
Président du SER
Actu-environnement : Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle des énergies renouvelables en France ?
Jean-Louis Bal : L'objectif français de 23% d'énergies renouvelables en 2020 peut être dépassé. Selon nous il doit constituer un objectif minimum à atteindre car les technologies sont disponibles. Seule la volonté politique peut lever les freins pour développer massivement les énergies renouvelables et débrider le potentiel notamment via la réglementation de l'éolien et des moyens financiers suffisants. Si rien ne change, l'objectif ne sera pas atteint et il manquera sept millions de tonnes équivalant pétrole (Mtep) sur un objectif de 36 Mtep en 2020.
Le contexte actuel devrait nous inciter à accentuer l'effort en faveur des énergies renouvelables : le prix des énergies fossiles est à la hausse, les dernières études scientifiques sur les changements climatiques ne sont pas optimistes et les énergies renouvelables enregistrent régulièrement des progrès technologiques. Par ailleurs, Fukushima change la donne, on ne peut plus envisager le mix électrique comme avant.
AE : On reproche souvent le coût élevé des énergies renouvelables. Que répondez vous à cela ?
JLB : Le prix de l'électricité va être fortement impacté dans les années à venir, et les énergies renouvelables ne seront pas les premières responsables. Il va falloir financer l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires, améliorer la sûreté des réacteurs suite à la catastrophe de Fukushima et enfin intégrer le coût des énergies renouvelables. Cependant, s'agissant des renouvelables, les coûts ne cessent de baisser et ces énergies seront rapidement compétitives. Si l'on regarde le photovoltaïque, le coût a baissé de 30 à 40% en 2009, de 10 à 15% en 2010 et cela va continuer.
Malheureusement, les hommes politiques attendent que le prix des énergies atteigne des sommets pour réagir, alors que c'est justement lorsqu'elles ne sont pas trop chères qu'il faut agir et anticiper.
AE : Comment envisagez-vous l'année 2012 et la campagne présidentielle ?
JLB : Nous préparons un livre blanc sur les énergies renouvelables pour relancer une dynamique favorable. Nous le soumettrons aux candidats de la Présidentielle afin que les propositions du SER soient discutées durant la campagne.
Nos propositions traiteront à la fois de la demande et de l'offre. Du côté de la demande, il s'agit d'évaluer tous les dispositifs de soutien et du côté de l'offre l'objectif est de valoriser le contenu industriel des filières françaises.
AE : Aujourd'hui les départements et les régions semblent investir le terrain abandonné par l'Etat ? Comment considérez-vous ces initiatives locales ?
JLB : C'est certainement un bon relais, mais il ne faudrait pas que le gouvernement se défausse sur les collectivités territoriales car la stratégie énergétique nationale reste une compétence de l'Etat. Les régions et les départements soutiennent les énergies renouvelables pour des raisons environnementales certes, mais surtout dans une optique de développement local et de défense de l'emploi. C'est une bonne chose, mais nous attendons avant tout que l'Etat assume ses responsabilités.
AE : Les moyens financiers dont dispose le Fonds chaleur ne semblent pas suffisants face à la demande. Craignez-vous un blocage en fin d'année ?
JLB : C'est effectivement une crainte sérieuse. Le problème c'est la limitation des moyens qui a été imposée à l'ADEME pour le Fonds chaleur : 260 millions d'euros pour 2011 contre les 500 millions initialement prévus à l'issue du Grenelle de l'environnement. Les projets continuent à arriver et il y aura donc probablement des reports, voire des annulations, en fin d'année.
AE : Le classement mondial des investissements dans les énergies renouvelables, réalisé par le Pew Charitable Trusts, met en avant l'importance pour la France des petits projets solaires français. Ils ont progressé de 150% en 2010, y voyez-vous un signe d'adhésion des citoyens ?
JLB : C'est vrai que le photovoltaïque est l'énergie renouvelable la plus populaire, les sondages de l'ADEME le confirment régulièrement. Elle bénéficie d'une très bonne image de haute technologie et elle est favorable à la protection de l'environnement. Cependant si la situation a été favorable en 2010, ce n'est pas uniquement pour ces raisons, puisque les tarifs d'achat étaient très attractifs.