Le lien de causalité entre l'exposition prénatale au glyphosate et les malformations du larynx, de l'œsophage et du système respiratoire de Théo Grataloup a été reconnu en mars 2022 par le Fonds d'indemnisation des victimes des pesticides (FIVP), a révélé sa mère, Sabine Grataloup, sur France Télévisions le 9 octobre.
Il s'agit d'une première victoire pour un combat entamé depuis des années par cette famille. Pour rappel, Sabine Grataloup avait utilisé du Glyper, un herbicide à base de glyphosate, dans son centre équestre alors qu'elle était enceinte, en 2006. Depuis sa naissance en 2007, Théo, atteint d'une atrésie de l'œsophage, a dû subir plus de cinquante interventions chirurgicales. « Ce soir, je suis heureuse, mais ce n'est pas fini. Notre action judiciaire contre Bayer continue, et nous sommes plus que jamais déterminés à nous battre pour qu'il n'y ait plus jamais d'autre victime du glyphosate », a déclaré Sabine Grataloup.
L'exposition prénatale aux pesticides reconnue pour deux enfants
Depuis sa création en 2020, le fonds d'indemnisation a reconnu le cas de deux enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale, et en a refusé un autre. Neuf autres dossiers auraient été déposés en 2021 et en 2022. « S'agissant des enfants atteints d'une pathologie causée par leur exposition prénatale du fait de l'exposition professionnelle de l'un ou l'autre de leurs parents à des pesticides, le nombre de demandes est encore faible, mais des actions de communication ont été menées pour améliorer la visibilité du fonds », indique le fonds dans son bilan d'activité 2022, publié fin août.
La reconnaissance de la maladie en lien avec les pesticides ouvre droit à une prise en charge à 100 % des soins inhérents à la maladie et à une indemnisation (environ un millier d'euros par mois pour Théo). Cette dernière est déterminée par un barème, qui fixe des taux d'atteinte. Ce barème est défini dans un arrêté pour cinq pathologies identifiées par les experts comme ayant un lien de causalité avec les pesticides : leucémie, tumeur cérébrale, fente labiopalatine, hypospadias et troubles du neurodéveloppement. Ce qui n'empêche pas le dépôt d'une demande lorsque la pathologie de l'enfant ne figure pas sur l'arrêté.
Le FIVP rappelle que tous les travailleurs actifs comme retraités, les conjoints collaborateurs et aidants familiaux et les salariés, qui ont été exposés au chlordécone en outre-mer, peuvent déposer une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle liée à cette substance, y compris pour les enfants exposés à ces produits durant la période prénatale.
Expositions professionnelles : les demandes ont doublé en un an
Concernant les victimes professionnelles, les demandes déposées auprès du fonds ont augmenté de 100 % en 2022, pour dépasser le seuil des mille dossiers déposés en trois ans. « Cette croissance s'explique notamment par les évolutions législatives ainsi que l'adaptation et la création de tableaux de maladies professionnelles permettant d'étendre le champ des bénéficiaires et de faciliter les modalités de reconnaissance », justifie François-Emmanuel Blanc, directeur général de la CCMSA (Caisse centrale de la mutualité sociale agricole), qui pilote le fonds.
Ainsi, 645 dossiers ont été déposés et 539 ont été instruits en 2022. Les demandes émanent à 92 % de travailleurs agricoles ou de professions exposées aux pesticides (SNCF, RATP…) et 92 % des requérants sont des hommes, retraités dans un peu plus de la moitié des cas. « Les trois secteurs (cultures céréalières légumineuses/industrielles, polyculture/élevage, viticulture) majoritairement représentés en 2021 sont en très forte augmentation pour l'année 2022 », note le FIVP. Quarante pour cent des demandes concernent le cancer de la prostate et 20 % les hémopathies malignes. Près de 20 % des demandes portent sur des pathologies non inscrites dans un tableau de maladie professionnelle.
Ces demandes ont donné lieu à 439 accords et 100 refus. « Il est constaté une augmentation du taux des décisions d'avis favorables en 2022 portés principalement par le nombre de demandes relatives au cancer de la prostate. La reconnaissance de la maladie professionnelle « cancer de la prostate » par la création du tableau spécifique a contribué à une augmentation du pourcentage du nombre de demandes présentées par des hommes retraités et du nombre de décisions favorables », indique le rapport.
En parallèle, 178 demandes ont été déposées devant le Comité de reconnaissance des maladies professionnelles en lien avec les pesticides (CRMP). Ce dernier est notamment saisi lorsqu'une demande porte sur une maladie non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, pour qu'elle se prononce sur l'existence ou non d'un lien « essentiel et direct » entre la pathologie désignée et l'exposition professionnelle aux pesticides. Sur 96 demandes pour pathologie non désignée, 31 avis favorables ont été rendus, notamment pour des victimes souffrant de la maladie de Parkinson, de tumeurs cérébrales de type glioblastomes, de démence à corps de Lewy et de cancers broncho-pulmonaires.