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Exploration ou exploitation, ces quelques lettres qui changent tout pour les grands fonds marins

À l'heure du One Ocean Summit à Brest, la stratégie française d'exploration et d'exploitation des grands fonds marins inquiète. Si pour l'instant le mot d'ordre est l'exploration et l'acquisition de connaissances, l'exploitation est bien en ligne de mire.

Gouvernance  |    |  F. Roussel
Exploration ou exploitation, ces quelques lettres qui changent tout pour les grands fonds marins

C'est en grande pompe que la France organise, depuis mercredi 9 février, le One Ocean Summit. Un rendez-vous de trois jours, à Brest (Finistère), pour renforcer la coopération internationale en faveur de l'océan. « La France et ses partenaires internationaux relanceront, avec vigueur et ambition, un Agenda international de l'océan, largement suspendu depuis deux ans par la crise sanitaire, promet le président de la République. Emmanuel Macron « souhaite que ce rendez-vous donne l'impulsion nécessaire au démarrage d'une année 2022 décisive pour enrayer la dégradation de nos mers ».

Pour la ministre de la Mer, Annick Girardin, c'est « la première fois que nous assistons à une mobilisation forte pour les océans ». Et c'est surtout l'occasion de faire avancer de nombreux sujets internationaux en souffrance, comme le futur traité pour préserver la biodiversité en haute mer. (1) Cet instrument international doit définir les mécanismes de gouvernance pour la création et la gestion des aires marines protégées (AMP) et imposera des études d'impact sur toutes les activités.

Mais ce One Ocean Summit est aussi l'occasion d'interroger le gouvernement français sur sa politique maritime, d'autant plus qu'il en est l'organisateur. Les associations de protection de l'environnement ne se font pas prier pour pointer du doigt les incohérences entre politique nationale et prise de position internationale sur de nombreux sujets : contentieux sur les dauphins et la pêche dans le golfe de Gascogne, débat sur le niveau de protection des aires marines protégées ou encore la relance de la Stratégie maritime pour l'exploration et l'exploitation des grands fonds marins. « Derrière de belles paroles en faveur des océans, Emmanuel Macron, champion du double discours, soutient l'exploitation minière en eaux profondes et défend les industriels de la pêche », estime Charles Braine, président de Pleine Mer, une association prônant une transition durable de la pêche.

L'exploitation minière des grands fonds marins en ligne de mire

Avec la relance de sa Stratégie nationale d'exploration et d'exploitation minière des grands fonds marins et les investissements prévus par le plan France 2030, la France allume, en effet, un gyrophare dans les dossiers des ONG. Mais le gouvernement se veut rassurant. « Nous parlons aujourd'hui d'exploration, il est prématuré de parler d'exploitation, pour une raison simple, nous ne connaissons encore que 2 % du plancher océanique, nous avons encore beaucoup à inventorier et découvrir », argumente la ministre de la Mer, à l'occasion d'une audition devant la mission sénatoriale consacrée aux grands fonds marins.

Malgré une certaine prudence sur ce sujet qualifié de « sensible » par le secrétaire général de la Mer, Denis Robin, les lapsus entre exploitation et exploration vont bon train au cours des nombreuses auditions que la mission effectue. Car les deux mots apparaissent bien dans la stratégie nationale, au grand dam de Greenpeace. « On a du mal avec le mot exploitation, l'objectif 3 de la stratégie. On a du mal à entendre la sincérité. La priorité doit être la science. Car l'extraction serait fatale pour ces écosystèmes sensibles », plaide François Chartier, au One Ocean Summit, appelant la France à soutenir l'idée d'un moratoire international sur l'exploitation des grands fonds, lancé en 2021. « Si la France soutenait ce moratoire, ce serait un signal clair. Levons les ambiguïtés. » Mais le pays entend faire à sa manière.

Connaitre pour mieux protéger

“ Voyons à quelles conditions on peut aller, ou pas, vers l'exploitation des grands fonds. ” Denis Robin, secrétaire général de la Mer
« Cette stratégie est nécessaire, car on a besoin de transparence. Nous n'en sommes pas encore au stade de l'exploitation. Nous en sommes à l'acquisition de connaissances, martèle Denis Robin, au One Ocean Summit. Le moratoire, c'est le confort de l'ignorance, on s'interdit d'aller voir. Alors que la connaissance crée la responsabilité. Voyons à quelles conditions on peut aller, ou pas, vers l'exploitation des grands fonds. » « L'exploration ne se fera pas à n'importe quel prix (…). Les conditions écologiquement acceptables d'une exploitation sont aujourd'hui inconnues ; elles doivent être précisées », estime également la ministre Annick Girardin, auditionnée par le Sénat.

