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Climat et environnement : un sujet devenu majeur pour les entreprises

Entre polycrises et réglementations, les dirigeants français n'ont pas eu d'autres choix que d'intégrer la question environnementale dans leurs stratégies d'entreprise. Au point d'y prendre goût et de faire désormais figure de chefs de file mondiaux.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Climat et environnement : un sujet devenu majeur pour les entreprises
Actu-Environnement le Mensuel N°443
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°443
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La tendance se profilait déjà ces dernières années, mais plusieurs récentes études la confirment aujourd'hui : les enjeux climatiques et environnementaux s'imposent de plus en plus comme un objet de préoccupation majeur des dirigeants d'entreprises françaises. Interrogés par l'Agence de la transition écologique (Ademe) en juillet dernier, ces patrons placeraient désormais cette thématique en tête des questions « les plus importantes aujourd'hui pour la France », devant la hausse des prix et l'emploi. Parmi les sujets qui les alarment le plus figurent le changement climatique (30 %) – plus de la moitié d'entre eux appréhendent d'ailleurs ses conséquences possibles pour leur organisation –, la pollution de l'eau (20 %), la dégradation de la faune et de la flore (17 %) et la pollution de l'air (16 %).

Concrètement, ces responsables jugent déjà leur activité touchée par l'augmentation du coût de l'énergie (77 %), par les modifications climatiques (40 %) et par celle des rendements agricoles (20 %). Les catastrophes naturelles impactent par ailleurs près d'une entreprise sur cinq (18 %). Les dirigeants sont également 40 % à évoquer la nécessité de développer les énergies renouvelables et de réduire leurs consommations d'énergies fossiles. D'après la dernière édition de l'étude « Global Ceo Survey » du cabinet d'audit et de conseil PwC, publiée lundi 15 janvier, une grosse majorité (60 %) d'entre eux estimeraient en outre leur société menacée s'ils ne la transformaient pas dans la prochaine décennie. L'année dernière, ils n'étaient que 45 % à le penser…

Une série d'actions déjà engagées

« Gilets jaunes, Covid, sécheresse, guerre en Ukraine… Depuis quelques années, ils enchaînent crise sur crise, analyse David Laurent, directeur de la transformation écologique de l'association Entreprises pour l'environnement (EpE). L'année 2024 débute en outre avec des inondations. Cela affecte forcément leur business comme leur état d'esprit. » Face à la situation, ces dirigeants ne restent cependant pas passifs. Selon PwC, les trois quarts d'entre eux ont ainsi lancé des actions de décarbonation et 85 % déclarent avoir défini ou mis en place des mesures destinées à améliorer l'efficacité énergétique de leur société.

« Il ne s'agit plus de comportements et de gestes individuels, mais d'un véritable changement collectif de paradigme, souligne David Laurent. Après avoir fourni des efforts durant deux hivers en raison de la conjoncture, les entreprises vont se voir contraintes d'inscrire la sobriété dans le long terme. Ce qui implique de donner aux équipes les moyens de la mettre en œuvre. » Les deux tiers des sociétés ont aussi développé de nouveaux produits et services plus durables. Certaines vont jusqu'à modifier leur modèle d'affaires comme le groupe Vinci, qui réduit ses activités de construction au profit de la rénovation des bâtiments, ou SEB, qui s'engage en faveur de la réparabilité de ses équipements.

L'argent au cœur des transformations

L'intégration du climat dans la planification financière des organisations a également augmenté et, selon le cabinet PwC, les critères ESG jouent désormais un rôle dans les conditions d'une transaction. Ces considérations peuvent ainsi amener 77 % des entreprises à réaliser une opération ou non, voire à se séparer d'entités non respectueuses de leurs engagements. Quelque 44 % des chefs d'entreprise se disent par ailleurs prêts à accepter une performance plus faible pour des investissements respectueux du climat, mais pas au-delà d'une perte de rendement de 4 %, pour les deux tiers d'entre eux.

“ Le développement durable n'est plus anecdotique, il est désormais devenu stratégique ” Géraldine Fort, Orse
Un rapport de l'Institut de la finance durable, communiqué jeudi 11 janvier, montre en outre une nette progression de l'intégration des enjeux climatiques dans la rémunération des dirigeants : 87 % des entreprises du SBF 120 et 98 % des sociétés du CAC 40 ont d'ores et déjà ajouté un ou plusieurs critères climatiques dans la rémunération variable de leurs directeurs. Une approche approuvée par les investisseurs. Dorénavant, une majorité d'entre eux considère la durabilité comme une source de création de valeur, encore insuffisamment assimilée à leur goût. « Le développement durable n'est plus anecdotique, il est désormais devenu stratégique, résume Géraldine Fort, déléguée générale de l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse). Il n'est plus un vœu pieu. Maintenant, il faut s'engager. »

Biodiversité et adaptation encore en retrait

Comme dans le reste de la société, la prise en compte de la biodiversité demeure cependant à la traîne. Alors que 55 % du PIB mondial dépendraient modérément à fortement de la nature, « les entreprises ne semblent pas encore avoir pris totalement la mesure de l'enjeu que fait peser l'érosion de la biodiversité sur la pérennité de leur modèle », remarque Sylvain Lambert, cofondateur du département RSE de PwC. Elles ne font guère mieux en matière d'adaptation au changement climatique, mais le virage est pris, comme le montre l'importance grandissante du sujet dans les débats des COP 27 et 28. « La climatisation n'étant pas une option, la question de l'isolation des bâtiments va devenir un sujet important, mobilisant des sommes considérables sur plusieurs années », indique Sylvain Lambert.

