Le Parlement se veut plus prudent avec les agrocarburants
La Commission Industrie Recherche et Energie (ITRE) du Parlement s'est ainsi prononcée hier sur le sujet et a notamment modifié le projet de la Commission concernant les agrocarburants. Les parlementaires ont notamment choisi d'intégrer un objectif intermédiaire à l'horizon 2015 : d'ici cette date, les énergies renouvelables devront représenter 5% dans le secteur des transports dont 1% grâce à de nouvelles solutions incluant les agrocarburants de seconde génération, l'hydrogène et l'électricité.
Les parlementaires ont également décidé de maintenir l'objectif de 10% d'énergies renouvelables dans les transports d'ici à 2020 mais ils ont précisé qu'au moins 4% devront être des « nouvelles solutions ». Toutefois, les députés souhaitent que cette proportion, tout comme l'objectif de 10% en 2020 soit revus en 2014. Cette révision devrait se focaliser sur les conséquences pour la sécurité alimentaire, la biodiversité et la disponibilité de l'électricité et de l'hydrogène produite à partir d'énergies renouvelables, de biogaz ou de biocarburants pour les transports issus de biomasse ligno-cellulosique et d'algues, explique la commission dans son amendement.
Les membres du Parlement ont par ailleurs renforcé les critères de durabilité de la biomasse énergétique : pour être pris en compte dans les statistiques, les agrocarburants devront permettre d'économiser au moins 45% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants fossiles alors que la Commission européenne avait proposé le chiffre de 35%. À partir de 2015, les réductions d'émissions de gaz à effet de serre devraient être d'au moins 60%.
De plus, la commission parlementaire a ajouté des critères de durabilité sociale, notamment le respect des droits fonciers des communautés locales et la rémunération équitable de tous les travailleurs.
Plus de flexibilité pour atteindre 20% d'EnR d'ici à 2020
À travers plusieurs amendements, la Commission Industrie et Energie a souhaité donner plus de flexibilité aux Etats membres pour leur permettre d'atteindre leurs objectifs. Rappelons que l'objectif européen de 20% d'énergies renouvelables en 2020 doit être supporté par tous les Etats membres à hauteur de leurs moyens. Les Parlementaires n'ont pas modifié les objectifs nationaux proposés par la Commission mais donnent la possibilité aux Etats membres de mener des projets collectifs pour l'utilisation d'énergies renouvelables, ou de transférer « statistiquement » cette énergie renouvelable à d'autres. Les Etats membres pourraient aussi combiner leurs objectifs et établir des mécanismes de soutien communs pour les atteindre.
Cette flexibilité a néanmoins été complétée par l'instauration de sanctions financières. La commission de l'industrie a en effet demandé à la Commission d'imposer des pénalités directes aux Etats membres qui n'arrivent pas à atteindre les objectifs obligatoires. Selon Euractiv, ces sanctions financières pourraient atteindre 110 euros par mégawatt (MW) pour les retardataires. Les Etats membres qui dépassent leurs objectifs pourraient percevoir une prime financière de 30 à 40 euros par MW.
Des réactions mitigées
Concernant les agrocarburants, l'association Les Amis de la Terre, Oxfam France et le Comité Catholique contre la faim et pour l'environnement ont fait part de leur satisfaction : le vote du Parlement européen est la reconnaissance des impacts graves des agrocarburants sur la souveraineté alimentaire et les prix des produits agricoles, explique Ambroise Mazal, responsable souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire. Les Amis de la Terre craignent toutefois que les critères de durabilité renforcés par le Parlement ne soient pas suffisants. Ils ne répondent en rien au problème clé de la surconsommation de carburant dans les pays riches, explique Sébastien Godinot, coordinateur des campagnes de l'association. Ce n'est pas la certification qui répondra aux enjeux, mais la réduction des transports, ajoute-t-il.
Le WWF en revanche estime que les amendements de la Commission vont conduire la planète vers la surchauffe. Le fonds reproche particulièrement aux députés de renforcer la possibilité pour les pays européens de ne pas réduire leurs émissions sur leur territoire mais de financer des projets de réductions des émissions dans les pays du Sud via le marché carbone. L'efficacité environnementale de ces projets à beau être très douteuse, la Commission n'a pas jugé bon d'adopter des critères de qualité, regrette le WWF.
Du côté des producteurs d'agrocarburants, on fait grise mine. Selon Euractiv, le secrétaire général des producteurs européens de biocarburants, Raffaello Garofalo estime que les députés ont trahi l'industrie du biocarburant et évoque les investissements engagés pour développer une capacité de 4 millions de tonnes : un coût de centaines de millions d'euros.
Le paquer climat/énergie va par la suite passer entre les mains de la Commission environnement dont l'avis est attendu pour le 7 octobre prochain.