Le 25 avril 2017, le Conseil des ministres de l'Union européenne a adopté définitivement le nouveau règlement européen visant à limiter l'impact environnemental et sanitaire engendré par les activités et procédés liés au mercure. Ce métal lourd est considéré comme neurotoxique, néphrotoxique (1) , immunotoxique, génotoxique et perturbateur endocrinien. Le 2 février 2016, la Commission européenne avait présenté sa proposition de texte (2) qui abroge le règlement du 22 octobre 2008.
Ce nouveau règlement (3) vise à aligner le droit européen sur la Convention internationale de Minamata d'octobre 2013. Il a pour objectif de protéger la santé humaine et l'environnement contre les rejets anthropiques de mercure et de ses composés dans l'air, l'eau et le sol, en limitant ou bannissant l'utilisation et le commerce de ce métal dans les produits et les procédés de fabrication.
Le texte prévoit des interdictions et restrictions des exportations et importations de mercure, de ses composés et des produits contenant du mercure ajouté. Il fixe aussi les mesures applicables au stockage "écologiquement rationnel" des déchets de mercure. Le règlement s'appliquera à compter du 1er janvier 2018.
Restriction des amalgames dentaires
L'amalgame dentaire est la deuxième utilisation du mercure dans l'UE. Selon la Commission, "le potentiel de pollution a été estimé à environ 75 tonnes de mercure par an, le potentiel de pollution à long terme se chiffrant à plus de 1.000 tonnes (4) , il est nécessaire de prendre des mesures portant spécifiquement sur cette source". L'interdiction de l'amalgame dentaire mercuriel dans toute l'UE a fait l'objet de débats entre la Commission, le Parlement européen et les Etats, avant de trouver une position commune le 6 décembre dernier.
La Commission, le Parlement et les Etats membres se sont accordés pour ajouter dans le règlement la protection à titre préventif des populations identifiées comme les plus vulnérables contre le mercure dentaire. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le mercure est particulièrement nocif pour le développement du fœtus et du jeune enfant. A partir de juillet 2018, l'Europe interdira le recours à l'amalgame dentaire dans le traitement des dents de lait, des enfants de moins de 15 ans et des femmes enceintes ou allaitantes. Une exception est toutefois prévue pour des besoins médicaux spécifiques du patient jugés nécessaires par le praticien. Si l'association Non au mercure dentaire (NAMD) a salué cette avancée, elle a appelé à aussi interdire les amalgames "pour tous". "Pourquoi continuer à exposer une partie de la population à ce redoutable toxique ?", a-t-elle déploré.
A partir de janvier 2019, les cabinets de dentistes auront également l'obligation d'utiliser des amalgames encapsulés pré-dosés ainsi que des séparateurs pour éviter de contaminer les eaux usées. En France, les capsules pré-dosées (5) sont déjà obligatoires depuis 2001 et les séparateurs d'amalgame depuis 1998 (6) . "Les séparateurs mis en service après la date d'application du règlement en 2018 devront assurer une rétention d'au moins 95% des particules d'amalgame. A partir du 1er janvier 2021, tous les séparateurs utilisés en Europe, anciens et nouveaux, doivent assurer une telle rétention", a précisé l'Ordre national des chirurgiens-dentistes.
Il reviendra aussi à chaque Etat membre de fixer, d'ici à juillet 2019, sa feuille de route pour diminuer l'usage des amalgames. Sur cette base, la Commission européenne proposera une stratégie d'élimination du mercure dentaire, sur le long terme et si possible d'ici 2030.
Interdiction d'exportations et d'importations
Le règlement interdit également l'importation du mercure lorsqu'il est destiné à l'extraction minière artisanale et d'or du minerai. Le règlement renforce également en janvier 2018 l'interdiction des exportations déjà en vigueur à partir de l'Union européenne, du mercure métallique et de certains composés (7) et les mélanges de mercure métallique avec d'autres substances dont la teneur atteint 95% de la masse (interdits aussi à l'importation).
Le texte prévoit l'interdiction progressive de l'exportation, de l'importation et la fabrication de plusieurs produits contenant du mercure ajouté. A l'instar des lampes fluorescentes (8) à compter du 31 décembre 2018. Suivie à partir du 31 décembre 2020 de l'interdiction des piles (9) , des pesticides, des biocides et des antiseptiques locaux, ou encore des thermomètres et des pycnomètres à mercure.
Le règlement bannit également l'utilisation de mercure ou de ses composés dans les procédés de fabrication, comme catalyseur à partir du 1er janvier 2018, et comme électrode (10) . La production de chlorure de vinyle monomère est aussi interdite à partir du 1er janvier 2022.
Stockage des déchets
Le texte limite aussi la période maximale autorisée pour le stockage temporaire des déchets de mercure liquide, à cinq ans (jusqu'au 1er janvier 2023), avec une prolongation possible de trois ans par la Commission. Plus de 6.000 tonnes de déchets de mercure liquide seront en effet produites dans l'UE d'ici la fin de l'année 2017, principalement en raison du démantèlement obligatoire des cellules d'électrolyse à mercure dans l'industrie du chlore et de la soude.
Les déchets de mercure qui auront, quant à eux, subi une conversion et, le cas échéant, une solidification, devront être "définitivement éliminés" dans les sites de stockage permanent agréés pour le traitement des déchets dangereux.
La Commission européenne devra par ailleurs produire un inventaire des sites contaminés, dans un délai de trois ans (au plus tard le 1er janvier 2021), sur la base des données fournies par les Etats membres.