Selon l'Ademe, 64 % des entreprises envisagent d'ailleurs ou ont déjà effectué des travaux pour réduire la vulnérabilité de leurs locaux, 41 % ont fait évoluer leur modèle d'affaires, 41 % ont mené un diagnostic et 40 % ont revu leur chaîne d'approvisionnement ou de distribution. À noter, la proportion non négligeable de celles qui ont changé de territoire ou d'activité face à la menace : respectivement 5 et 3 %.

La France en avance sur ces sujets

Sur tous ces terrains, les dirigeants français se révèlent beaucoup plus concernés et proactifs que la moyenne planétaire, distançant leurs homologues étrangers de dix points au moins pour la plupart des items. Une avance que Sylvain Lambert attribue en partie à l'antériorité du pays en matière de réglementation. « Loi Nouvelles Régulations économiques (NRE) en 2001, loi Grenelle de l'environnement en 2009, mise en place de la déclaration annuelle de performance extra-financière (DPEF) en 2017, Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) aujourd'huiAvec le droit sur les installations classées, nous enchaînons les textes depuis quarante ans, rappelle-t-il. À ce jour, la France est d‘ailleurs le seul pays d'Europe à avoir transposé la directive CSRD. Les analyses et les débats, avec les ONG, les organisations patronales et les experts notamment, qui précédent l'adoption de ces textes, contribuent au partage et à la diffusion de leur contenu. »

Effective depuis le 1er janvier pour les plus grandes sociétés, l'application de cette directive amplifie encore le phénomène. « Il s'agit d'un tsunami réglementaire qui va demander aux organisations de se transformer. Elles n'ont plus le choix », prédit Géraldine Fort. L'impact sera d'autant plus important que le texte implique cette fois les services financiers. « Le sujet du développement durable est désormais extrêmement concret pour cette autre partie de la population, observe David Laurent. On observe d'ailleurs déjà des fusions s'opérer dans les entreprises entre le département du développement durable et celui des finances. »

Un terreau fertile

La France compte aussi quelques patrons emblématiques, comme Emmanuel Faber chez Danone ou Didier Boudy chez Mademoiselle Desserts, qui se sont engagés en faveur de la durabilité. « Leurs prises de parole ont eu un impact assez fort », explique Sylvain Lambert. De même, c'est dans l'Hexagone que s'est déroulée la COP 21. La première à déboucher sur un objectif de neutralité, à déterminer le fonctionnement des rendez-vous suivants et à mobiliser autant le secteur privé, laissant une empreinte durable dans ce public. C'est encore sur ce territoire que de jeunes étudiants en écoles d'ingénieur prônent un « réveil écologique », depuis 2018, interpellant profondément des dirigeants souvent sortis des mêmes formations.

Pour mettre en œuvre les changements, les responsables disposent de plusieurs leviers. Ainsi, la collecte des données constitue un nouvel outil d'aide à la décision, d'ailleurs dopé par la directive CSRD et sa prise en compte plus importante des impacts des activités sur l'environnement. Beaucoup favorisent aussi une approche plus collective des sujets : en interne comme avec l'ensemble des parties prenantes. « L'obligation de faire différemment, avec d'autres fournisseurs et d'autres acteurs, nous pousse à travailler en mode projet », analyse Géraldine Fort. Ce dialogue, y compris avec les partenaires sociaux ou avec ses pairs, tend à s'intensifier, afin de mieux partager les enjeux. « Les entreprises ne peuvent pas tout savoir ni tout faire, mais elles savent qu'elles ont besoin d'agir avec d'autres acteurs pour cela », insiste David Laurent.

Formation et implication en extension

En témoignent la création de la Coalition pour la transition écoénergétique du maritime (T2EM), en 2020, par l'écosystème du secteur, des entreprises, des pôles de recherche et l'Ademe, entre autres, ou encore le lancement de l'Alliance pour la décarbonation de la route, en décembre dernier, réunissant notamment des acteurs publics et privés de la mobilité, des gestionnaires d'infrastructures, des universitaires et une fondation. Autre appui indispensable : la montée en compétence des équipes sur les sujets durables, les nouveaux procédés et les nouveaux métiers, y compris pour les directeurs et les membres des conseils d'administration.

Les deux tiers des entreprises auraient déjà mis en œuvre ces nouveaux chantiers : à la fois pour former en interne leurs collaborateurs, faute de trouver ces compétences sur le marché de l'emploi, et pour montrer aux candidats leur intérêt pour ces sujets. « Aujourd'hui, mêmes les stagiaires vérifient que l'entreprise ne pratique pas le greenwhashing », souligne Géraldine Fort. Comme le montre l'étude Ecotaf, présentée par l'Ademe jeudi 11 janvier, les dirigeants peuvent aussi trouver du renfort auprès de leurs salariés les plus sensibilisés, parfois réunis au sein de collectifs. « Bien sûr, cela crée des zones de frottement. Le directeur RSE peut être bousculé par ces collectifs, mais ils font bouger les lignes », commente Géraldine Fort.

Preuve de cette métamorphose des patrons français : 88 % seraient aujourd'hui favorables à des mesures interventionnistes de la part des pouvoirs publics dans le domaine environnemental. Ils seraient 84 % à souhaiter l'instauration d'un prix élevé du carbone et même 78 % à juger prioritaire une révision profonde du système économique du pays en faveur des activités durables, de la santé et de la cohésion sociale…

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