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Qualité de l'air : derrière les évolutions des textes, des enjeux sanitaires importants

Un accord en trilogue devrait sceller, mardi 20 février, l'avenir de la nouvelle directive européenne sur la qualité de l'air. Un texte crucial au regard des nouvelles limites de concentration des polluants jugées nécessaires par l'OMS.

Décryptage  |  Risques  |    |  N. Gorbatko
Qualité de l'air : derrière les évolutions des textes, des enjeux sanitaires importants

Plus ou moins proche des normes révisées de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ? En 2030 ou pour plus tard ? Le niveau final d'exigence et les délais de mise en œuvre de la prochaine directive européenne sur la qualité de l'air ambiant seront connus mardi 20 février, à l'issue des dernières discussions en trilogue des instances de l'Union. Révisant et fusionnant les deux actes juridiques de 2004 et de 2008, cette nouvelle directive, présentée par la Commission européenne en octobre 2022, portera notamment sur les valeurs limites fixées pour un panel de polluants – dioxyde d'azote (NO2), dioxyde de soufre (SO2), particules fines (PM), cadmium, nickel, benzène, plomb… – et fixera aux pays membres l'objectif d'atteindre « zéro pollution atmosphérique en 2050 ».

Cet accord sera scruté de près par les associations environnementales qui craignent un recul des ambitions, préjudiciable à la santé des populations. Mercredi 14 février, en France, six d'entre elles, comme l'Association Santé Environnement France (Asef), Respire, France Nature Environnement ou le Réseau Action Climat, ont ainsi écrit au président de la République pour l'inciter à défendre à Bruxelles une position plus ferme. Elles seront particulièrement attentives aux seuils de concentration maximale dans l'atmosphère fixés pour les trois polluants les plus néfastes pour la santé humaine : le NO2, les PM10 (particules fines inférieures à 10 micromètres) et les PM2,5 (particules fines inférieures à 2,5 micromètres).

Le curseur se déplace

Aujourd'hui, dans l'Union européenne (UE), les valeurs limites sont de 40 microgrammes par mètre cube (µg/m³) pour le NO2, de 40 µg/m³ pour les PM10 et de 20 µg/m³ pour les PM2,5. La proposition de la Commission européenne d'octobre 2022 visait à les diviser par deux pour les PM2,5, en les passant à 10 µg/m³, et à réduire celles des PM10 et du NO2 à 25 µg/m³. Un progrès, mais encore très loin des cibles de l'OMS revues en 2021 : 10 µg/m³ pour le NO2, 15 µg/m³ pour les PM10 et 5 µg/m³ pour les PM2,5. Le 14 septembre 2023, le Parlement européen tentait de gagner du terrain en proposant l'alignement des valeurs limites européennes sur les recommandations de l'OMS, mais avec un décalage, d'ici à 2035, avec un point d'étape en 2030.

Une solution rejetée par les États. Présenté le 9 novembre, leur mandat de négociation revenait aux cibles fixées par la Commission en y introduisant, de plus, « une certaine souplesse en ce qui concerne le respect des valeurs limites (…) dans les zones où il serait impossible de se conformer à la directive dans le délai fixé en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières ». Ces marchandages autour de quelques microgrammes de plus ou de moins, et sur les délais de mise en œuvre des mesures, n'ont rien d'anodins en raison de leur impact immédiat en termes de vies humaines épargnées ou menacées. Selon les normes actuelles de l'Union européenne (EU) pour les particules PM2,5, par exemple, moins de 1 % de la population urbaine serait exposé à des niveaux nocifs. Mais selon les dernières grilles de lecture de l'OMS, ce pourcentage passe à 97 %…

Des effets ravageurs pour la santé

Or, ces polluants affectent considérablement l'appareil respiratoire, le système cardiovasculaire, et même le cerveau des personnes exposées. Ils favorisent aussi le développement du diabète et l'apparition de cancers. Rien qu'en Île-de-France, Airparif estime à 8 000 le nombre de morts prématurées attribuables chaque année à ces concentrations nocives. En Europe, ce chiffre frôle les 300 000, soit douze fois plus que les victimes d'accidents de la route. À l'échelle mondiale, il est de 7 millions… Parmi les plus touchés : les seniors de plus de 65 ans, les enfants, les personnes déjà malades, mais aussi les groupes les plus défavorisés sur le plan socioéconomique. Ceux qui vivent le plus souvent près des grands axes routiers ou des aéroports et qui bénéficient le moins de possibilités de changer d'air…

