Alors que les rapports alarmants sur l'érosion de la biodiversité et le dérèglement du climat se multiplient, une étude, publiée mercredi dans la prestigieuse revue "Nature" (1) , laisse entrevoir une lueur d'espoir : malgré les nombreuses pressions qu'elle a subie au cours du siècle dernier, la vie marine pourrait être restaurée « substantiellement » en l'espace d'une génération. À une condition : que des mesures ambitieuses de protection soient rapidement mises en place à travers le monde.
« L'abondance, la structure et le fonctionnement de la vie marine pourraient être en grande partie restaurés d'ici 2050 si les pressions humaines, y compris le changement climatique, sont réduites », soulignent les auteurs de cette étude. « Restaurer la vie marine est un défi atteignable pour l'humanité », concluent-ils.
Les mesures de protection peuvent avoir des effets impressionnants sur la vie marine
Afin de parvenir à ces résultats, les auteurs de cette étude ont calculé l'impact des mesures de conservation menées au cours des vingt dernières années sur neuf composants essentiels de la vie marine : les marais salés, les mangroves, les plantes à fleur, les récifs coralliens, les algues, les bancs d'huîtres, les stocks halieutiques, la mégafaune et l'océan profond.
Les données collectées montrent que l'océan peut faire preuve d'une résilience impressionnante lorsque des mesures de protection sont mises en place : menacés d'extinction en 1977, les phoques gris ont ainsi vu leur population bondir de 823 % dans la mer Baltique, et de 1 410 % à l'est du Canada. La population de baleines à bosse migrant de l'Antarctique à l'Australie augmente également de 10 à 13 % par an, et compte aujourd'hui 40 000 individus, contre une centaine en 1968. La restauration de la forêt de mangroves du Delta du Mékong, qui s'étend sur 1 500 km2, est également un signe encourageant de la résilience des écosystèmes marins.
Si certaines conséquences des activités humaines sur la vie marine sont irréversibles (au moins vingt espèces marines ont déjà disparu en raison des pressions d'origine anthropique), la mise en place de mesures de protection ambitieuses pourrait donc s'avérer efficace pour lutter contre l'érosion de la vie marine. Les chercheurs estiment qu'entre 50 et 90 % des neuf composants essentiels de la vie marine pourraient être restaurés en l'espace de trente ans. Certaines espèces et habitats gravement fragilisés pourraient néanmoins avoir besoin de plus de temps avant de recouvrer la santé.
Mettre en place une politique de protection de l'océan ambitieuse : une nécessité
La restauration de la vie marine ne pourra néanmoins pas se faire sans la mise en place d'une politique de protection de l'océan ambitieuse. Restaurer la vie marine nécessite de limiter la pollution de l'océan, notamment plastique, de lutter contre la surpêche, et de préserver les habitats marins, notamment en zones côtières. Pour ce faire, les auteurs de l'étude suggèrent de durcir la réglementation existante en matière de surpêche, d'initier de nouveaux projets de restauration des habitats, de créer de nouvelles aires marines protégées, et de renforcer la protection de celles d'ores et déjà existantes.
Outre la nécessité morale et éthique de préserver la vie océanique, les chercheurs insistent également sur les bénéfices économiques de ces mesures de protection : protéger 50 % de la surface de l'océan permettrait de créer un million de nouveaux emplois, et rapporterait 10 dollars pour chaque dollar investi. « Nous nous trouvons au point où nous pouvons encore choisir entre faire hériter aux générations futures un océan résilient et vivant, ou un océan perturbé de manière irréversible », soulignent les auteurs de cette étude. Sans changement rapide de trajectoire, ce choix risque de n'en être bientôt plus un.