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Énergies renouvelables et biodiversité : comment concilier deux ambitions paradoxales

MAJ le 20/07/2023

Réunis à l'occasion du premier Forum ENR et biodiversité du SER, les acteurs des énergies renouvelables et de la protection de la biodiversité s'accordent à dire que développer simultanément l'un et l'autre est une tâche aussi difficile que paradoxale.

Energie  |    |  F. Gouty
Énergies renouvelables et biodiversité : comment concilier deux ambitions paradoxales
Actu-Environnement le Mensuel N°438
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°438
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Y a-t-il de la place pour tout le monde ? Telle a été la question soulevée au fil du premier Forum national des énergies renouvelables et de la biodiversité, organisé par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et tenu le 5 juillet à Paris. « Aucun objectif ne doit être contradictoire, il nous faut trouver des synergies », a souhaité Jules Nyssen, président du SER, en ouverture. Loi d'accélération des énergies renouvelables (Aper), objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) et renforcement de la protection des espaces naturels et de la biodiversité : les concilier tous en parallèle paraît particulièrement ardu, mais pas impossible.

Le prix de l'accélération

L'enjeu spatial – celui de pouvoir trouver suffisamment de surfaces sur lesquelles développer autant d'énergies renouvelables que prévues (passer de 20 à au moins 33 % dans la consommation d'énergie d'ici à 2030), sans contrevenir à la lutte contre l'artificialisation des sols et la protection de la biodiversité – surgit avant tout d'un décalage temporel. Olivier Thibault, directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB) depuis un mois, en a donné une illustration : « L'OFB vient seulement de lancer un appel à projets de recherche concernant l'impact de l'éolien en mer, dont de premiers résultats sont attendus dans cinq ans. Cependant, d'ici là, le Parlement aura arbitré notre ambition en matière d'énergies renouvelables et l'État aura déjà choisi des zones où les développer sans connaître précisément leurs impacts, risquant de mettre les développeurs juridiquement en porte-à-faux a posteriori. » Il évoquait, en cela, le projet de loi de programmation énergie-climat (LPEC) en cours d'élaboration, qui donnera la couleur de la prochaine Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

« En moyenne, en France, il faut huit ans pour développer un parc photovoltaïque ou éolien terrestre et douze ans pour un site éolien offshore, tandis que nos voisins européens vont parfois deux fois plus vite, a souligné Pierre Cazeneuve, député Renaissance des Hauts-de-Seine et rapporteur de la loi Aper. L'envie d'accélérer engendre des tiraillements, notamment sur le besoin de recourir à des dérogations. » Ces dérogations, le plus souvent à l'interdiction de destruction d'une espèce protégée, sont déjà une source récurrente de conflits entre décarbonation du mix énergétique et protection de la nature.

“ Il faut donner la priorité aux zones à moindre impact environnemental ” Véronique Andrieux, WWF France
Elles ont notamment fait l'objet d'un avis contentieux rendu le 9 décembre 2022 par le Conseil d'État. « Le recours initial soutenait qu'une dérogation devait être due dès l'atteinte potentielle à un seul individu d'espèce protégée, a expliqué Paul Elfassi, avocat associé (BCTG Avocats) et président du pôle réglementaire du SER. L'application d'une telle rigidité aurait été absurde puisque la quasi-totalité des projets peuvent avoir des effets sur des espèces protégées. Elle aurait conduit à exiger systématiquement une dérogation pour tous les projets, ce qui irait à l'encontre du principe de protection stricte des espèces protégées. »

En réponse, la Haute-Juridiction a voulu dégager une solution plus équilibrée. D'une part, la dérogation est exigible seulement si le projet visé comporte un risque « suffisamment caractérisé » pour au moins une espèce protégée. D'autre part, pour être délivrée, elle doit remplir nécessairement trois critères : ne pas exister de solution alternative satisfaisante ; ne pas porter atteinte au maintien, dans un « état de conservation favorable », des populations d'espèces ; et répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Cette même RIIPM que la loi Aper entend étendre à davantage de projets d'énergies renouvelables à travers une « présomption de reconnaissance » au titre de la transition énergétique – à l'instar de ce que compte également introduire le projet de loi Industrie verte.

Apprendre à faire avec ?

