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Comment les actions de sensibilisation écologique affectent les entreprises

L'Ademe s'est intéressée aux nouvelles formations aux enjeux écologiques, qui fleurissent dans les entreprises. Ces initiatives, souvent portées par de salariés « écotafeurs », pourraient avoir des conséquences sur les modèles d'organisation et direction.

Gouvernance  |    |  F. Gouty
Comment les actions de sensibilisation écologique affectent les entreprises
Actu-Environnement le Mensuel N°443
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°443
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La mobilisation écologique est en marche dans la société française : chez les étudiants et les chercheurs d'abord, chez les enseignants, les fonctionnaires et les élus ensuite et, de plus en plus, chez les salariés. L'association La Fresque du climat affirme avoir dépassé, en 2023, le million de personnes formées à son atelier éponyme, majoritairement destinés aux entreprises, depuis son lancement en décembre 2018. D'autres associations ou entreprises fournissant des prestations similaires ont depuis fleuri. Une enquête sociologique (1) de l'Agence de la transition écologique (Ademe), publiée le 11 janvier, s'est intéressée à leurs modalités et leurs conséquences.

Panorama des sensibilisations écologiques

Le travail de l'Ademe a tenté de caractériser, d'une part, douze dispositifs du genre et, d'autre part, le comportement à leur égard des salariés, en particulier, des responsables RSE d'une douzaine d'entreprises participantes. L'Ademe s'est ainsi arrêtée sur quatre formes de prestations externes : les ateliers, comme ceux de La Fresque du climat ou de l'association 2tonnes ; les réseaux d'experts et de conseillers, comme le syndicat Printemps écologique ; les parcours de formation, comme celui de Corporate For Change ; ou les simples webinaires, à l'instar de ceux dispensés par l'entreprise Lakaa. Certains se destinent davantage à une sensibilisation à l'échelle des salariés (par exemple, Printemps écologique) ou de l'entreprise entière (2tonnes) et, parallèlement, certains se tournent vers l'engagement citoyen et les écogestes (2tonnes également), tandis que d'autres poussent jusqu'à repenser le modèle d'activité (Corporate For Change).

Pour mieux connaître leurs effets au sein des entreprises, l'Ademe en a suivi douze (majoritairement des grandes entreprises) ayant fait appel à au moins un des quatre prestataires suivants : 2tonnes, Corporate For Change, Lakaa et le réseau Les Collectifs. « L'animation d'ateliers 2tonnes en entreprise résulte bien souvent de la démarche personnelle d'un salarié, qui y a participé dans un cadre associatif, puis a choisi de se former, et ses collègues sont une cible évidente dans une logique de prosélytisme écologique, constate l'Ademe dans son rapport. Puis il peut faire alliance avec le service RSE qui y voit un moyen d'enrichir sa stratégie par une nouvelle brique de sensibilisation ne demandant pas de budget supplémentaire. » A contrario, recourir à « une plateforme comme Lakaa est davantage le résultat d'une recherche d'alternatives, à la suite d'échecs d'actions de sensibilisation antérieures. Le lancement de ce type de dispositif nécessite que l'entreprise dégage un budget pour acheter une prestation, ce qui requiert l'accord de la hiérarchie, et l'obtenir demande un véritable engagement de la part du responsable RSE, qui devient alors solidaire de la réussite du dispositif. »

Les difficultés d'une mobilisation générale

En somme, résume Anaïs Rocci, sociologue à l'Ademe et coordinatrice de l'enquête, « nous observons que peu à peu, les salariés ne se voient plus seulement comme des travailleurs, mais aussi comme des acteurs politiques dont les choix contribuent à façonner la transition écologique de l'entreprise ». Quand elle choisit de recourir à un dispositif de sensibilisation écologique, cette nouvelle forme de mobilisation peut prendre trois formes : une dissémination progressive par un « salarié moteur » (surnommé « écotafeur » par l'Ademe), directement à l'initiative de tels ateliers ; une diffusion portée par le programme de RSE ; ou l'organisation d'un événement interne pour « générer du buzz ». D'après l'Ademe, ces trois stratégies ne se valent pas. La première réussit généralement à mobiliser 20 % de l'effectif en un an, tandis que la troisième y parvient en une journée, mais requiert une organisation plus lourde. La deuxième, menée par le responsable RSE, permet quant à elle de toucher « 60 % des salariés d'une PME en six mois ».

