Le sénateur de l'Aveyron Alain Fauconnier (PS) a déposé, le 4 février, une proposition de loi visant à interdire la culture de maïs génétiquement modifié (1) sur le territoire français.
Pour rappel, le Conseil d'Etat a invalidé, le 1er août 2013, l'arrêté du 16 mars 2012 interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810, au motif que les arguments français justifiant cette clause de sauvegarde n'étaient pas convaincants. Le gouvernement avait alors annoncé qu'il prévoyait de présenter un nouveau dossier avant la fin de l'hiver, pour empêcher des semis en 2014.
Parallèlement, une décision à l'échelle européenne est attendue concernant la procédure d'autorisation du maïs TC 1507, mis sur le marché par Pioneer Hi-Bred.
Compte tenu de l'urgence liée aux risques environnementaux posés par la culture de ces OGM, le sénateur demande donc l'interdiction de leur mise en culture.
MON 810 : les risques environnementaux ne sont pas encadrés
Dans l'exposé des motifs, le sénateur socialiste estime que la culture d'OGM "pose des risques environnementaux, notamment des risques d'impact sur la biodiversité et sur les insectes non-cibles ainsi que des risques agronomiques, en accentuant les risques d'apparition d'insectes résistants aux insecticides et d'adventices tolérantes aux herbicides".
Il rappelle que l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa) a elle-même reconnu, dans un avis publié en décembre 2012, que l'exposition à la toxine Cry1, présente dans le maïs Bt11 mais aussi le MON 810, pouvait présenter un danger potentiel pour les larves de lépidoptères présentes sur des plantes-hôtes situées à proximité d'une culture de maïs MON 810 et Bt11. "Le groupe OGM de l'EFSA a conclu que des mesures d'atténuation des risques peuvent être nécessaires dans des conditions spécifiques (en fonction, par exemple, de la sensibilité et de la présence de lépidoptères, de la superficie cultivée de maïs Bt, de la densité de la plante-hôte) afin de réduire l'exposition des lépidoptères très sensibles au pollen du maïs Bt11", précisait alors l'avis, indiquant que ces précautions étaient également valables pour le MON 810. Plusieurs mesures d'atténuation des risques étaient alors préconisées : distance d'isolement conservatrice de 20m, création de zones refuges pour les espèces non cibles, renforcement de la surveillance…
Or, constate le sénateur, "aucune mesure de gestion de la culture de maïs MON810, destinée à limiter les risques pour l'environnement n'est imposée par la décision d'autorisation délivrée en 1998 dont le renouvellement [déposé en 2012 par Monsanto] est toujours en cours d'examen". Selon lui, "les mesures de gestion et les plans de surveillance volontaires proposés par Monsanto, et partiellement mis en œuvre, sont très nettement incomplets, au regard des recommandations formulées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, et donc insuffisants pour préserver l'environnement". Ce qui justifie une interdiction de mise en culture de ce maïs.
TC 1507 : une évaluation incomplète
La proposition de loi souligne également l'urgence d'interdire la culture du maïs TC 1507, qui, en l'absence de majorité qualifiée au sein du Conseil européen, pourrait obtenir une autorisation de mise en culture prochainement. Les députés européens ont d'ailleurs appelé les Etats membres, mi-janvier, à invalider cette demande d'autorisation.
"Le maïs 1507 présente une tolérance à l'herbicide glufosinate, bien que cette dernière ne soit pas présentée comme un argument commercial par le pétitionnaire et que le projet d'autorisation n'inclue pas l'utilisation de cette tolérance à un herbicide. Cette modification portant sur la résistance au glufosinate a été insuffisamment évaluée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments", estime le sénateur, qui demande une évaluation plus complète de cet OGM.
De plus, des résistances à la protéine Cry1F ont été observées sur des ravageurs présents en Outre mer, et reconnues par l'Efsa.
"Compte tenu du calendrier de la procédure d'autorisation du maïs 1507, de l'urgence liée à l'approche de la période des semis de maïs et du risque important mettant en péril de façon manifeste l'environnement, il apparaît nécessaire de prévoir une mesure d'interdiction couvrant également la mise en culture du maïs TC 1507", conclut donc l'élu.
Renforcer l'évaluation et autoriser les clauses de sauvegarde
Le sénateur revient également sur le renforcement de l'évaluation sanitaire et environnementale des OGM, demandée à l'unanimité par les Etats membres en 2008 et adoptée en 2013. Seulement, ce renforcement ne s'applique qu'aux demandes d'autorisation déposées à partir de décembre 2013… De fait, l'évaluation des maïs MON810 et TC1507 reste "insuffisante".
En dernier lieu, l'élu rappelle que la question des OGM "nécessite la prise en compte des particularités géographiques, agronomiques et écologiques des territoires très divers de l'Union". En France, leur culture aurait selon lui des impacts économiques sur les filières agricoles "sans OGM" (qu'elles soient conventionnelles ou biologiques) et sur l'apiculture.
La proposition de règlement européen visant à autoriser, à l'échelon national, des mesures de sauvegarde pour des raisons autres que sanitaires et environnementales, est toujours bloquée, faute d'accord entre les Etats membres.