Selon l'OMS, la quasi-totalité de la population mondiale respire ainsi un air contenant des niveaux élevés de polluants, surtout en ville, notamment des PM2,5, les plus dangereuses. La pollution atmosphérique dégrade en outre les écosystèmes et la biodiversité. En 2020, selon l'association La Fabrique écologique, plus de la moitié des forêts européennes (59 %) et 6 % des terres agricoles étaient par exemple exposées à des niveaux nocifs d'ozone. Le plan de l'UE « zéro pollution » vise notamment à réduire de 55 % le nombre des décès prématurés en 2030, par rapport à 2005, mais il table aussi sur une réduction de 25 % des écosystèmes menacés par ces émanations nocives.

Des progrès établis

Depuis les années 1980, plusieurs actes législatifs européens se sont ajoutés les uns aux autres pour s'attaquer au problème, comme la directive de 2016 sur les engagements nationaux de réduction des émissions, les normes Euro 7 sur les véhicules, les règles relatives aux émissions industrielles ou les deux règlements adoptés le 29 janvier dernier sur l'interdiction des gaz à effet de serre fluorés et sur la proscription des substances appauvrissant la couche d'ozone. Sous l'influence de ces textes, la situation s'est nettement améliorée, quoiqu'avec des résultats inégaux selon les pays. Des systèmes de modélisation et de surveillance se sont notamment mis en place.

Un appel à contribution pour évaluer les stratégies européennes

La Commission européenne envisage-t-elle la question de la qualité de l'air de la meilleure manière possible et que faut-il penser des solutions envisagées ? Les citoyens de l'Union ont jusqu'au 14 mars 2024 pour donner leur avis sur le site de cette instance, lancée dans l'évaluation de sa directive de 2016 sur les engagements des pays en matière de réduction de leurs émissions nationales. Selon l'article 13 du texte, la Commission doit en effet réexaminer celui-ci au plus tard le 31 décembre 2025. Elle cherche donc à déterminer dans quelle mesure il a atteint ses objectifs de protection de la santé humaine et de l'environnement en réduisant les émissions nationales des cinq principaux polluants atmosphériques et s'il a créé des synergies avec d'autres politiques de l'Union.

Entre 2005 et 2022, la Commission européenne enregistre une diminution des disparitions prématurées de 45 %, plaçant l'Union sur la voie d'atteindre l'objectif fixé à l'horizon 2030 : – 55 % de décès par rapport à 2005. En termes d'émissions, Airparif note, pour sa part, des baisses de 20 à 40 % des concentrations en Île-de-France, en fonction des polluants. « C'est énorme, alors que dans d'autres zones du globe, la pollution atmosphérique continue d'augmenter », souligne Karine Léger, directrice générale de l'association. Pierre Pernot, ingénieur au sein de son équipe, confirme cet effet levier de la réglementation. « Elle a créé une dynamique », estime-t-il.

Une équation difficile à résoudre

Mais cela ne suffit toujours pas. L'OMS ayant montré que la contamination de l'air commençait à impacter la santé humaine à partir de niveaux de concentration de polluants beaucoup moins élevés que ce qui était soupçonné auparavant, tout l'enjeu est donc désormais d'approfondir ces démarches en composant avec des opinions publiques rétives et plusieurs États membres tout aussi réticents : les utilisateurs de charbon, comme la Pologne, mais aussi les pays déjà rappelés à l'ordre par l'Union européenne pour des dépassements comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la France. Laquelle se trouve encore en situation de dépassement pour le dioxyde d'azote et les PM10 à Paris, Lyon et Strasbourg. « Le recul de la date d'échéance pour l'application de la directive initialement fixée à 2030 pourrait jouer un rôle dans la construction d'un consensus », avance Pierre Pernot.