“ Ces formations ouvrent la question d'un crédit temps écologique alloué sur le temps de travail ” Ademe
Si l'engagement écologique gagne de plus en plus d'entreprises, il n'est pas sans obstacle. Le rapport en cite trois : le temps à allouer au dispositif choisi, la réticence managériale et le retrait des comités sociaux et économiques (CSE). Selon l'Ademe, le temps constitue effectivement « le principal point dur » de la mobilisation des salariés : « (Les salariés concernés) ne disposent presque jamais d'un temps dédié, accordé par l'entreprise, alors que certains d'entre eux y consacrent plusieurs heures par semaine, (ouvrant) la question d'un crédit temps écologique alloué sur le temps de travail. » Le management intermédiaire, quant à lui, rejette souvent cette mobilisation, la considérant comme un « temps perdu » face aux « priorités opérationnelles de court terme ». Les représentants syndicaux, pourtant incités par leurs centrales à s'engager sur les enjeux écologiques, apparaissent en retrait « alors même que la loi Climat et résilience de 2021 leur attribue de nouvelles prérogatives environnementales », notamment l'information et la consultation du CSE sur les conséquences environnementales de la gestion de l'entreprise.

Des effets indirects sur les mentalités ?

Cette implication salariale, à travers ateliers et séminaires, porte-t-elle ses fruits ? À en croire Dimitri Budois et Rustam Romaniuc, chercheurs au Centre d'économie de l'environnement de l'université de Montpellier, dans une tribune (2) publiée par Le Monde, « il n'existe aucune preuve de l'impact d'une formation de sensibilisation aux enjeux climatiques sur les attitudes et surtout sur les comportements des personnes l'ayant suivie ». Les auteurs citent en cela une étude (3) d'avril 2019 portant sur les conclusions d'une expérimentation relative à une formation sur l'inclusivité et ne montrant aucune réelle amélioration comportementale. Craignant l'émergence d'une forme de greenwashing déculpabilisateur, ils invitent à mettre en place des systèmes d'évaluation de ces formations.

Néanmoins, pour l'Ademe, deux constats se sont pourtant imposés. En premier lieu, ces initiatives alimentent l'évolution actuelle vers un modèle « plus contributif (que) hiérarchique » d'organisation de l'entreprise, notamment au niveau de la branche RSE. « Une partie des salariés engagés revendique un droit d'expression sur les stratégies d'entreprise dont la définition relève en théorie de la seule responsabilité des dirigeants », en particulier sur le plan environnemental, étaye le rapport.

Second constat : ces formes de mobilisation, quoi qu'elles permettent de dépasser les simples écogestes pour installer une « culture partagée de la transition écologique dans l'entreprise », révèlent un dilemme chez les salariés impliqués. Ce phénomène, que les sociologues de l'Ademe qualifient de « dilemme de "l'insider activist" », est à double tranchant. Un sentiment renforcé de loyauté peut laisser place à une frustration lorsque les pistes de transformation formulées ne sont pas suivies par les décisionnaires. « Leurs aspirations doivent être mieux prises en compte pour que l'entreprise reste attractive à leurs yeux » et conserve ces « profils à haute valeur ajoutée ».

1. Télécharger le rapport de l'Ademe
https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2024/01/ECOTAF-synthese-globale-1.pdf
2. Accéder la tribune dans Le Monde
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/03/il-n-existe-aucune-preuve-de-l-impact-d-une-formation-de-sensibilisation-aux-enjeux-climatiques-sur-les-comportements_6203652_3232.html#
3. Accéder à l'étude
https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1816076116

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