite de cette avancée majeure, qui fait de l'Union européenne la première puissance économique à se doter d'un tel outil et va permettre de tirer la mondialisation vers le haut sur le plan social et environnemental. À ce jour, seuls deux pays en Europe disposaient d'une telle loi : la France et l'Allemagne », a réagi Pascal Canfin, président de la commission environnement du Parlement. Sept ONG (1) écologistes ou d'aide au développement saluent également « un tournant pour la régulation des entreprises multinationales en Europe », mais elles pointent aussi un certain nombre d'insuffisances.

Exclusion du secteur financier

Selon l'accord trouvé, le texte s'appliquera aux sociétés européennes de plus de 500 salariés ayant un chiffre d'affaires mondial supérieur à 150 millions d'euros (M€) et à celles de plus de 250 salariés avec un chiffre d'affaires de plus de 40 M€ et exerçant leurs activités dans des secteurs à fort impact (textile, agriculture, denrées alimentaires, extraction, construction). Sont également concernées les entreprises des pays tiers ayant un chiffre d'affaires de plus de 300 M€ réalisé dans l'UE. La Commission européenne sera chargée de publier une liste des entreprises non européennes concernées. Les PME ne sont donc pas visées par la nouvelle législation.

“ Cette avancée majeure va permettre de tirer la mondialisation vers le haut sur le plan social et environnemental ” Pascal Canfin, eurodéputé
Le secteur financier en est également exclu, mais une clause de révision est prévue pour sa potentielle inclusion fondée sur une étude d'impact. « Il s'agit d'une exclusion incompréhensible alors que ces services sont couverts par la loi française sur le devoir de vigilance, BNP Paribas faisant d'ailleurs l'objet de deux actions en justice sur ce fondement, s'indignent les sept ONG. Dans le reste de l'UE, cette exclusion pourrait permettre aux acteurs financiers de continuer à soutenir des projets et entreprises dangereux pour l'environnement et les droits humains sans avoir à rendre de compte. »

Mettre en place des plans de transition

Quelles sont les obligations qui vont peser sur les sociétés concernées ? « Les entreprises devront identifier, évaluer, prévenir, atténuer, mettre fin et remédier à l'impact négatif de leurs activités sur les personnes et sur la planète. Pour ce faire, elles seront tenues de faire des investissements, de demander des assurances contractuelles auprès des partenaires, d'améliorer leur business plan ou d'apporter un soutien à leurs partenaires des petites et moyennes entreprises », résument les services du Parlement européen.

Le compromis trouvé entre les colégislateurs, rapporte le Conseil, renforce l'obligation de moyens qui pèse sur les grandes entreprises (+ de 500 salariés) en vue d'adopter un plan de transition et de tout mettre en œuvre pour que leur stratégie commerciale soit compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris sur le climat. « La loi sur le reporting extra-financier (CSRD) adoptée l'année dernière fixait l'obligation de publier ce plan, la directive sur le devoir de vigilance fixe l'obligation de "mettre en place" ce plan », explique Pascal Canfin.

« En dernier recours, les entreprises qui identifient des impacts négatifs sur l'environnement ou les droits de l'homme de la part de certains de leurs partenaires commerciaux devront mettre fin à ces relations commerciales lorsque ces impacts ne peuvent être évités ou stoppés », expliquent les services du Conseil.

Le texte a également un impact sur la rémunération des dirigeants. « Toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés ayant leur siège en Europe ou opérant en Europe devront obligatoirement mettre en place une politique interne pour qu'une partie des bonus de leurs dirigeants soient liés à l'atteinte d'objectifs climatiques », se félicite l'eurodéputé Renaissance.

Régime de responsabilité civile

Chaque État membre devra désigner une autorité de contrôle qui pourra infliger des sanctions administratives aux entreprises, pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires, en cas de violation de la directive.

Le texte prévoit également un régime de responsabilité civile. Les personnes, syndicats et ONG comprises, qui subissent un préjudice du fait de l'absence de vigilance appropriée des entreprises pourront en demander réparation dans un délai de cinq ans. Ces dernières seront tenues d'engager un dialogue avec les parties prenantes concernées dans le cadre du processus de « diligence raisonnée ». Le respect du devoir de vigilance par les entreprises pourra également constituer un critère d'attribution des marchés publics et des concessions.

Le texte « ne prévoit pas la possibilité d'engager la responsabilité civile de l'entreprise en cas de non-respect » de l'obligation d'adopter et de mettre en œuvre des plans de transition climatique, déplore toutefois l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint. « Le gouvernement allemand a, quant à lui, réussi à limiter l'engagement de la responsabilité civile des entreprises aux seuls cas dans lesquels sont constatées des atteintes aux personnes, et non aux écosystèmes », pointe également l'élue écologiste.

La future directive prévoit par ailleurs des mesures d'accompagnement pour les entreprises qu'elle vise, mais aussi pour les PME indirectement impactées. Ces aides prendront la forme de sites internet ou de plateformes, d'orientations sur des clauses contractuelles type, mais elles pourront aussi consister en un soutien financier pour les PME.

Le texte de compromis doit encore faire l'objet d'une adoption formelle par le Parlement et par le Conseil avant d'être définitivement adopté. Il entrera en vigueur vingt jours après sa publication au Journal officiel de l'UE et les États membres disposeront alors de deux ans pour le transposer dans leur droit national.

1. ActionAid France, Les Amis de la Terre France, CCFD-Terre solidaire, Notre Affaire à tous, Reclaim Finance, Sherpa, Oxfam France

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