Outre ses bénéfices dans le domaine sanitaire, lutter contre cette pollution conduirait aussi les États à faire des économies : son coût s'élèverait à plus de 100 milliards d'euros par an, selon un rapport sénatorial de 2020. Mais le choix d'une stratégie n'a rien d'évident pour les gouvernements tant cette pollution résulte d'activités et d'usages quotidiens des habitants : le transport routier, principal émetteur d'oxydes d'azote à l'échappement et de particules fines par le contact du véhicule avec la route comme par l'abrasion des pneus et des freins, le chauffage au gaz ou au bois, les chantiers… À cela, il faut ajouter le trafic aérien, moins polluant qu'autrefois mais en constante augmentation en termes de nombre de vols, et l'agriculture, source majeure d'ammoniac, via l'épandage d'engrais azotés.

Du surplace pour plusieurs sujets

En France, la réduction de l'usage des engrais (- 12,9 % en 2022) s'explique surtout par la hausse vertigineuse de leur prix, et la limitation du trafic aérien confine à l'inexistant. Les mesures en faveur de la voiture électrique ont certes débouché sur une progression des ventes. Mais cette évolution ne règle pas pour autant la question des particules fines et la mise en place des zones à faibles émissions s'avère plus que poussive. Pourtant, pour Airparif, à titre d'exemple, le « simple » fait de mettre fin à la circulation de tout véhicule diesel au sein de la métropole du Grand-Paris au profit de transports non thermiques, en plus des actions déjà menées, permettrait déjà d'atteindre les objectifs de la future réglementation pour le NO2 en 2030.

La question du chauffage au bois, de son côté, évolue lentement. La France compte diviser par deux les émissions des particules fines issues de ce mode de chauffage d'ici à 2030, en remplaçant 600 000 vieux appareils. L'Ademe, pour sa part, serait de plus en plus réservée vis-à-vis de cette source d'énergie pour les particuliers. Quant à la loi censée fixer « les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique », inscrite dans la loi Énergie et climat de 2019 et attendue en France cette année, elle se concentre pour le moment uniquement sur la production énergétique.

De nouveaux chantiers à ouvrir

La nouvelle directive devrait malgré tout acter d'autres avancées : l'établissement de feuilles de route de tous les États ou seulement de ceux qui dépassent les limites, la création de systèmes d'alerte pour mieux protéger la population, ou encore la mise en place de supersites de surveillance combinant plusieurs points de prélèvement afin de recueillir des données à long terme sur de nombreux polluants couverts par la directive ou émergents. « Ils permettront de mieux comprendre les phénomènes qui régissent la pollution de l'air, l'apparition ou la disparition de certains polluants, mais aussi de faire le lien avec d'autres problématiques comme le réchauffement climatique et la mesure des gaz à effet de serre », approuve Pierre Pernot.

Le texte devrait aussi offrir aux citoyens et aux ONG, lésés ou insatisfaits des mesures prises par les États, un accès à la justice et à des indemnisations. Toute procédure de recours judiciaire devrait en outre être « équitable, rapide et d'un coût non prohibitif ». Lorsque les colégislateurs auront tranché sur les polluants les plus classiques et que la directive aura été transcrite dans les droits nationaux, la discussion ne sera pas close pour autant. Car de nouvelles menaces se profilent déjà : particules ultrafines ou nanoparticules, perturbateurs endocriniens, pesticides dans l'air, carbone suie... Autant de nouveaux sujets d'étude : « Pour pouvoir fixer des valeurs de référence, il faut disposer de mesures de concentration afin que les épidémiologistes puissent mieux renseigner, d'un point de vue quantitatif, le lien entre concentration et impact sur la santé », explique Antoine Trouche, lui aussi ingénieur au sein d'Airparif. Le processus est encore loin de s'achever.

Réactions1 réaction à cet article

On progresse évidemment mais la tâche est rude quand on voit à quel point toute notre économie engendre de poisons. C'est là également où l'on touche du doigt la nocivité de la croissance sans limites, car ce qui est tolérable pour 40 millions d'habitants ne l'est plus pour 80. Et ce n'est pas la baisse des émissions qui suffira si la croissance se poursuit, on le voit bien avec l'aviation. Pourquoi personne ne veut -il considérer la solution d'une décroissance soft et progressive sachant qu'elle sera inévitablement obligatoire tôt ou tard ?

gaïa94 | 22 février 2024 à 18h15 Signaler un contenu inapproprié

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