Car l'idée de la France est bien de comprendre et d'appréhender les écosystèmes des grands fonds pour mieux les protéger et encadrer l'exploitation. Elle a d'ailleurs développé une expertise reconnue depuis plus de vingt ans, portée en première ligne par l'Ifremer et les nombreuses études qu'il a déjà réalisées. Un rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la ZEE de Polynésie française (2) fait le point. Ainsi, dès 2001, l'Ifremer et le BRGM ont réalisé une évaluation préliminaire des encroûtements polymétalliques sous-marins. En 2014, cette dynamique de recherche s'est poursuivie, avec la mobilisation de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), qui a confirmé la présence d'un potentiel de nodules polymétalliques au nord-ouest de la ZEE. Les recherches ont surtout permis d'identifier un potentiel de ressources prometteur concernant les encroûtements cobaltifères. Ces nombreuses études ont permis, par la même occasion, d'en savoir un peu plus sur les espèces présentes et la richesse de ces écosystèmes.

Pour maintenir ce leadership, les 300 millions d'euros de France Relance et la Stratégie fonds marins (300 millions également) financeront plusieurs nouveaux programmes d'exploration en outre-mer et en métropole et le développement d'engins capables d'aller analyser ces grands fonds, avec l'Ifremer comme chef de file. D'autres types d'études sont au programme. L'IRD va réaliser un état des lieux pluridisciplinaire sur l'exploitation des fonds marins et travailler à la construction d'un cadre de gouvernance pour l'exploration et l'exploitation. De même, dans le cadre de la stratégie minière, le ministère de la Transition écologique est en train de cartographier les zones favorables à « une exploitation durable », autrement dit d'identifier là où les impacts seraient les moins forts. Il est également prévu qu'un pilote industriel d'exploitation mené par un consortium d'entreprises voit le jour pour comprendre les interactions avec le milieu lors des prospections minières. Tous les travaux en cours ont donc bien, dans leur construction, les deux volets : exploration et exploitation.

Peser dans les négociations internationales

Ainsi, la France pose les jalons d'une exploitation future des fonds marins dont elle a la souveraineté aujourd'hui, le deuxième plus grand domaine au monde. Elle va même au-delà en augmentant régulièrement son terrain de jeu et en faisant partie des quelques pays autorisés à explorer les eaux internationales sous l'égide de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Reste à savoir si sa vision « d'exploitation durable » a une chance de se concrétiser. Sous la pression de certains États, l'AIFM prépare un traité qui encadrera l'exploitation future de ces fonds. Une nouvelle mouture est attendue dans les prochaines semaines, pour une adoption au plus tard en 2023. La France se dit « satisfaite » de la tournure prise par les négociations et entend bien appuyer ce règlement. Quitte à s'en inspirer pour son domaine maritime ?

1. Traité BBNJ ou biodiversity Beyond National Jurisdiction.2. Télécharger le rapport de la Cour des comptes
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39083-Cour-des-comptes-gestion-protection-zone-economique-exclusive-Polynesie-francaise.pdf

Réactions4 réactions à cet article

"Emmanuel Macron « souhaite que ce rendez-vous donne l'impulsion nécessaire au démarrage d'une année 2022 décisive pour enrayer la dégradation de nos mers »" : mais qui peut bien s'imaginer ne serait-ce qu'une seule seconde que, derrière ce discours tout en greenwashing, nos décideurs néolibéraux ne voient pas dans les océans le nouvel Eldorado permettant de repousser plus loin les limites de la planète afin de satisfaire au dogme de la Sainte Croissance ?
Le mot exploration n'est jamais que l'arbre - vert, cela va de soit ! - qui cache la forêt de l'exploitation.

Pégase | 10 février 2022 à 18h29 Signaler un contenu inapproprié

Pégase au pouvoir. Lui seul nous sauvera des "méchants"...
C'est comique de traiter Macron de "libéral" alors que c'est le président de la Vème qui a étendu le plus la sphère étatique sur l'économie française...

Albatros | 16 février 2022 à 17h31 Signaler un contenu inapproprié

Cet article publié par le quotidien Le Monde (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/07/2017-2021-un-quinquennat-plutot-favorable-pour-les-secteurs-banquier-et-financier_6116473_4355770.html) montre la nature profondément libérale de l'actuel locataire de l’Élysée, n'en déplaise à certains. Comment du reste s'en étonner, de la part d'un ancien banquier d'affaire de chez Rothschild & Cie, banque qui recrute rarement des activistes de gauche et/ou écologistes ?!
Et encore, l'article ne traite pas du détricotage - que dis-je, du pilonnage ! - du code de l'environnement...

Pégase | 07 mars 2022 à 22h56 Signaler un contenu inapproprié

Camarade Pégase au pouvoir ! C'est la lutte finale, groupons nous et demain, l'internationale sera le genre humain !
Mettons à bas le système, en effet. (et vive le Monde, la nouvelle Pravda).

Albatros | 30 mars 2022 à 16h52 Signaler un contenu inapproprié

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