La consommation de viande et l'élevage sont souvent pointés du doigt pour leur empreinte carbone. Non sans raison : l'élevage représente près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture (48 %), qui elle-même représente le deuxième poste d'émissions de la France, après les transports (81 Mt de CO2 en 2021 selon les chiffres du Citepa).
Pour se mettre sur la voie de la neutralité carbone en 2050, le Gouvernement a établi les prochains budgets carbone par secteur à 2030 : l'agriculture devra réduire ses émissions de 18 MtCO2 d'ici là. Cela passera par une baisse des émissions d'azote, des gains d'efficacité énergétique, un meilleur stockage du carbone dans les sols agricoles et une baisse de l'impact de l'élevage, indiquent les travaux préparatoires de planification écologique. Ces travaux tablent notamment sur « une baisse tendancielle des cheptels bovins (et de la consommation intérieure) de 12 % d'ici à 2030 ». Or, s'il est vrai que ces élevages sont en recul en France ces dernières années, et que la consommation se reporte sur les viandes blanches, le gain environnemental n'en est pas forcément assuré. Explications.
Baisse du cheptel bovin, une fausse bonne nouvelle ?
Le document de travail publié le 9 juin le reconnaît d'ailleurs : « Les régimes alimentaires n'évoluent pas à la vitesse de la baisse tendancielle des cheptels bovins de 12 % en 2030, augmentant le risque d'émissions importée, la balance commerciale sur la viande étant déjà déficitaire. »
Dans le cadre des travaux sur la loi d'orientation et d'avenir agricole, un groupe de travail consacré au climat s'est, lui aussi, penché sur la question de l'élevage. Et selon lui, la baisse des effectifs est surtout liée à la concurrence européenne et internationale. Et d'en tirer le même constat. « Ce recul n'a pas d'intérêt environnemental s'il n'est pas articulé avec une évolution de la consommation alimentaire et se traduit par un recours accru à des importations (avec des normes de production potentiellement plus faibles) », indique la synthèse.
De fait, sans approche environnementale plus globale, mobilisant au-delà des éleveurs, il est vain d'attendre une réelle transition. La faible rentabilité de l'élevage est un frein au changement, accentuée par des débouchés incertains. « La demande des consommateurs est exactement à l'inverse des aspirations sociétales identifiées. Une des difficultés des filières animales est bien de répondre à toutes les aspirations et à toutes les bourses », souligne le CGAER.
Modifier d'abord la demande
« L'un des principaux verrous identifiés est l'évolution de la demande du marché aval (transformateurs, distribution, consommateurs) et sa capacité à contribuer à l'accélération de la transition des modes de production tout en maintenant un revenu rémunérateur pour les producteurs et la compétitivité de l'aval », analyse le groupe de travail de la loi d'avenir agricole. Celui-ci déplore le déficit d'instruments de politique publique en faveur d'une évolution des régimes alimentaires.
Même analyse pour la Fondation pour la nature et l'homme (FNH), qui appelle à « faire évoluer l'environnement alimentaire (donc l'offre de la distribution, restauration hors domicile et des industries agroalimentaires) afin d'inciter à consommer moins et mieux de produits animaux et plus de végétaux ». La fondation plaide pour l'ouverture d'une réflexion sur la régulation des volumes, des prix mais aussi des échanges commerciaux internationaux pour lutter contre la concurrence déloyale. Enfin, selon elle, il faudrait moduler les soutiens à l'élevage pour l'orienter vers une baisse des volumes de production et une amélioration des pratiques.
Des aides plus ciblées
De nombreux acteurs plaident notamment pour une reconnaissance des services environnementaux de l'élevage (valorisation de terres non arables, maintien des paysages et de l'activité économique rurale…) et une réorientation des aides vers les modèles les plus vertueux. L'une de ses propositions, qui a fait consensus dans le groupe de de travail sur la loi d'avenir agricole, porte sur un soutien orienté vers les systèmes d'élevage durables (plein air, pâturage…) à travers justement le paiement des services rendus à l'environnement.
C'est en outre ce que défend la Cour des comptes, qui plaide pour un système d'aides plus individualisées et prenant en compte à la fois la performance économique et socioéconomique. « Les exploitations qui satisfont déjà à ces exigences seraient confortées. Les exploitations produisant des externalités positives mais peu performantes économiquement ou celles, à l'inverse, viables économiquement mais produisant peu d'externalités pourraient être mieux accompagnées pour tendre vers un modèle d'élevage performant et durable. »
Mais agir à l'échelle de l'exploitation ne suffirait pas. Le groupe de travail sur la loi d'avenir agricole défend une meilleure répartition spatiale de l'élevage sur le territoire français. Cela nécessite une approche collective, afin de réduire la trop forte concentration de l'élevage dans certaines régions, « avec des conséquences défavorables sur l'environnement » et de développer cette activité dans des régions où il y en a peu, voire pas du tout.