Faut-il accepter sans broncher que ces ouvrages ont un impact environnemental inévitable ? Faut-il, par conséquent, contrevenir automatiquement aux deux premières devises de l'axiome « éviter-réduire-compenser » ? Cette même loi Aper prévoit l'instauration de « zones d'accélération », à définir par les collectivités en concertation avec les habitants, sur lesquelles accueillir en priorité des énergies renouvelables. « Il faut donner la priorité aux zones à moindre impact environnemental, aux terres déjà artificialisées ou polluées et en exclure les zones Natura 2000 ou les aires marines protégées », a évidemment soutenu Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France.

Des sites, certes à moindre enjeu environnemental, que la CDC Biodiversité (une filiale de la Caisse des dépôts et des consignations) compte néanmoins déjà mobiliser pour développer des opérations de réhabilitation et restauration, idéales pour de la compensation. « Les zones de biodiversité dégradée, comme notre site naturel de compensation mutualisée de Cossure, dans les Bouches-du-Rhône, doivent aussi être conservées si la compensation doit s'accentuer », a soulevé Valentine Norève, chargée de projets au CDC Biodiversité. Enora Tredan, responsable du programme « Énergies marines renouvelables et biodiversité » de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), est même allée jusqu'à rappeler que la « seule énergie neutre, c'est encore celle que nous ne produisons pas » et appeler à « éviter le simple remplacement d'une énergie par une autre ».

D'autres ont préféré donner à voir les quelques cobénéfices environnementaux des énergies renouvelables. « En Espagne, les premières centrales solaires, installées à l'écart des habitations et sur des terrains préservés du fauchage, invitent la réapparition de certaines espèces, non présentes par ailleurs dans la même région », a par exemple indiqué David Marchal, directeur exécutif adjoint de l'expertise et des programmes de l'Agence de la transition écologique (Ademe). « La création d'un plan d'eau plus calme, pour ralentir le débit d'un cours d'eau en amont d'un ouvrage hydraulique, forme une zone plus favorable aux amphibiens et à l'avifaune », a notamment ajouté Jérôme Brebion, ingénieur pour le bureau d'études Ingé-eau. Quant au sénateur EELV d'Ille-et-Vilaine, Daniel Salmon, attend, quant à lui, la mise en œuvre d'un Fonds biodiversité, alimenté par les développeurs d'énergies renouvelables sous la forme d'une « rétribution ». Et Olivier Thibault de conclure : « Le simple fait d'en débattre et de se poser ces questions ensemble est une partie de la solution. »

Réactions2 réactions à cet article

J'aimerais que l'on mette en perspective les énergies renouvelables et fossiles par rapport aux impacts sur la biodiversité;
quelles sont les 2 premières causes de dégradation de la biodiversité ?
La perte d'habitats et le changement climatique.
La première est causée par l'étalement urbain et les routes. Les EnR arrivent bien bien bien après.
Le deuxième est causé par les énergies fossiles.
La seule réponse trouvée est la sobriété (on est tous d'accord que c'est le mieux !) et les EnR. Donc tant que l'on opposera EnR et biodiversité on sera à côté de la vraie histoire. Ceci n'empêche pas bien sûr de les développer de manière intelligente et en cohérence avec les enjeux de biodiversité locale.

ecovia | 12 juillet 2023 à 14h11 Signaler un contenu inapproprié

Je partage en grande partie votre analyse, ecovia.
A ceci près que la perte d'habitats en milieu rural est très largement provoquée par les changements radicaux opérés depuis les années 60 dans les pratiques agricoles : monoculture intensive à la place de la polyculture extensive, pesticides partout, machinisme agricole démesuré toujours plus rapide et destructeur, disparition des "éléments fixes du paysage" (haies, arbres isolés, vieux vergers, mares, bosquets, etc.), drainage des prairies humides et des tourbières, irrigation industrielle, suppression de vieux bâtiments agricoles propices à la reproduction de nombreuses espèces, pollution massive de l'eau, des sols et de l'air, etc.
A quelques exceptions près (espèces opportunistes), la biodiversité apprécie fort peu cette industrialisation de l'agriculture.

Pégase | 20 juillet 2023 à 09h54 Signaler un contenu inapproprié

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