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Écophyto : la recherche du bon indicateur remise en cause par les associations environnementales

Si le nouveau plan Écophyto 2030 ne sera pas prêt avant le Salon de l'agriculture, des discussions ont été engagées pour le remodeler. L'éventuel remplacement du Nodu par l'indicateur européen enrage les associations environnementales.

Décryptage  |  Agroécologie  |    |  F. Gouty
Écophyto : la recherche du bon indicateur remise en cause par les associations environnementales

Ce lundi 12 février, le Comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) sur la stratégie française Écophyto a été à nouveau réuni pour continuer l'élaboration du troisième plan d'action éponyme surnommé Écophyto 2030. Celui-ci a été présenté à la consultation une première fois, en octobre dernier, avant d'être temporairement « mis en pause », en réaction aux blocus organisés par des agriculteurs. Cette nouvelle « réunion de travail » a été organisée pour « remettre un certain nombre de questions sur la table », indique une source proche du Gouvernement, afin de livrer un « plan finalisé » d'ici à l'ouverture du Salon de l'agriculture de Paris, le 24 février prochain.

Même objectif, nouvel indicateur ?

Le Gouvernement affirme de ne pas avoir l'intention de revenir sur l'ambition initiale du nouveau plan Écophyto - à savoir réduire de 50 % l'usage des pesticides en France d'ici à 2030 -, qui doit remplacer le précédent en avril prochain. Mais il est prêt à en redessiner le cadre. Plusieurs sujets de discussion ont ainsi été engagés : le choix de l'année de référence sur laquelle baser l'objectif (2009, comme pour les précédents plans, ou 2015, comme envisagé cette fois-ci) ; l'adaptation numérique, obligatoire d'ici à 2026 sur le plan européen, des obligations de zonage et du registre d'utilisation de pesticides de chaque exploitant (en diffusion publique ou toujours dans la confidentialité « pour protéger les agriculteurs ») ; ou encore des « simplifications de calendrier » encore floues par lesquelles les décisions d'autorisation ou d'interdiction de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses) seraient « calées » sur celles de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa).

Mais le point principal en débat demeure la détermination du « bon indicateur » de suivi du futur plan, comme l'a souhaité le Premier ministre, Gabriel Attal, il y a dix jours. Quatre options ont été présentées aux membres du COS. L'indicateur actuel « franco-français » du nombre de doses utiles (ou Nodu) « n'a pas été supprimé », mais doit être confronté à trois solutions alternatives. La première est l'indicateur de risque harmonisé de type 1 (HRI1 (1) ), établi par la directive européenne sur les pesticides de 2009 (SUD) et utilisé par les États membres dans leur reporting national. Les deux autres sont des variantes de celui-ci issues de la stratégie européenne dite « De la ferme à la table » (ou « Farm-to-fork ») et initialement introduites dans la proposition de transformation de la directive européenne en règlement (de SUD en SUR), depuis retirée par la Commission européenne. Le Gouvernement souhaite prendre le pouls des membres du COS sur ces quatre options avant de n'en retenir qu'une seule.

Les associations s'insurgent

“ Nos organisations ne peuvent cautionner ni ce déni de démocratie ni ce retour en arrière de quinze ans ” Huit associations environnementales
Cette nouvelle réunion a surtout été marquée par la défection commune des huit organisations environnementales représentées au COS (Alerte des médecins sur les pesticides, Fondation pour la nature et l'homme, France Nature Environnement, Générations futures, Humanité & Biodiversité, la Ligue de protection des oiseaux, le Réseau Environnement-Santé et WWF France). Pour le ministère de l'Agriculture, il « n'est pas acceptable, alors qu'aucune décision n'a été prise, de quitter une réunion d'échanges et de concertation », affirmant que « le format de ce COS est précisément d'échanger et les ONG se sont privées de la possibilité de faire valoir leurs points de vue ».

Néanmoins, les associations justifient leur action, d'une part, par une absence « de concertation et d'écoute » de la part du Gouvernement envers elles avant cette séance et, d'autre part, compte-tenu des décisions prises ces dernières semaines sur les pesticides, « qui ont été annoncées et prises par quelques personnes, au bénéfice de quelques autres et au détriment de la santé du plus grand nombre, de l'outil de travail lui-même des paysans, de la biodiversité, de l'agriculture biologique et des modèles agroécologiques ». Elles ajoutent, dans une déclaration commune : « Nos organisations ne peuvent cautionner ni ce déni de démocratie ni ce retour en arrière de quinze ans, balayant en quelques jours des mois et même des années de travail collectif où nombre de parties prenantes ont œuvré pour la réussite du plan. »

Nodu vs HRI1

L'un des points les plus controversés pour les associations est la mort annoncée de l'indicateur historique de la stratégie Écophyto. En effet, si le Gouvernement maintient que, « quel que soit l'indicateur retenu, l'ambition restera intacte », ce n'est pas ce qu'elles avancent. La modification de l'indicateur de suivi relève, selon elles, d'un choix politique. « C'est un cadeau à l'agriculture industrielle plus qu'aux agriculteurs dans leur diversité, alors que le monde agricole disait vouloir du soutien, pas des pesticides », s'est insurgé par exemple Jean Bukard, directeur du plaidoyer du WWF France. Pour comprendre cette polémique technique, il faut revenir au fonctionnement des deux principaux indicateurs concurrents.

Le Nodu, employé depuis le lancement du premier plan Écophyto en 2007, prend en compte deux paramètres : la quantité de substances actives (QSA) achetées sur le marché (en tonnes ou kilogrammes) ainsi que les « doses-unités » par substance active et par hectare (en kg/ha). En prenant en compte le dosage des produits utilisés, le Nodu ne varie pas, quand bien même un produit en remplace un autre, de même efficacité mais en plus grande quantité, à « dose » ou traitement équivalent. « La substitution d'un ancien produit par un autre produit, tout autant efficace à plus faible dose [et donc utilisé en moins grande quantité ; NDLR], ne constitue pas un changement des effets potentiels sur la santé ou la biodiversité », explique dans une note, Bernard Chevassus-au-Louis, président de l'ONG Humanité & Biodiversité.

Le HRI1 s'appuie, quant à lui, sur une autre formule. Il pondère la QSA en fonction d'un « coefficient de risque » propre à chaque produit et fixé à 1, 8, 18 ou 64 (correspondant à des catégories de dangerosité reconnue par les autorités européennes). « L'usage de pesticides dangereux homologués à faibles doses peuvent ainsi donner un indicateur plus faible que l'usage de pesticides à bas risque employés en plus grande quantité homologuée », commente à son tour l'association Générations futures. Et inversement, un produit finalement interdit après réévaluation va entraîner une révision des données annuelles préexistantes, afin de réajuster le calcul à son nouveau coefficient de risques (le plus élevé), gonflant les chiffres ultérieurs et dessinant potentiellement une courbe en baisse les années suivantes.

Autre indicateur, autre politique ?

Or, c'est justement ce qu'a laissé entendre le Gouvernement au COS durant cette dernière réunion. « Le HRI1 mesure de façon différente les efforts passés, montrant davantage leur importance sur ces dernières années que le Nodu, s'en explique-t-il. Car les efforts de baisse ont surtout été menés sur des substances dangereuses. De plus, le HRI1 nous permettrait de nous inscrire davantage dans le cadre européen et de projeter nos résultats dans le temps par rapport à ceux des autres pays. » Un argumentaire déjà avancé dans un rapport interministériel interne de 2021, révélé l'année suivante par l'association France Nature Environnement.

Seulement, d'après les calculs de Générations futures, s'appuyant sur les données annuelles du ministère de l'Agriculture, d'une part, et du reporting national auprès de la Commission européenne, d'autre part, le HRI1 a ainsi baissé de 32 % en France entre 2011 et 2021, tandis que le Nodu a augmenté d'environ 3 % dans la même période (avec un bond en 2018-2019 et un creux en 2020). Alors même que depuis 2012, le Nodu, à la différence du HRI1, ne comprend plus les données relatives aux produits à « faible risque », dits de biocontrôle ou utilisés en agriculture biologique, et donc ne reflète plus que « l'usage de produits dont les impacts sont potentiellement plus préoccupants », pour Bernard Chevassus-au-Louis d'Humanité & Biodiversité. À l'inverse, l'indicateur européen « ne prend pas en compte tous les éléments d'analyse de risque justifiant la réduction des usages, en particulier parce qu'il se base sur la seule évaluation a priori des risques de chaque produit, et avec une quantification de ces risques peu fondée scientifiquement ». Il traduit plutôt l'évolution de la « réévaluation des produits par les agences d'expertise, avec le retrait de certains d'entre eux, et non des efforts des agriculteurs pour réduire les usages ».

Autrement dit, un tel parti pris ne reviendrait plus à suivre l'évolution des usages des pesticides mais celles des risques qu'ils représentent, au fur et à mesure que les plus dangereux sont interdits et éventuellement remplacés. Cependant, pour les associations environnementales, cela signifie de s'appuyer, d'une part, sur des évaluations scientifiques institutionnelles hautement limitées et critiquables et, d'autre part, ne pas peser des effets indirects comme la rémanence des substances chimiques sur l'eau, le sol et la biodiversité. Bernard Chevassus-au-Louis persiste et signe. Selon lui, cette décision est de nature à « remettre en cause le principe même de la réduction des usages des pesticides en agriculture, et donc l'existence même d'un nouveau plan d'action dans ce domaine ».

1. Un autre indicateur de risque harmonisé, de type 2 (HRI2), existe également pour calculer le nombre de produits autorisés chaque année.

Réactions1 réaction à cet article

Si ces tours de passe-passe de l'agrobusiness et du gouvernement à sa solde ne passent pas pour les environnementalistes, ils sont tout autant rejetés en bloc par les associations de défense des consommateurs telles que l'UFC Que choisir !

Pégase | 01 mars 2024 à 08h34 Signaler un contenu inapproprié

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